Chandon de Briailles, François
Le comte François Chandon de Briailles (1892-1953), descendant des fondateurs de la fameuse maison de Champagne, fils du comte Raoul [Paul ?], lui-même historien et bibliophile, a légué au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale ses collections de monnaies grecques classiques — à l’exclusion des monnaies archaïques et des monnaies hellénistiques, passées en vente publique en 1959 —, de monnaies impériales et coloniales du Proche-Orient, de bulles et sceaux de l'Orient latin et de pierres gravées antiques, son médaillier indochinois en laque (début XXe s.) et divers objets. L’ensemble du legs est entré au Cabinet des médailles le 23 février 1953 sous la cote générale Y 23455bis. Ses bibliothèques et archives ont eu une destinée différente. Il avait hérité, avec son frère Henri, d’une partie de l’imposante bibliothèque de son père — l’autre ayant été donnée à la bibliothèque (désormais médiathèque) d’Épernay — consacrée à l’histoire d’Épernay et du vin, avec un fonds d’incunables et d’ouvrages du XVIe au XIXe siècles. De son côté, il a constitué un fonds d’ouvrages consacrées à l’histoire de l’Orient et du Proche Orient, à l’épigraphie, la numismatique, l’archéologie en général. Ce fonds, passé dans l’héritage familial, a donné lieu récemment à une vente publique ; tandis que ses archives, majoritairement liées à l’histoire des familles champenoises (actes de vente, contrats de mariages, dossiers sur les sceaux, blasons, etc.), viennent d’être versées aux archives départementales de l’Aube.
Le comte avait fait des études de lettres et de droit. Partageant son temps entre la gestion de ses terres et les affaires publiques (il fut maire de Chaource, dans l'Aube, de 1923 jusqu'à sa mort), ses goûts le portaient également vers l'archéologie et l'héraldique : il fit de fréquents voyages au Liban, où il se lia d'amitié avec Henri Seyrig, dont l'influence sur sa collection de monnaies est manifeste. En Syrie, il collabora à la mission archéologique de Ras Shamra, et surtout constitua sa collections de bulles de plomb de l'Orient latin dont il publia, essentiellement dans Syria, plusieurs exemplaires. Sa collection de monnaies grecques, pourtant d'importance, ne semble pas lui avoir inspiré de publication. Quant à la collection de monnaies impériales et coloniales du Proche Orient, l'influence d'Henri Seyrig fut probablement déterminante dans sa constitution et son accroissement, et nombre de monnaies d'un intérêt tout particulier ont fait l'objet d'échange de lettres entre le comte Chandon et Seyrig, voire de publication par ce dernier. Ces deux ensembles, reçus au Cabinet des médailles sans leurs étiquettes d’origine et dans un état de grand désordre, sont en cours de catalogage.
Richard, Jean, notice nécrologique, Syria 30 (1953), p. 375-376. Gerin, Dominique, « Le comte François Chandon de Briailles (1892-1953) et la numismatique », Bull. de la Soc. Fr. de Num., juin 1992, p. 378-380.
Pierres, monnaies grecques et orientales. Inv. mss MMA 106-107
Le comte Jean-François-Auguste de Bastard d’Estang (1792-1883), antiquaire et grand défenseur du Patrimoine français, avait acquis en mars 1830 une collection de pièces originales provenant de la Chambre des Comptes réunie par un employé du Cabinet des titres, Aubron. Il s’agissait pour l’essentiel de chartes, registres d’archives et sceaux détachés des XIVe et XVe siècles. Après la mort du comte Bastard, sa famille en fit don à la Bibliothèque nationale avec sa collection de manuscrits français et latins, ses archives personnelles (Département des Manuscrits) et une collection de calques faits sur des manuscrits enluminés (Département des Estampes). Les quelque 260 sceaux de rois et reines de France, grands dignitaires de la couronne, grands feudataires, seigneurs, ecclésiastiques et sceaux de cours de justice ont été donnés au Département des Monnaies, Médailles et Antiques en septembre 1885 (cf. Registre des dons - 1860-1890, F 85, p. 227-234, sous les n° 3635 à 4024). Le catalogue de ces sceaux, dressé par l’archiviste Germain Demay, est intégré dans le catalogue analytique des collections du comte Bastard d’Estang publié par Léopold Delisle en 1885 (p. 193-223).
Cf. L. Delisle, Les collections de Bastard d’Estang à la Bibliothèque nationale, Nogent-le-Rotrou, 1885.
Beistegui, Carlos de
Carlos de Beistegui, d’origine basque (né à Mexico en 1863, mort à Biarritz en 1953), d’une famille immensément riche fixée en France en 1876, amateur d’art éclairé, a entretenu dès le début du XXe siècle des liens avec le Cabinet des médailles.
En 1902, il offrait au Cabinet la collection de 1040 monnaies et médailles d’Alsace formée par Henri Meyer (613 monnaies et 427 médailles) (Acq. F 9928). En 1905, ce furent 3 pièces achetées pour le Cabinet à la vente Aylé (n° 78 bis, 107 et 264 du catalogue) (Acq. F 10236-8). Il donna ensuite des sceaux en 1905 (Acq. F 10297-10300), des monnaies provinciales romaines provenant d’un trésor exhumé près de Césarée de Cappadoce avec une lampe en bronze trouvée avec ce dépôt en 1908 (Acq. F 10639-10645), un camée en 1919 (Acq. Y 3980). Il déposa enfin au Cabinet sa collection prestigieuse de monnaies, essentiellement en or, au mois de décembre 1931, après en avoir fait l’annonce à. J. Cain par lettre du 15 octobre. Dans sa réponse, datée du 4 novembre, l’administrateur général de la BN, se félicite de la générosité de son geste et termine en espérant que M. de Beistegui éprouvera « une juste satisfaction en voyant [sa] collection à l’honneur, classée dans des médailliers exécutés à cet effet, et placés dans la Salle du Grand Camée, à proximité des objets les plus justement admirés des livres rares du Cabinet des Médailles ». Ce dépôt fut mentionné dans la RN 1932, p. 108 : 1 227 pièces rejoignaient le Cabinet, à titre définitif « dans la pensée de son propriétaire et conformément aux lettres qu’il a échangées avec M. l’Administrateur ».
Dès 1934, J. Babelon publiait, dans un ouvrage réservé aux amis de M. Carlos de Beistegui et tiré à 80 exemplaires hors commerce, le catalogue de ce magnifique ensemble. Les séries représentées en sont les suivantes : grecques (1-55), romaines (56-222), byzantines (223-228), multiples romains (229-239), gauloises et françaises (240-642), féodales françaises (643-677), étrangères (678-1178), médailles françaises (1179-1206), étrangères (1207-1226). D’une manière générale, C. de Beistegui s’était procuré les raretés que ne possédait pas le Cabinet. Les planches de cet ouvrage, exécutées directement d’après les originaux, sont magnifiques (cf. le compte-rendu dans la Revue numismatique, 1934, p. 267-8).
Carlos de Beistegui continua après 1934 d’acquérir quelques monnaies, et, d’après l’exemplaire interfolié du catalogue que possède le Cabinet, 14 pièces furent ajoutés à l’ensemble (n° 229a, 236a, 384a, 395a, 670a, 769a, b, c et d, 800a, 962a et b, 1002 bis, 1206 ter. Le n° 384a, un demi-louis de Louis XV, fut du reste publié dans la RN 1935, p. 91-92. Le dernier ajout (le n° 229a) date du 20 janvier 1939. D’où vient alors que Carlos de Beistegui révoqua sa promesse de don (alors qu’il venait en 1942 de faire don au Louvre de sa collection de peintures)? En tout cas, dans le rapport d’activité du Cabinet en Juillet 1944, on trouve cette indication : « Le 12 Juillet a été remis à M. Charles de Beistegui [le propriétaire du château de Groussay depuis 1938] agissant au nom de son oncle M. Carlos de Beistegui, une somme de 90 millions de francs, prix de la collection de monnaies et médailles décrite au catalogue publié en 1934, remise au Cabinet avec promesse de don, cette promesse ayant été révoquée par M. Carlos de Beistegui ». Cet achat, le plus important jamais réalisé par le Cabinet, porte le n° d’inventaire P 552. Aujourd’hui, ces monnaies ne sont pas conservées à part, en tant que collection, mais ont été intégrées aux différentes séries auxquelles elles appartiennent. Elle ont gardé leur numérotation et leur étiquette d’origine.
Boisgelin, Henri Louis - De Clercq, Louis Henri Louis Boisgelin, St –Cyr-sur-Loire (Indre et Loire) 1897-Paris 1985 Petit neveu et héritier de la riche collection d’archéologie de Louis De Clercq (Oignies, Pad-de-Calais, 1836-Oignies 1901), il offrit en 1967 au Musée du Louvre de faire un choix des pièces les plus importantes - plus de 600 - sous condition qu’elles soient exposées. G. Le Rider, directeur du Cabinet des Médailles, aidé d’Henri Seyrig, fut de son côté autorisé à sélectionner les pierres gravées et les monnaies les plus intéressantes pour la Bibliothèque nationale. Ce don généreux rendait hommage à la volonté de son oncle, Louis De Clercq, d’enrichir les collections publiques françaises, volonté que ce dernier n’avait eu le temps de mettre à exécution. Alexandre de Boisgelin, beau-frère de Louis De Clercq, avait fait partie, en 1854, d’une mission archéologique en Syrie, menée par Melchior de Vogüé. Grâce à ces relations, le jeune Louis De Clercq accompagna en 1859, en tant que photographe, l’archéologue Guillaume Rey pour une étude des châteaux forts des Croisés en Syrie. Les cinq mois de sa mission achevés, il continua son voyage, photographiant les monuments de Jérusalem, de l’Egypte et de l’Espagne musulmane. Deux cent vingt-deux clichés furent publiés par ses soins, à compte d’auteur, à son retour à Paris, dans un Recueil photographique comprenant six tomes en cinq volumes(cf. département des Estampes et de la Photographie). Au cours de ce voyage, De Clercq s’était lié avec le premier interprète du consulat de France à Beyrouth, devenu quelques années plus tard consul de France à Beyrouth, Napoléon-Antoine Péretié, ami et conseiller du duc de Luynes. C’est de lui qu’il acquit ses premiers antiques, qui furent à l’origine de sa vocation d’archéologue et de collectionneur. Il n’aura par la suite de cesse de compléter ses séries : il retourne en Syrie en 1862-1863, puis en 1893, en compagnie de son neveu Georges de Boisgelin. De France, il reste en correspondance avec les principaux antiquaires de Syrie et surtout avec son ami Péretié, auquel il achète des séries entières, leur commanditant des fouilles. La riche collection ainsi réunie est décrite dans sept gros volumes, publiés à Paris entre 1885 et 1911, sous le titre Collection De Clercq. Catalogue méthodique et raisonné. Les deux premiers, consacrés à la glyptique et aux antiquités orientales, sont dûs à Louis De Clercq et Joachim Menant ; les suivants, consacrés aux antiquités gréco-orientales, sont de André de Ridder. Le grand intérêt de la collection provient de sa cohérence scientifique : l’objectif de De Clercq, clairement exprimé dans la préface du premier volume, est de réunir des objets « provenant directement de fouilles dans un pays déterminé selon un plan fixé d’avance », c’est-à-dire de la Phénicie, ayant été « frappé par la variété des richesses archéologiques que contenait la Phénicie ». Son champ d’action, d’abord limité aux objets trouvés sur le sol de Syrie s’étend par la suite à Chypre et à la Mésopotamie. La collection de pierres gravées offre un double intérêt : d’une part, la provenance des objets est très souvent connue ; d’autre part, beaucoup d’intailles et de camées ont conservés leurs montures antiques d’origine. La plupart sont en outre des pièces de grande qualité. La numérotation en usage actuellement reprend celle des publications : - Collection De Clercq. Catalogue t. II, 1ère partie. Cylindres orientaux (n° 1 à 397) . Sont entrés à la Bibliothèque les 180 cachets orientaux décrits p. 3 à 54 sauf 3 numéros. - Ibid, tome VII, 2e partie. Pierres gravées (n° 2401 à 3535). Sont entrés 19 camées, 341 intailles (plus 18 intailles modernes non cataloguées par de Ridder). La liste précise en est donnée dans la Revue Numismatique 1968, p. 32. Il faut y ajouter 14 bijoux catalogués dans le t. VII, 1ère partie - les monnaies ont été publiées pour la première fois par G. Le Rider et H . Seyrig, dans deux volumes de la Revue numismatique : IX, 1967, p. 7-53, pl. I-X : 259 monnaies séleucides, recueillies en Syrie et au Liban ; X, 1968, p. 7-33, pl. I-VIII : 184 monnaies syriennes, phéniciennes et diverses. Issu d'une riche famille du Pas-de-Calais, futur député, Louis de Clercq manifesta un intérêt précoce pour l'archéologie. Il aurait aussi été le jeune courrier de Napoléon III en 1859 pendant la guerre d'Italie, portant les dépêches entre Paris et les résidences impériales de Saint-Cloud, Fontainebleau et Compiègne. Au même moment, son beau-frère Alexandre de Boisgelin apprenait par son ami l'archéologue Melchior de Vogüé qu'Emmanuel-Guillaume Rey (1837-1916) cherchait un assistant pour l'accompagner en Orient dans une mission obtenue auprès du ministère de l'Instruction publique. À la fin de l'année 1859, Louis de Clercq sollicita donc auprès de l'administration des Beaux-Arts une mission pour accompagner Rey. Cette expédition avait pour but d'étudier les châteaux forts des croisés en Syrie, auxquels Guillaume Rey souhaitait consacrer un ouvrage illustré par la photographie. L'archéologue et son photographe quittèrent Paris en août 1859, débarquèrent à Lattaquié et voyagèrent ensemble pendant cinq mois. Ils se quittèrent en janvier 1860 à Jérusalem après avoir réalisé les vues souhaitées par Rey. Celui-ci rédigea alors à l'intention du ministre de l'Instruction publique un rapport décrivant le travail accompli et annonçant la publication des résultats. Mais de Clercq avait pris goût à la photographie de voyage et à l'archéologie. Il continua son périple pour son propre compte, photographiant Jérusalem, l'Égypte et, pour finir, l'Espagne, dont il souhaitait, à des fins de comparaison, voir les monuments mauresques. Sa vision de l'architecture, servie par les beaux formats de ses tirages et sa maîtrise du négatif sur papier ciré sec, est ample et harmonieuse. De retour à Paris, il publia à compte d'auteur, à cinquante exemplaires, un monumental ensemble de six tomes en cinq volumes comprenant deux cent vingt-deux tirages. Il "trahissait" donc Rey en exploitant des photographies faites pour lui, même s'il les incluait dans l'ensemble plus vaste et étranger au projet initial qu'était devenu son propre voyage. Dans un article publié tardivement, en 1881, alors qu'il est devenu un très grand collectionneur d'antiquités, il retrace l'historique de cette expédition, en ne se présentant même plus comme un jeune assistant mais comme un archéologue voyageur indépendant : il ne mentionne même pas la présence de Rey, et c'est à peine s'il concède que "les découvertes que j'ai faites ne sont pas demeurées complètement inédites ; j'ai eu le plaisir de les mettre à la disposition de M. E.-G. Rey, qui en a utilisé une partie pour son ouvrage sur l'architecture militaire des croisés". Les exemplaires qui furent transmis au château de Fontainebleau par la bibliothèque du Louvre étaient sans doute un don du photographe au souverain qu'il avait servi avant son départ. Malheureusement, dès cette époque, le deuxième album, consacré aux châteaux des croisés, manquait. On imagine mal qu'il ne l'ait pas offert alors que sa mission officielle portait justement sur ce point d'histoire. Avait-il été conservé par l'empereur à titre personnel ou prélevé par un amateur indélicat ? Le même cadeau fait à la Société française de photographie en 1861 par de Clercq participant à l'exposition biennale de la Société, est, lui, resté composé des cinq albums au complet.
« La donation L. De Clercq-H. de Boisgelin », La Revue du Louvre, 1968, n° 4-5, p. 299-346. Une biographie de Louis De Clercq a été écrite par E. Babelon dans l’introduction du tome III du Catalogue.
Revue numismatique, 1967, p. 7-53 et 1968, p. 7-40
On sait peu de chose sur Ernest Zay, sa vie et sa carrière, revues et gazettes numismatiques ayant été fort peu reconnaissantes à l’égard d’un collectionneur érudit et généreux dont l’œuvre reste encore de nos jours la bible du monnayage colonial français. On ne sait rien de sa jeunesse. Né en 1829, Ernest Zay, commença relativement tardivement, vers 40 ans, à collectionner systématiquement et à étudier les monnayages des colonies françaises. Dans sa maison de la rue Montholon, il rassemblait non seulement des signes monétaires, mais également un importante documentation qu’il allait chercher dans les cabinets numismatiques et dans les administrations liées au x colonies françaises ; C’est ainsi que ses recherches l’on conduit aux archives du ministère de la Marine et des Colonies dont il était devenu un lecteur assidu compulsant les archives et les documents confié à A. Gambey, l’archiviste du ministère. En 1892, il publiait à Paris l’Histoire monétaire des Colonies françaises, qui devint le manuel de base pour tout chercheur ou de tout collectionneur travaillant sur le monnayage colonial de la France. Cet ouvrage est encore la référence dans ce domaine ; Zay en préparait une seconde édition largement augmentée que la mort l’empêcha d’achever. Le département des Monnaies, Médailles et Antiques conserve en effet l’exemplaire personnel de Zay, tout couvert de notes et de ratures, de passages biffés, de pages interfoliées développant des passages ou donnant des précisions historiques, de dessins et d’estampages de pièces collationnées ici ou là. Sur la page de titre, il a masqué la mention « d’après les documents officiels » et ajouté de sa main « 2e édition revue et augmentée ».
Ernest Zay mourut le 14 novembre 1909 à Paris. L’année précédente, il avait fait don de sa collection au Cabinet des Médailles (inscrit dans le registre 86, Dons F 1890-1908, p. 289-290).
La collection Zay comprend principalement des monnaies des colonies et protectorats français d’Afrique du Nord et sub-saharienne (Algérie, Tunisie, Foutah-Djalon, Gabon, Congo, Comores, La Réunion, Madagascar, etc.), d’Indochine (Cochinchine, Annam, Laos, Cambodge), des Cinq Comptoirs de l’Inde, d’Amérique du Nord et Antilles (Canada, Martinique, Guadeloupe, Marie-Galante, etc.), de la Nouvelle-Calédonie, des jetons, médailles et décorations liés à l’histoire coloniale, ainsi que quelques monnaies des colonies étrangères, en tout 741 documents numismatiques.