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Les intendants et gardes du Cabinet des médailles des origines à 1753
Pierre-Antoine de Rascas de Bagarris, « intendant des médailles et antiques du roi », 1601-1620.
Pierre-Antoine de Rascas de Bagarris, naquit à Aix-en-Provence en 1562. Fils cadet de Guillaume de Rascas, seigneur de Bagarris et de Châteauredon, et de Suzanne Isnard, il devint docteur en droit en 1588 et s’établit comme avocat au parlement d’Aix. Il commença alors de former un cabinet de curiosités et de médailles. En 1598 ou 1599, Bagarris alla s’établir à Paris et entra en relation avec Isaac Casaubon, le futur garde de la Bibliothèque du roi.
Aux alentours de 1601, sous les auspices du président Jeannin, d’Attichy, intendant des finances, et de Béringhen, premier valet de chambre, Bagarris fut présenté à Henri IV et reçut de lui la charge d’intendant de ses médailles. Le roi aurait confié quatre missions au gentilhomme provençal : la première était de composer son « Histoire auguste » (c’est-à-dire les dessins et les inscriptions d’une histoire métallique semblable à ce que serait celle de Louis XIV) ; la seconde de préparer un projet de monnayage de ces médailles ; la troisième d’écrire deux livres, un traité général sur les médailles et un discours pour justifier le monnayage des médailles. La dernière mission consistait à « assembler desdits thrézors d’antiquitez et surtout desdites médailles antiques, pour ses cabinetz et maisons royales », avec le titre d’intendant des médailles et antiques.
L’exposé des idées et des projets de Bagarris se trouve dans un opuscule intitulé Nécessité de l’usage des médailles dans les monoyes publié en 1611, et supposé être la transcription d’un discours commandé par le roi, « présenté et leu publiquement, longtemps il y a, à Sadicte Majesté, dez le mois de novembre à Fontainebleau en l’année mil six cens huict ». Dressant le bilan de son action, l’intendant se félicite de la bienveillance royale « pour avoir Sa Majesté, non seulement commandé, mais aussi elle-mesme soigné et procuré le recouvrement de cabinetz entiers desdites rares médailles antiques, et encore pour continuer à y pourveoir tous les jours ». À la fin du règne de Henri IV, Bagarris partageait son temps entre Fontainebleau et Paris et suivait les déplacements du roi. Il avait ajouté au titre d’« intendant des médailles et antiques du roy » celui de gentilhomme ordinaire de la chambre.
Au moment de l’assassinat de Henri IV, Bagarris, qui séjournait à Aix, refusa d’abandonner son poste : « Je seroy très marry, écrit-il alors, d’avoir dressée cette charge [d’intendant des médailles et antiques] quoyque petite en apparence (s’il y a de petites charges près la personne des grands rois) (...) pour la quitter d’ouye et la mespriser. À Dieu ne plaise ! Aussi je désire la continnuer et servir le reste de mes jours autant qu’il plaira au roy m’y avoir agréable ». Rentré à Paris, il fit imprimer son opuscule, dédié à Louis XIII et à Marie de Médicis, et une pension annuelle de 1 000 livres lui fut accordée par brevet du 26 mai 1611.
L’intendant des médailles et antiques demeura à Paris au moins jusqu’en 1616. De retour à Aix, il épousa en 1619 Gabrielle Albert, qui lui donna deux jumeaux, et mourut l’année suivante, le 14 avril 1620, à l’âge de cinquante-huit ans.
Après Bagarris, le poste d’intendant des médailles semble être resté vacant pendant une quarantaine d’années, jusqu’à la nomination de l’abbé Bénigne Bruno.
Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, 1661-1848, Paris : Ecole nationale des chartes, 1994, p. 10-17.
Bénigne Bruno, intendant du Cabinet des médailles et antiques du roi, 1660-1666.
Né à Dijon en 1591, fils d’un conseiller au Parlement de Bourgogne, Bénigne Bruno ne succéda pas à son père, mort en 1618, dans sa charge de robe. On le retrouve en 1627, devenu l’un des quatre maîtres d’hôtel de Gaston, duc d’Orléans, frère unique de Louis XIII. Il tentait alors de s’agréger à la noblesse et avait pris le nom de sieur de Montmuzard, petite terre proche de Dijon jadis possédée par ses parents. Au moment de la Fronde, Bruno joua auprès de Gaston d’Orléans un rôle assez bizarre, peut-être d’agent double. C’est sans doute à ce titre qu’il devint en 1653 abbé commendataire de Saint-Cyprien de Poitiers, bénéfice considérable rempli avant lui par des ecclésiastiques de haut rang, et reçut, à une date indéterminée, la garde du Cabinet de son maître.
Le 2 février 1660, Gaston mourut, laissant au jeune Louis XIV sa bibliothèque et ses collections, parmi lesquelles se distinguait l’ensemble de « ses médailles d’or, d’argent et de cuivre, des pierres gravées, des antiques et autres raretez qui estoient à la garde du sieur Bruno ». Ce dernier fut maintenu en fonctions, et les collections dont il avait la garde furent transportées du Luxembourg au Louvre. On les installa dans l’ancienne galerie du cardinal Mazarin, à l’étage attique du pavillon du roi, du côté de la Cour carrée. Bruno reçut un petit appartement contigu, qui donnait sur l’actuelle cour du Carrousel.
Durant son séjour au Louvre, le Cabinet s’accrut de pièces en tous genres, dont les plus remarquables furent les antiquités du « tombeau de Childéric ». Après ces accroissements, la nécessité de nouveaux inventaires se fit sentir : Bruno se chargea de celui des pierres gravées, et Colbert confia la confection de l’inventaire des médailles antiques à des experts reconnus, Thomas Le Cointre, antiquaire du roi, et Pierre Séguin, doyen de Saint-Germain-l’Auxerrois.
Le 15 novembre 1666, un déséquilibré s’introduisit dans le Cabinet des médailles, à la faveur du séjour de la Cour à Saint-Germain-en-Laye. Bruno était demeuré au Louvre. L’intrus, peut-être surpris par le vieillard, le larda de coups de couteau et prit la fuite par la corniche. La garde, avertie par des couvreurs, abattit le fuyard, dont le corps alla s’écraser sur le pavé de la Cour carrée.
Le jour même du meurtre, Colbert ordonna de la part du roi au chancelier Séguier que les clefs du Cabinet fussent remises à Pierre de Carcavi, commis à la garde de la Bibliothèque royale, « pour remettre toutes choses en bon estat et vériffier les inventaires ». La fin tragique de Bruno offrit un excellent argument à Colbert pour obtenir de Louis XIV le transfert du Cabinet à la Bibliothèque, transfert qui eut lieu quelques jours plus tard.
En vertu d’un brevet du 12 décembre 1666, Nicolas Colbert, évêque de Luçon et frère du ministre, déjà garde de la Bibliothèque du roi depuis 1656, succéda nominalement à Bruno dans la charge d’intendant du Cabinet des médailles.
Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, 1661-1848, Paris : Ecole nationale des chartes, 1994, p. 25-34.
[Après la mort de Bénigne Bruno, la charge d’intendant du Cabinet des médailles fut réunie à celle de garde de la Bibliothèque du roi (1666), et bientôt à celle de maître de la Librairie (1684). Jusqu’à la Révolution, les bibliothécaires du roi prirent donc, dans les pièces comptables intéressant la Bibliothèque, le titre « d’intendant du Cabinet des médailles ».
Se reporter aux notices biographiques des gardes de la Bibliothèque, Nicolas Colbert (1666-1676) et Louis Colbert (1676-1684).]
Pierre de Carcavi, commis à la garde de la Bibliothèque et du Cabinet des médailles du roi, 1666-1683.
Né à Lyon en 1603, fils de Jean de Carcavi, banquier de Cahors, receveur général des décimes de Languedoc, Guyenne et Lyonnais, Pierre de Carcavi fut d’abord pourvu d’un office de conseiller au parlement de Toulouse puis d’un office de conseiller au Grand Conseil. Ruiné par la faillite de son père, il fut contraint pour subsister de vendre sa charge et de faire le commerce des livres. Sur la recommandation de l’abbé de Bourzeis, Colbert le prit à son service comme bibliothécaire – grande marque de confiance, car le ministre décrivait en 1672 « le plaisir de former ma bibliothèque, comme « étant presque le seul que je prenne ». Aux alentours de 1663, Carcavi prit la direction de la Bibliothèque du roi, tout en continuant de s’occuper de celle du ministre. En 1669, il céda la place chez Colbert à l’érudit Étienne Baluze. En fait, les deux bibliothèques, royale et colbertine, étaient administrées par les mêmes hommes et s’accroissaient aux mêmes sources.
Comme son patron, surnommé « le Nord » par Mme de Sévigné, Carcavi jouissait d’une réputation de dureté et d’aigreur. On le surnommait le « cerbère de la Bibliothèque royale », et Gronovius appelait ses commis « la chiourme de M. de Carcavi ». Colbert et son commis achetèrent en bloc plusieurs grandes collections parisiennes, dont l’entrée dans le Cabinet royal provoqua un accroissement rapide des différentes séries. Carcavi et son maître n’arrêtèrent pas leur collecte à la capitale. Ils l’étendirent à la province, à l’Europe du Nord et du Midi et bientôt jusqu’au Levant. Manuscrits, imprimés, médailles et pierres gravées affluèrent alors vers la Bibliothèque du roi et celle du ministre, comblant les vides que le marché parisien n’avait pu satisfaire. Il s’agissait de faire de la collection du roi la première du monde, et ce dans tous les genres, antique et moderne, médailles et pierres gravées.
Mais la formation accélérée d’un Cabinet royal qui deviendrait le plus riche de l’Europe n’était pas tout à fait une fin en soi. Elle servait aussi les entreprises littéraires et scientifiques patronnées par Colbert. Le grand dessein numismatique du ministre prit place au sein d’une célèbre publication, Le Cabinet du roi, recueil de planches gravées réunies en luxueux volumes uniformes, qui reproduisaient les bâtiments royaux et les collections d’objets d’art qu’ils renfermaient. De la description des propriétés royales, on s’orienta, en joignant le texte à l’image, en publiant des dissertations savantes, vers un projet qui n’était pas sans annoncer l’Encyclopédie du siècle suivant. Dès 1670, Colbert souhaita faire graver l’ensemble des médailles du Cabinet. Seul parut, en 1682, le recueil des médaillons du Cabinet de Louis XIV ; il consistait en quarante et une planches, gravées par Gilles Jodelet de La Boissière. La mort de Colbert, survenue le 6 septembre 1683, mit un terme au projet.
Louvois, qui remplaça Colbert à la surintendance des Bâtiments, fit renvoyer Carcavi sous l’imputation d’avoir couvert voire commis des vols et des détournements, notamment des médailles du Cabinet du roi pour les mettre dans le sien. Le commis évincé mourut peu après, dans le courant de 1684, sans que l’on n’ait rien pu prouver à son encontre. La cause officielle de son renvoi, répandue dans les cercles académiques, fut donc l’« extrême vieillesse », qui l’aurait rendu incapable de remplir ses fonctions.
Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, 1661-1848, Paris : Ecole nationale des chartes, 1994, p. 34-46.
Sarmant (Thierry), « Colbert et la République des médailles », Revue numismatique, 1997, p. 333-358.
Pierre Rainssant, commis à la garde du Cabinet des médailles du roi, 1683-1689.
Né en 1640 dans une famille rémoise adonnée aux belles-lettres, le médecin Pierre Rainssant lia son sort à la puissante famille Le Tellier en la personne du frère de Louvois, Charles-Maurice, archevêque de Reims. Quand la question du remplacement de Carcavi se posa, l’archevêque proposa son protégé à Louvois. Rainssant porta en même temps que le titre de commis à la garde des médailles du Cabinet du roi celui de « médecin de Mgr de Louvois » ou de « médecin des Bâtiments du roi ».
Rainssant avait pour supérieur théorique l’abbé de Louvois, alors enfant, et dont le rôle se réduisait à signer les états de dépenses. En fait, il recevait ses ordres de Louvois, de la bouche même du ministre ou par l’intermédiaire des principaux commis de la surintendance des Bâtiments.
En février 1684, Louvois fit transférer le Cabinet des médailles à Versailles, dans un local luxueusement aménagé, et engagea pour le dépôt des dépenses considérables (90 000 livres pour la seule année 1685) destinées à donner les moyens de mener de front la disposition des médailles dans leurs nouvelles tablettes, l’acquisition de nouvelles pièces pour compléter les suites, la rédaction de nouveaux inventaires et, à terme, la publication intégrale du Cabinet dont Carcavi avait ébauché le projet. Rainssant n’y pouvant suffire seul, le ministre recruta une équipe de savants qui se chargèrent chacun de tout ce qui se rapportait à leur spécialité, depuis les acquisitions jusqu’à la publication (Jean Foy-Vaillant, André Morell, le P. Claude Du Molinet, l’abbé Pierre Bizot, François Le Blanc).
Quant à Pierre Rainssant, il n’eut pas le temps de donner toute sa mesure : durant une promenade dans le parc de Versailles, il tomba dans la pièce d’eau des Suisses, voisine du logis de la surintendance, et s’y noya ; il semble avoir été sous l’emprise de l’opium au moment de cet accident, survenu le 6 juin 1689. Il avait publié une Explication des tableaux de la galerie de Versailles, et de ses deux sallons, Versailles : François Muguet, 1687.
Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, 1661-1848, Paris : Ecole nationale des chartes, 1994, p. 46-60.
Sarmant (Thierry), Les demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi, Seyssel : Champ Vallon, 2003, p. 243-247.
Marc-Antoine Oudinet, commis à la garde du Cabinet des médailles du roi, 1689-1712.
Cousin de Pierre Rainssant, Marc-Antoine Oudinet était son contemporain (il naquit à la fin de 1643) et rémois comme lui. Ils avaient pris ensemble le goût de la numismatique en s’amusant à examiner le contenu d’une urne pleine de médailles de bronze trouvée par un fermier du père de Marc-Antoine. Oudinet avait suivi l’enseignement du collège des jésuites de Reims. Après des études de droit à Paris, il était devenu avocat au Parlement. De retour à Reims, il plaida avec succès, et accéda bientôt à la chaire de droit de l’université. En 1685, Rainssant l’avait fait venir à Versailles pour lui servir d’adjoint. Il était à ce poste depuis quatre ans quand son parent mourut. Oudinet alla aussitôt porter les clefs du Cabinet à Louvois ; « mais ce ministre, qui le connoissoit, rapporte Gros de Boze, lui dit de les garder, puisqu’il sçavoit qu’elles étoient en de bonnes mains, et lui procura l’agrément du roi pour la même place. »
Le 16 juillet 1691, Louvois mourut brusquement. La Bibliothèque du roi et le Cabinet des médailles passèrent alors dans les attributions du secrétaire d’Etat de la Maison du roi, Louis Phélypeaux de Pontchartrain. Tandis qu’à la Bibliothèque Thévenot dut s’effacer, Oudinet resta commis à la garde du Cabinet des médailles. L’abbé de Louvois, garde de la Bibliothèque et intendant du Cabinet des médailles, demeurant sous la tutelle de son oncle, l’archevêque de Reims, ce dernier assura la direction supérieure des deux institutions. L’archevêque usa de cette prérogative jusque vers 1700, date à laquelle l’abbé de Louvois, âgé de vingt-cinq ans, put enfin prendre en main la direction de la Bibliothèque et du Cabinet des médailles.
La façon dont Oudinet s’acquitta de ses fonctions semble avoir donné toute satisfaction à ses supérieurs, sans que sa position de protégé des Le Tellier lui nuisît auprès des Phélypeaux. En 1698, le roi lui donna une pension de 1 500 livres ; en 1701, il entra à l’Académie des inscriptions ; en 1702, il fut gratifié d’une nouvelle pension de 1 500 livres. L’avocat rémois fut d’ailleurs apprécié dans le monde d’ordinaire peu complaisant de la Cour : « Dans un lieu où la plupart des gens ne cessent de se contraindre pour paroître meilleurs qu’ils ne sont, écrit Gros de Boze, il auroit quelquefois voulu ne pas passer pour aussi bon qu’il étoit. » Une attaque d’apoplexie l’emporta le 12 janvier 1712.
Les enrichissements du Cabinet des médailles ne cessèrent pas après les années fastes de Colbert et de Louvois. Si les difficultés financières croissantes interdisaient désormais les achats de cabinets en bloc, on achetait peu mais des médailles ou des pierres gravées de qualité. Pour se procurer des liquidités ou acheter au moindre prix, on eut recours à divers expédients : vente discrète des doubles, échanges, appel aux administrations pour envoyer à Versailles le produit des trouvailles. À plusieurs reprises, les Monnaies de Paris, de Rennes, de Reims, etc. envoyèrent ainsi les médailles antiques ou médiévales arrivées entre leurs mains et qui en d’autres temps eussent été promises à la fonte.
Entre 1689 et 1691, Marc-Antoine Oudinet rédigea de nouveaux catalogues des médailles modernes, des jetons et des pierres gravées. Mais, pour les suites plus considérables, notamment celles de médailles antiques, la tâche dépassait les forces d’un seul homme ; le garde se contenta de tenir un Journal des acquisitions qu’il interrompit en 1700. En fait, Oudinet se consacra principalement à l’« explication des médailles antiques », qu’il désignait comme son « travail ordinaire » : ainsi furent rédigées plusieurs dissertations destinées à l’Académie des inscriptions.
Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, 1661-1848, Paris : Ecole nationale des chartes, 1994, p. 60-74.
Jean-François Simon, commis à la garde du Cabinet des médailles du roi, 1712-1718.
La fortune du successeur d’Oudinet, Jean-François Simon suivit l’ascension de la famille Le Peletier. Né en 1654 d’un chirurgien de Paris, il entra en 1684 au service de Michel Le Peletier de Souzy, frère du contrôleur général Claude Le Peletier, comme précepteur de son fils, Le Peletier des Forts. Il devint bientôt le secrétaire de Souzy, et quand, en 1691, ce dernier reçut la direction générale des fortifications, Simon eut une commission de contrôleur dans ce département. Conseiller culturel du directeur général, il rédigea les devises et inscriptions qui surmontaient les portes des nouvelles citadelles et celles des jetons de l’ordinaire et de l’extraordinaire des guerres. Ses fonctions le rapprochaient donc à la fois du Cabinet des médailles et de l’Académie des inscriptions. Cette dernière l’accueillit, en même temps que son protecteur, lors du renouvellement de 1701. À la mort d’Oudinet, l’abbé de Louvois, choisit Simon, que son protecteur rattachait au clan Le Tellier, comme nouveau commis à la garde du Cabinet des médailles.
Quand Jean-François Simon entra en fonction, les caisses du Cabinet étaient vides, et les acquisitions se réduisaient aux envois du voyageur Paul Lucas transmis par Pontchartrain et l’abbé Bignon. Assisté par le seul commis Louis Vincenot, Simon délaissa le catalogage, et se satisfit des inventaires dressés par ses prédécesseurs. Dans les dernières années de son administration, le bois de chauffage était devenu le principal poste de dépense du Cabinet des médailles, après le traitement du commis.
Avec la mort de Louis XIV et le départ de la Cour pour Paris, le garde des médailles, qui aurait voulu participer aux travaux de l’Académie des inscriptions, souhaita lui aussi rejoindre la capitale. En 1717, l’abbé de Louvois décida le rapatriement du Cabinet à Paris. Mais l’année suivante, le bibliothécaire du roi, atteint par la maladie de la pierre, dut subir l’opération de la taille et en mourut (5 novembre 1718). Simon était atteint du même mal : le 10 décembre 1719, à un an de distance, le garde des médailles suivit son patron dans la tombe.
« Voulant avant que d’établir un nouvel ordre éclaircir tout le passé », l’abbé Bignon, successeur de l’abbé de Louvois, fit tout d’abord procéder à l’apurement des comptes du Cabinet des médailles. Cette vérification fit apparaître, sinon des irrégularités, du moins des négligences dans la gestion de Simon, surtout pour les deux dernières années.
Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, 1661-1848, Paris : Ecole nationale des chartes, 1994, p. 74-78.
Claude Gros de Boze, commis à la garde du Cabinet des médailles du roi, 1719-1753.
Né à Lyon en 1680, de Jacques Gros, notaire, et Marie de Boze « issus l’un et l’autre de familles estimées dans l’ancienne bourgeoisie », Claude Gros de Boze suivit l’enseignement du collège de la Trinité. Ayant gagné Paris pour y achever ses études, il s’y établit définitivement vers 1700. Son goût pour l’antiquité lui permit de gagner l’amitié de l’intendant Foucault, chef du Conseil de Madame Palatine et possesseur d’un riche cabinet. Foucault introduisit le jeune savant dans le monde des antiquaires et dans la petite cour érudite de la Palatine. Dès 1702, Gros de Boze collabora à l’Histoire métallique ; en 1705, il entra à l’Académie des inscriptions ; l’année suivante, à vingt-six ans, il en devint le premier secrétaire perpétuel ; la même année 1706, il succéda à l’abbé Tallemant comme intendant des devises et inscriptions des édifices royaux ; en 1714, le roi le pensionna pour un montant annuel de mille livres ; en 1715, enfin, il occupa à l’Académie française le fauteuil laissé vacant par la mort de Fénelon.
Ami et protégé de l’abbé Bignon, Boze avait commencé, comme son patron, à s’occuper des affaires du Cabinet des médailles bien avant d’en devenir officiellement garde, notamment en expertisant les envois de Paul Lucas. Étant déjà le second de l’abbé Bignon dans les académies et au bureau de la librairie, il était naturel qu’il le devînt aussi à la Bibliothèque et au Cabinet des médailles à partir de 1719 : bien que simple commis à la garde du Cabinet, il étendit son influence bien au-delà. Il fut en fait le bras droit de Bignon à la Bibliothèque, son conseiller de tous les instants, non seulement pour les médailles, mais aussi pour les estampes, les manuscrits et les imprimés.
Trésorier de France au bureau des finances de Lyon (il avait hérité cette charge de son oncle maternel), Gros de Boze avait parcouru en peu de temps le chemin qui mène de la roture à la noblesse, et par ses relations appartenait au grand monde : le maréchal de Villeroy, l’abbé de Rothelin, le chancelier d’Aguesseau, le président de Lamoignon, etc. En 1732, il fit un mariage tardif en épousant Philippine-Charlotte Châtre de Cangé, fille d’un commissaire des guerres et collectionneur célèbre. Les trois enfants issus de cette union moururent en bas âge.
Jusqu’en 1741 Boze donna la priorité à ses fonctions de secrétaire de l’Académie des inscriptions, dirigeant à partir de 1717 l’Histoire de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres depuis son établissement, où il écrivit de nombreux éloges de ses collègues, et les Mémoires de littérature tirés des registres de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres. En dehors de cette activité éditoriale, Boze se consacra à la confection des devises et des types de l’histoire métallique de Louis XV, où il y fit respecter et conserver les règles établies pendant le règne précédent.
Introduit par l’abbé Bignon au bureau des finances de la chancellerie qui connaissait de la librairie « grâcieuse », Boze y fut longtemps censeur, et y marqua par son rôle dans des entreprises éditoriales prestigieuses, comme les Fables de La Fontaine illustrées par Oudry et Cochin, dont il fit confier l’impression à Jombert, ou les séries d’albums de l’Imprimerie royale qui commémoraient les fêtes données par le roi. Il exerça par intérim la direction de la librairie de 1745 à 1747.
En 1741, la situation de Gros de Boze évolua notablement. Cette même année vit coïncider la retraite de l’abbé Bignon et le retour du Cabinet des médailles à Paris, dans un nouveau local dépendant de la Bibliothèque du roi. En décembre 1742, Boze se démit de sa place de secrétaire perpétuel pour se consacrer désormais au Cabinet des médailles. Les dix dernières années de sa vie furent assombries par les décès successifs d’un certain nombre de ses amis, notamment de l’abbé Bignon en 1743, et par la maladie. Ses rhumatismes dégénérèrent en paralysie d’une moitié du corps ; ce fut le mal dont il mourut, à Paris, le lundi 10 septembre 1753, à l’âge de soixante-quatorze ans.
Avec Gros de Boze, les enrichissements du Cabinet des médailles, réduits à presque rien sous Simon, reprirent de plus belle. Six grandes acquisitions furent effectuées sous son administration : le trésor de Gomégnies en 1724, celui de Troyes en 1726, les antiquités de Nicolas Mahudel en 1727, le bouclier votif d’Annibal en 1733, les médailles du maréchal d’Estrées en 1738, et celles du marquis de Beauvau en 1750. Pour le reste, le Cabinet des médailles vécut au ralenti, comme les études numismatiques elles-mêmes. Avant 1741, Boze, retenu à Paris, ne put se livrer au catalogage. Après cette date, il se trouva trop âgé pour entreprendre de grandes opérations de classement, et s’en déchargea sur son adjoint et bientôt successeur Barthélemy. À plus forte raison, il ne reprit pas à son compte le projet de publication des suites numismatiques du roi.
Sarmant (Thierry), Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, 1661-1848, Paris : Ecole nationale des chartes, 1994, p. 91-126.
Ce dossier a été réalisé par la Direction des collections, dans le cadre du comité d’histoire de la Bibliothèque nationale de France. Rédacteur : Thierry Sarmant. Paris, Bibliothèque nationale de France, 2007.