Il ne s’agit pas d’une véritable cote de la Réserve des livres rares (comme Enfer, Vélins ou Nains), mais d’une dénomination d’usage, née chez les libraires et reprise par les bibliothécaires. Entre les années 1880 et les années 1930 en effet fleurit en France un véritable sous-genre éditorial : le roman de Flagellation, branche spécialisée de la littérature érotique. Dans ce contexte, la "flagellation passionnelle" est une perversion sexuelle consistant à éprouver un plaisir érotique à se faire fouetter. La Flagellation s’est trouvé des cautions historiques : l’histoire médicale avec Johann Heinrich Meibom (1590-1655), auteur du De usu flagrorum in re medica et veneria ; l’histoire religieuse avec l’Histoire des Flagellants de l’abbé Jacques Boileau (1635-1716) ou le Traité des instruments de martyre et des divers modes de supplice… (1591) de l’oratorien Antonio Gallonio. Les châtiments corporels en usage dans les collèges britanniques, l’"éducation anglaise", ou l’histoire coloniale autorisent des études de mœurs. Les œuvres de Sacher-Masoch (1870, La Vénus à la fourrure) ou la Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing (1886) dominent le roman de Flagellation, qui mêle thèmes "masochistes" et "sadiques", scènes de domination ou d’humiliation, contrats de dressage…
Les ouvrages, signés de pseudonymes, semblent une variante alimentaire du roman pornographique : seul émerge le nom de Pierre Mac Orlan (auteur, sous le nom de "Sadie Blackeyes", de Lise fessée ou Baby, douce fille). Cette littérature, rarement poursuivie avant 1940, a parfois été condamnée en correctionnelle dans les années 1950 pour "outrage aux bonnes mœurs". Le fonds qui a été constitué à la Bibliothèque nationale provient à peu près exclusivement du dépôt légal. C’est assez tôt que l’administration a songé à les regrouper: à partir de 1900, ils se trouvent à la Réserve des livres rares entre les cotes Rés. p. Y2 260 et 999, encore mélangés à des romans non polissons. En 1934, ils reçoivent une cote spéciale, le Rés. p. Y2-1000, à l’intérieur de laquelle chaque volume, quel que soit son éditeur ou sa collection, est affecté d’une sous-cote. Afin d’éviter les vols –assez nombreuses "absences constatées" lors du récolement de 1947–, les ouvrages sont enfermés dans quatre "armoires de la Flagellation". La cote est fermée fin 1960 ; l’ensemble, environ 900 volumes, est transféré à l’annexe de Versailles, avant de retrouver en 1997 la Réserve des livres rares, où il côtoie désormais l’Enfer, voisin plus prestigieux. Les cotes 4-Y2-0000 et 8-Y-90000 du département Littérature et Arts jouent l’ancien rôle de la Flagellation, fonds clos.