Ancien instituteur des enfants de France, François-Roger de Gaignières, né en 1644 dans une vieille famille lyonnaise; devint écuyer du duc de Guise et à ce titre reçut un logement dans son hôtel (situé dans l'emprise actuelle des Archives nationales), qu'il quitta en 1701 pour s'établir rue de Sèvres, en face des Incurables. II passa sa vie en studieuses recherches dans le but vraisemblablement de composer une histoire générale constituée pour moitié de documents écrits et de documents figurés. II accumulait les images de costumes, de pierres tombales, de vitraux, de tapisseries, de sceaux. d'armoiries, les portraits, les vues de villes et de monuments. Dezallier d'Argenville, dans le Mercure de France de juin 1727, lui reproche de mettre dans sa collection des morceaux très communs, "jusqu'aux almanachs".
Pour réunir tous ces documents, il sillonna la France durant de longues années, assisté de Barthélémy Remy, son "valet de chambre paléographe" et de Louis Boudan, un graveur de troisième ordre dont il pensait sans doute qu'il pourrait porter sur le cuivre l'ensemble des dessins réunis en vue d'une édition. Celle-ci ne s'étant pas réalisée (en 1703, il avait émis le vœu qu'elle le fût aux frais de l'État), il compensa cet échec en ouvrant sa collection aussi largement que possible au public. En 1711, il fit à Louis XIV une donation avec réserve d'usufruit et il mourut quatre ans plus tard, en 1715.
Furent remis à la garde du roi, le 24 décembre 1716, 2407 manuscrits ; 24 portefeuilles de mode, soit 2231 pièces ; 31 volumes de tombeaux, soit 3181 pièces ; 117 volumes de géographie, topographie, etc. soit 12.885 pièces, et 100 volumes de portraits gravés, soit 7752 pièces.
Dès que la donation eut été faite, Clairambault, généalogiste des ordres du roi, tria la collection, pour en distraire malheureusement une partie (la collection Clairambault aboutit du reste par la suite aux Manuscrits, et avec elle nombre de dessins de Gaignières). Le 21 juillet 1717 eut lieu dans son hôtel de la place des Victoires une vente de manuscrits, d'estampes et de tableaux. Sur les mille portraits peints qu'avait réunis Gaignières, la Bibliothèque royale n'hérita que quelques pièces, dont le célèbre portrait de Jean le Bon par Girard d'Orléans, aujourd'hui en dépôt au Musée du Louvre.
En 1740, la collection fut répartie entre les différents départements de la Bibliothèque royale, selon la nature des documents.
A la fin du XVIIIe siècle, un vol dû à l'abbé de Gévigney, garde des titres et généalogies déposées à la Bibliothèque du roi, priva ladite bibliothèque d'un nombre considérable de dessins représentant des tombeaux et des épitaphes. Environ 3000 dessins reliés en 16 volumes in-folio passèrent la Manche. Ils devaient peu après être acquis par la Bibliothèque Bodléienne d'Oxford. Sur rapport de la Section d'archéologie du Comité des Travaux historiques (1860), un accord intervint et le peintre Jules Frappaz put aller à Oxford réaliser les calques qui remplacent aujourd'hui les originaux dans nos collections.