Châtre de Cangé, Jean-Pierre-Imbert (fin XVIIe siècle - 1746)
Né à la fin du XVIIe siècle à une date inconnue, Châtre de Cangé est le fils d'un apothicaire attaché au service du duc d'Orléans. Lui-même devint un familier du Régent Philippe d'Orléans et, à ce titre, supervisa notamment, en 1718, la réalisation de la célèbre édition de Daphnis et Chloé illustrée de figures dessinées par le Régent. Quand s'acheva la Régence, en 1723, Châtre de Cangé devint maire de Tours et occupa ces fonctions jusqu'en 1727, date à laquelle il obtint une charge de commissaire des guerres, qu'il conserva sans doute jusqu'à sa mort, survenue en 1746. Les collections de Cangé furent de trois ordres : une collection de documentation administrative et historique, relative pour sa plus grande partie à l'administration militaire d'Ancien Régime ; une collection iconographique relative à Henri IV, par laquelle Cangé manifestait clairement son attachement à la dynastie des Bourbons ; une collection de livres, comptant de très nombreuses raretés.
1. La collection relative à l'administration d'Ancien Régime est constituée de pièces tant imprimées que manuscrites (quelques documents originaux et de nombreuses copies, souvent de la main de Cangé lui-même). Donnée au roi par le fils de Cangé, elle est entrée à la Bibliothèque royale en 1751. Riche de 89 volumes in-folio, elle est aujourd'hui intégralement conservée à la Réserve des livres rares, où elle porte les cotes Rés. F. 159 à F. 246 bis, les volumes Rés. F. 233 à F. 246 bis consistant en tables très étendues. Les pièces imprimées n'ont pas fait l'objet d'un catalogue particulier et sont donc recensées dans le catalogue général de la bibliothèque ; en revanche les pièces manuscrites ont fait l'objet d'un inventaire imprimé : M. Prévost, Inventaire sommaire des documents manuscrits contenus dans la collection Châtre de Cangé au département des Imprimés de la Bibliothèque nationale, Paris, 1910. On conserve par ailleurs au bureau de la salle de lecture de la Réserve des livres rares, sous forme d'un petit cahier de quatre feuillets datant du début du XXe siècle, une table manuscrite sommaire des 89 volumes : elle mentionne l'organisation générale de la collection en quatre grandes séries (portefeuilles militaires ; ordonnances militaires ; administration militaire ; mélanges historiques et administratifs) et indique le contenu thématique de chaque volume.
2. La collection iconographique de portraits de Henri IV, tous gravés à l'exception d'un petit portrait dessiné, a été montée en un volume de 79 f. par Cangé lui-même, en 1726. Ce volume est conservé à la Réserve des livres rares sous la cote Réserve des livres rares. gr. fol. Lb35. 23. On trouve une description relativement détaillée de son contenu dans le Catalogue de l'histoire de France, t. Ier (Paris, 1855), p. 348-349.
3. La collection de livres imprimés et manuscrits réunie par Châtre de Cangé fut l'une des plus considérables de son temps. Elle a fait l'objet d'un catalogue imprimé au moment où son propriétaire en envisagea la vente, en 1733 (Catalogue des livres du cabinet de M***, Paris, 1733) : on y recense 170 manuscrits et environ 6500 volumes imprimés (correspondant à environ 5600 titres). L'ensemble de la collection fut alors acheté en bloc par la Bibliothèque du roi, qui toutefois en revendit les doubles, de sorte que ce sont à peu près 5000 volumes qui entrèrent alors à la Bibliothèque du roi. Par ailleurs, Cangé, une fois le marché conclu, ajouta à la transaction quelques manuscrits remarquables qui ne figuraient pas dans le catalogue de 1733 : ceux-ci furent décrits sur un feuillet à part qu'on a ajouté à quelques exemplaires du catalogue de 1733. La collection est particulièrement riche en deux domaines : d'une part l'histoire de France à partir de l'accession de Hugues Capet au trône de France et jusqu'à la période contemporaine ; d'autre part la littérature en langue française du XVe siècle et du début du XVIe (romans de chevalerie, mystères, moralités et farces, poésie du Roman de la Rose à Clément Marot). Le cabinet des livres de Cangé constitue ainsi, avec la bibliothèque de Gaston d'Orléans, l'un des deux noyaux originels de l'actuelle collection imprimée de littérature française de la Bibliothèque nationale de France.
L'histoire de la vente de la collection de Cangé a été brièvement retracée par Delisle, Léopold. Le Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque impériale... Paris, 1868, I, p. 411. Le contenu de la collection des livres imprimés de Cangé a été analysé par Jean Viardot dans "Naissance de la bibliophilie : les cabinets de livres rares", Histoire des bibliothèques françaises. II, Les Bibliothèques sous l'Ancien Régime, 1530-1789 / sous la dir. de Claude Jolly,... Paris : Promodis-Éd. du Cercle de la Librairie, 1988, p. 269-289 et par Jean-Marc Chatelain, La Bibliothèque de l'honnête homme, à paraître.
Lydia Mérigot, Les Catalogues du Département des imprimés, Paris : Bibliothèque nationale, 1974, p. 50. Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Impr. 45. Léopold Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque impériale [nationale] : étude sur la formation de ce dépôt, comprenant les éléments d’une histoire de la calligraphie, de la miniature, de la reliure et du commerce des livres à Paris avant l’invention de l’imprimerie, 1868-1881, t. I, p. 411-412. E.-G. Ledos, Histoire des catalogues des livres imprimés de la Bibliothèque nationale, Paris : Éditions des bibliothèques nationales, 1936, p. 67-68. Omont, Henri Omont, Concordances des numéros anciens et des numéros actuels des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, précédées d’une notice sur les anciens catalogues, Paris : E. Leroux, 1903, p. 45 Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 57.
CHASSÉRIAU.
Le Bulletin mensuel des récentes publications françaises de 1912 répertorie p. 949-950 un ensemble d’ouvrages concernant la vie et l’œuvre du peintre et graveur Théodore Chassériau (1819-1856), constituant le « Don Chassériau ». Ils sont actuellement principalement répartis entre le Département Littérature et Art et le Département Philosophie, histoire, sciences de l’homme.
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Impr. 44
Bulteau, Charles (1626 -1710).
Ce doyen des secrétaires du roi et frère du Mauriste Dom Louis Bulteau (1625-1693) s’était fait connaître moins par ses publications que par ses recherches historiques, facilitées par la possession d’une riche bibliothèque. Deux ans après sa mort, celle-ci fut dispersée au cours d’une grande vente publique qui dura du 3 avril au 13 août 1712, et dont le catalogue, établi par le libraire Gabriel Martin, fit longtemps figure de modèle bibliographique, en particulier à cause de son système de classement. 850 imprimés et au moins 900 unités bibliographiques (certaines reliures regroupant plusieurs textes) furent acquis par la Bibliothèque du roi à cette vente, et sont aujourd’hui partagés entre la Réserve des livres rares et les départements thématiques. Il en existe un état complet, dressé à l’époque, conservé aux Archives de l’établissement sous le titre Livres achetez pour la Bibliothèque du roi à l’inventaire de feu M. Bulteau doyen des secrétaires du roi. 1712 (AR 19, p. 113-203). La physionomie de cette collection reflète l’idéal de l’honnête homme du Grand siècle : Jean Boivin le décrit d’ailleurs comme un « parfait honnête homme, qui aimait passionnément les livres, surtout les livres d’histoire, dont il avait recueilli la fleur avec autant de soin que de dépense ». Comme son parent et compatriote rouennais Émery Bigot, dont du reste il possédait certains livres, il communiquait le résultat de ses recherches avec libéralité. A coté de livres rares et curieux, sa bibliothèque réunit une vaste documentation, en particulier d’ordre historique et politique.
Martin, Gabriel, Bibliotheca Bultelliana, seu catalogus librorum bibliothecae v. cl. D. Caroli Bulteau, regi a consiliis et secretariorum regiorum decani, Parisiis, apud P. Giffard, 1711. Bléchet, Françoise, « Glanes bibliographiques sur quelques grandes ventes publiques : la politique d’acquisition de la Bibliothèque du roi », Les ventes de livres et leurs catalogues, XVIIe-XXe siècle, Paris, École des chartes, 2000, p. 77-98, particulièrement p. 82-83.
E.-G. Ledos, Histoire des catalogues des livres imprimés de la Bibliothèque nationale, Paris : Éditions des bibliothèques nationales, 1936, p. 55-56
BROSSET.
Le Bulletin mensuel des publications étrangères répertorie en 1881, p. 119-128, en une liste alphabétique unique, les ouvrages légués à la Bibliothèque nationale par Marie-Félicité Brosset (1802-1880), membre de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg et professeur de littérature arménienne et géorgienne. Ceux-ci, plus d’une centaine, concernent principalement les langues et la littérature de la Russie et de ses possessions d’Asie centrale.
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Impr. 41
Tersan (Charles-Philippe Campion de), dit l'abbé de Tersan Né à Marseille en 1736, archéologue, graveur et architecte, l'abbé de Tersan a sans doute été l'un des derniers collectionneurs de l'Ancien Régime à posséder un cabinet de curiosités. Il semble avoir traversé la Révolution sans dommage. L'abbé de Tersan habitait l'Abbaye-aux-bois, couvent de cisterciennes fondé en Picardie puis transféré à Paris en 1654, vendu comme bien national en 1797 et transformé en maison d'habitation. Au moment de sa mort, son cabinet se trouvait dans ce lieu mythique qui, de 1814 à 1849, a accueilli Madame Récamier. Le catalogue de la vente après décès de ses collections donne la mesure de ses intérêts: bustes, figurines…, en terre cuite, albâtre, bronze etc., dispersés au cours d'enchères qui ont eu lieu à l'Abbaye-aux-Bois à partir du 8 novembre 1819. Le catalogue se termine par une liste de près de cent manuscrits médiévaux en latin et français, de quatre-vingts manuscrits modernes, et d'une quinzaine de manuscrits orientaux. Au moins cent de ces manuscrits sont entrés dans les collections du département des Manuscrits après la vente aux enchères. Selon une pratique fréquente à cette époque, le libraire De Bure a servi d'intermédiaire, en achetant les volumes puis en les revendant à la Bibliothèque royale en décembre 1819 et avril 1820. Il s'agissait surtout de manuscrits médiévaux, parmi lesquels un lot important de manuscrits provenant de l'abbaye de Rebdorff en Allemagne: en juillet 1800, l'abbaye de Rebdorff avait été pillée par un général français, Joba. Après la mort de ce dernier, de nombreux volumes étaient passés dans la bibliothèque de Chardin puis chez sir Thomas Phillipps ou chez Tersan. Ce dernier était aussi en possession de papiers d'orientalistes, que Jean-Pierre Abel-Rémusat récupéra dans son cabinet en juillet 1820, pour les faire apporter à la Bibliothèque royale. Ces vingt-huit cartons contenaient entre autres des dossiers de travail d'Arcadio Hoange, des Fourmont, de Leroux Deshautesrayes, de Guignes et de Tersan lui-même. D'après une note reliée en tête d'un des manuscrits regroupant la correspondance de Fourmont l'Aîné (naf 8944, f. 1bis), ils ont été reliés en 51 volumes. Ils sont classés parmi les nouvelles acquisitions françaises.
Delisle, Le Cabinet des Manuscrits…, II, p. 285. Paul Ruf, Mittelalterlichebibliothekskataloge Deutschlands und der Schweiz, III/2, Bistum Eichstätt, Munich, 1933, p. 256-316 et Sigrid Krämer et Michael Bernhard, ibid., suppl., I, Munich, 1990, p. 450-457 passim.
Léopold Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque impériale [nationale] : étude sur la formation de ce dépôt, comprenant les éléments d’une histoire de la calligraphie, de la miniature, de la reliure et du commerce des livres à Paris avant l’invention de l’imprimerie, 1868-1881, t. II