Le vicomte Gustave de Ponton d’Amécourt appartient à l’histoire de l’aviation et à celle de la numismatique.
Il naquit à Paris le 16 août 1825 et fit ses études à l’institution de Vaugirard. Il s’intéressa à la conquête de l’air. Il était lié à Nadar, aérostier notoire mais cependant partisan du plus lourd que l’air, et il créa la Société d’encouragement pour la locomotion aérienne aux moyens d’appareils plus lourds que l’air. Si Clément Ader voyait en l’aile la solution, Ponton d’Amécourt croyait en l’hélice et à la « giraviation » : il réalisa au cours des années 1860 des maquettes en aluminium, à ressort de montre ou à vapeur, prometteuses, obtenant quelques « allègements ». Une d’entre elles est conservée au Musée de l’Air et de l’Espace. Il fit breveter en France et en Angleterre un hélicoptère à vapeur qui n’existera jamais. Il était également lié à Jules Verne, qui se serait inspiré de ses travaux pour l’Albatros, le navire hélicoptère de Robur le conquérant. Jules Verne cite d’ailleurs Ponton d’Amécourt dans cet ouvrage, en tête d’une liste des « partisans de l'aviation » auxquels il rend un hommage appuyé. On attribue à Ponton d’Amécourt la paternité des mots « aviateur » et « hélicoptère » (1861). Maire de Trilport (Seine-et-Marne), « conservateur militant », fidèle « à la branche aînée de nos rois », fervent chrétien, il eut une conduite courageuse pendant la guerre de 1870, comme dans la lutte contre les lois anti-congrégations.
Membre, puis président de la Société archéologique de Seine-et-Marne, il fut membre fondateur de la Société Française de numismatique et d’archéologie (1865), son premier président, et il occupa ce poste avec un incontestable dynamisme jusqu’à sa mort en 1888, pendant donc 23 ans. En effet il s’intéressa très tôt à la numismatique : sa première publication, une lettre à M. de La Saussaye sur une monnaie gauloise, datée du 27 décembre 1852, parut dans la Revue Numismatique 1853. En 1857 il acheta le trésor carolingien d’Imphy (Nièvre), qui reste à ce jour le plus important trésor monétaire pour le règne de Pépin le Bref et le début de celui de Charlemagne : 63 deniers de Pépin, 4 de Carloman, 32 de Charlemagne et une pièce « indéchiffrable » (J. Duplessy, Les trésors médiévaux et modernes découverts en France, I, 751-1223, Paris, 1985, n° 169) ; ce trésor fut publié par Adrien de Longpérier (Revue numismatique 1858). Ponton d’Amécourt le conserva jusqu’en 1886. Il réunit une collection de monnaies d’or romaines, ses « brillants de la numismatique » : il en exposa 645 à l’Exposition universelle de 1878 au Trocadéro ; le catalogue de sa vente (en 1887) en comptait 999. Mais c’est principalement pour la collection et l’étude des monnaies mérovingiennes qu’il se passionna.
A sa mort il laissait la collection la plus importante au monde de monnaies de cette période : en 1863 il en possédait 800, lorsqu’il en acquit 443 en une seule fois. Il mettait volontiers sa collection à la disposition des savants de l’époque : Anatole de Barthélemy, Etienne Cartier, Maximin Deloche… Et il étudiait lui-même ce matériel amassé : son Essai sur la numismatique mérovingienne comparée à la géographie de Grégoire de Tours (1863) est la véritable « première pierre » de la numismatique de cette période : il y donne les incontestables bases méthodologiques et scientifiques de la recherche. Son éducation religieuse l’avait poussé à s’intéresser à la vie des saints, et il sut y puiser une multitude de renseignements historiques et topographiques, qu’il mit au service de la numismatique. Après la création de la Société Française de numismatique et d’archéologie, il publia de très nombreux articles dans les publications de celle-ci, mais ses écrits ont trouvé place également dans les Comptes-rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, ou dans des publications locales, de Seine-et-Marne, ou du Maine. Il eut même une audience internationale, allant prononcer devant la Royal Numismatic Society à Londres une conférence en anglais sur le trésor mérovingien de Crondall.
On ne trouve guère de traces de Gustave de Ponton d’Amécourt dans le registre des dons du Cabinet des médailles : seulement deux mentions, en 1852 et en 1864 du don d’une de ses publications. Deux ans avant sa disparition, il mit en vente une grande partie de ses collections : « Médailles grecques et romaines » [320 lots] chez Hoffmann les 28 et 29 mai 1886, « Monnaies gauloises, mérovingiennes, carlovingiennes et capétiennes » [341 lots] chez Rollin les 7 et 8 juin 1886, et « Monnaies d’or romaines et byzantines » à nouveau chez Rollin du 25 au 30 avril 1887. La Bibliothèque Nationale fit quelques acquisitions à ces ventes : un denier de Pépin de Chartres (vente Rollin des 7 et 8 juin 1886 n° 165 = L. 977 = Prou 923), trouvé à Chartres, un denier de Charlemagne de Tours (Ibid° n° 227 = L 978= Prou 440), provenant du trésor d’Imphy, cinq aurei, de Pescennius Niger, Julia Soemias, Gordien d’Afrique, Quintille et Alexandre (L 1225 à 1229), un médaillon de Constantin (L 1230), payé 10.800 F, et une monnaie d’argent d’Hannibalien (L 1231 et 1346). Sa disparition le 21 janvier 1888 à 62 ans fut ressentie comme prématurée, après pourtant une « maladie lente et inexorable ». Il repose dans le cimetière de Trilport.
Le 6 juillet 1888, Mme de Ponton d’Amécourt fit don au Cabinet des Médailles de 28 brochures et livres de feu son époux. Une loi votée le 24 juillet 1889 par la Chambre des députés et par le Sénat permit à l’Etat d’acquérir de ses héritiers pour la somme de 180 000 F un choix de 1131 monnaies mérovingiennes, dont 161 d’argent. Le catalogue, intitulé Inventaire sommaire des monnaies mérovingiennes de la collection d’Amécourt acquises par la Bibliothèque nationale…, fut publié en 1890 par Maurice Prou. Celui-ci les intégra peu de temps après dans son Catalogue des monnaies françaises de la Bibliothèque nationale, Les monnaies mérovingiennes, paru en 1892. La Société Française de numismatique et d’archéologie publia entre 1892 et 1895, en ultime hommage à son président-fondateur, la Description générale des monnaies mérovingiennes par ordre alphabétique des ateliers, publiée d’après les notes manuscrites de M. le Vicomte de Ponton d’Amécourt par A. de Belfort, plus connue sous le nom de son éditeur, que sous celui de son auteur premier.
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Méd. 35
Pirro (André)
André Pirro naquit en 1869 à Saint-Dizier (Haute-Marne). Son père Jean Pirot (puis Pirrot, enfin Pirro) (1813–1886), à la fois organiste, compositeur et linguiste, lui enseigna l’orgue. Il poursuivit ses études à Paris, où il mena une double carrière d’organiste et de musicologue et publia son premier livre, L’orgue de Jean-Sébastien Bach, en 1895. En 1907, sa thèse sur L’esthétique de Jean-Sébastien Bach lui valut d’obtenir le doctorat ès lettres à la Sorbonne, où il enseigna l’histoire de la musique de 1912 à 1937, d’abord comme chargé de cours, puis maître de conférences, enfin comme professeur (1930). Il mourut en 1943.
Ses travaux (sept livres et de nombreux articles et conférences) portèrent principalement sur la musique d’orgue, l’œuvre de Jean-Sébastien Bach et la musique des XVe et XVIe siècle et se caractérisèrent d’emblée par un souci de rigueur et de recours direct aux sources musicales et archivistiques, encore largement inexploitées à l’époque.
La bibliothèque musicale d’André Pirro est entrée par legs au Département de la Musique en 1953. Elle comporte environ 800 livres et 500 partitions imprimées. À l’exception de quelques ouvrages datant des XVIIe et XVIIIe siècles et des œuvres de son père Jean Pirrot, il s’agit principalement d’études musicologiques et d’éditions récentes où on retrouve dans les sujets abordés et les compositeurs représentés les grands thèmes des travaux et des cours de Pirro, mais aussi son répertoire d’organiste. S’y ajoutent des numéros isolés d’une centaine de titres de périodiques et une quarantaine de manuscrits, pour la plupart des copies réalisées par Pirro pour les besoins de ses travaux. Tous ces documents sont accessibles par auteur ou titre dans le catalogue sur fiches du département de la Musique. On peut identifier leur provenance grâce au numéro d’entrée du legs (Don 5000).
La partie du legs Pirro encore en cours de traitement (une centaine de lots) constitue une documentation très riche et quasi exhaustive pour l’étude de sa vie et de son œuvre. Une quinzaine de lots contiennent des papiers de famille : lettres de ses parents Jean et Eugénie, de son frère Henri (1858-1919), bibliothécaire à Saint-Dizier, lettres en suédois adressées à son épouse Agnès, d’origine finlandaise, devoirs d’écolier de Pirro lui-même, photographies, cartes de visites, faire-part, etc. Le reste contient les notes de travail du musicologue (principalement des copies de musique et d’extraits de livres classées par sujet, auteur ou bibliothèque d’origine), parfois dans leurs boîtes d’origine, ainsi que les manuscrits et épreuves corrigées de ses ouvrages. On y trouve aussi des traces de sa correspondance avec les bibliothèques (photographies de sources musicales et réponses de bibliothécaires et d’archivistes) et des témoignages de son activité d’enseignant : notes de cours et copies d’élèves, notamment Jacques Chailley. Quelques cartes géographiques complètent l’ensemble.
François Lesure, « The Music department of the Bibliothèque nationale », Notes / Music library association, 1978, p. 251-268.
Pauvert de la Chapelle, Jean-Oscar
En mars 1899, Pauvert de la Chapelle (1832-1908), collectionneur français installé en Italie depuis 1852, écrivit au conservateur du Cabinet des Médailles, Ernest Babelon, son intention de donner sa collection de pierres gravées. Ce fut chose faite le 17 avril 1899. Les 167 intailles et camées qui arrivèrent alors au Cabinet des Médailles sont des œuvres choisies avec soin, pour leurs qualités esthétiques mais surtout historiques : elles présentent en effet un panorama à peu près complet de la glyptique antique. Un grand nombre offre de plus l’intérêt de provenir de fouilles exécutées autour de Rome, en Italie du sud ou du centre - dans l’ancienne Etrurie-entre 1869 et 1899.
L’ensemble a été publié dès 1899 par Ernest Babelon sous le titre : Collection Pauvert de la Chapelle. Intailles et camées donnés au département des médailles et antiques de la Bibliothèque nationale. La numérotation de ce catalogue est toujours celle en usage pour la consultation.
Sur le personnage, voir Elena Cagiano de Azevedo, « Oscar Pauvert de la Chapelle : un collezionista francese che pranzava al Caffè Greco », Strenna dei Romanisti, avril 2002.
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Méd. 45
Le fonds Meyer-Beistegui au dept des MMA
Issu d'une famille alsacienne de fabricants de tissus imprimés ou indiennes de la région de Mulhouse actifs depuis le XVIIIe siècle et alliés aux grandes lignées de ce secteur (Dollfuss, Engel, Hartmann, Koechlin, Thierry, Schlumberger entre autres), Abraham Henri Meyer naquit à Illzach près de Mulhouse le 8 février 1830. Devenu lui-même industriel dans le secteur du textile, il choisit après la guerre de 1870-1871 et l'annexion de l'Alsace au nouveau Reich allemand de se réfugier en France, installant une usine à Ourscamp (Oise). La constitution d'une collection généraliste de numismatique nationale française l'amena a acheter des éléments d'autres grands ensemble dispersés, collections Dassy (1869), Jarry (1878), Gariel (1885), Ponton d'Amécourt (1886), Charles Robert (1888), baron Jérôme Pichon (1897). Un catalogue imprimé de la collection de monnaies françaises (qui comportait en fait également des médailles) de Henri Meyer parut dès 1890, mais ne comportait pas de numismatique alsacienne. Pourtant H. Meyer rassembla parallèlement une imposante collection consacrée à sa province natale, dans laquelle Arthur Engel et Ernest Lehr purent puiser une grande partie de la matière de leur Numismatique de l'Alsace parue à Paris en 1887, un classique. Selon le récit d'Ernest Babelon, conservateur en chef du Cabinet des médailles de l'époque, Meyer avait exprimé le vœu, sans l'avoir formalisé, qu'au moins l'essentiel de ses "alsatiques" parvinssent à la Bibliothèque nationale à son décès. Mais, faute de dispositions stipulées en bonne et due forme, ceux-ci furent mis en vente avec le reste de la collection par ses héritiers à la suite de son décès à Paris le 23 novembre 1901. Un catalogue, en fait une simple liste au format in-12, annonçait la vente de la collection de monnaies royales et seigneuriales françaises de M. H. M... à Drouot du 26 mai au 14 juin 1902, MM. Rollin & Feuardent étant experts. Les 8 premiers lots correspondaient à 38 monnaies gauloises. Les monnaies royales étaient distinguées des seigneuriales, les premières classées par règne, les secondes par province, comprenant des monnayages rhénans allemands, mais non l'Alsace, et finissant avec la Savoie, le Piémont et les croisés. A la suite une mention précisait que les monnaies de l'Alsace de la collection Meyer n'y figuraient point car elles avaient déjà été achetées puis offertes au Département des médailles de la Bibliothèque nationale. Effectivement, le 1er mai 1902, E. Babelon réussit à convaincre le richissime collectionneur d'origine mexicaine Carlos de Beistegui qui put, en accord avec les marchands et avec les héritiers de Meyer, acheter la collection alsatique avant la vente publique pour l'offrir au Département des monnaies et médailles de la Bibliothèque dès le 2 mai 1902, honorant ainsi à la satisfaction générale la mémoire et la volonté patriotique du défunt propriétaire. Elle se composait de plus de 600 monnaies et plus de 400 médailles, jetons et méreaux (numéro d'entrée don F 9928, enregistré avant le 29 mai 1902). Un volume de format in-4°, véritable catalogue avec description des monnaies, illustré de 32 planches photographiques, parut aussi en 1902, mais après la vente, achevée à la mi-juin, puisqu'il comportait à sa suite le résultat des adjudications, et surtout incluait une partie spécifique à l'Alsace, qui comprenait des monnaies (280 lots) et des médailles (149 numéros) (pl. XXV à XXXII). Il s'agissait en fait de la publication d'un travail de Meyer resté à l'état de manuscrit. Il en fut tiré un catalogue particulier du don fait à la Bibliothèque nationale, sans changer la numérotation des alsatiques par rapport au catalogue général et en reprenant les planches correspondantes, XXV à XXXII, du même premier catalogue. Il était muni d'un avant-propos d'Ernest Babelon dont la rédaction était datée du 6 mai 1902 et que l'on retrouve en un texte quasiment identique dans le volume de la Revue numismatique du même millésime, p. 291-295. En 1934, Jean Babelon rappelait dans sa préface au catalogue de la collection de Carlos de Beistegui le contexte et l'esprit patriotique qui avaient pRéserve des livres raresidé en 1902 au don cet ensemble numismatique consacré à la province natale de Meyer alors perdue depuis 1871. C'est dans ces circonstances que la partie provinciale de la collection nationale s'enrichit considérablement d'une série très repRéserve des livres raresentative de la numismatique de l'Alsace au Moyen Age et à l'époque moderne : landgraviat de Haute-Alsace sous l'autorité des Habsbourgs avec l'atelier d'Ensisheim, évêché et ville de Strasbourg, villes de Colmar, Haguenau, Mulhouse, Thann, Molsheim, ville et abbaye de Wissembourg, abbaye de Murbach et Lure, comtés de Saarwerden, Weinbourg et Hanau-Lichtenberg, nombreux deniers et bractéates anépigraphes médiévaux.
[H. Meyer], Collection Henri Meyer. Monnaies royales et seigneuriales de France (Classement chronologique), Paris, 1890, 389 p. in 8°.
Collection H. M... Monnaies royales et seigneuriales françaises. Ventes aux enchères publiques. Hôtel Drouot... Du lundi 26 mai au samedi 14 juin 1902... Experts MM. Rollin & Feuardent... Paris, 1902, 152 p. in-12.
Collection H. M. Monnaies royales et seigneuriales françaises. Monnaies et médailles d'Alsace. Ventes aux enchères publiques hôtel Drouot...du lundi 26 mai au samedi 14 juin 1902... Experts Mrs Rollin et Feuardent... Paris, 1902, 257 p; in-4, 32 pl. (A la suite du texte) Collection H. M. Monnaies françaises vendues à Paris du 26 mai au 14 juin 1902. Prix des adjudications, [Paris, 1902], 17 p., in-4°.
Collection de monnaies et médailles d'Alsace formée par Henri Meyer et donnée au département des médailles et antiques de la Bibliothèque nationale par M. Carlos de Beistegui en 1902, Paris, MDCCCCII (1902), xii-[32 p.] pagin. [209]-240, 8 pl. XXV-XXXII, in 4°.
E. Babelon, Don d'une collection de monnaies et médailles d'Alsace, au Cabinet des médailles, par M. Carlos de Beistegui, Revue numismatique, 1902, p. 291-295.
Fédération des sociétés d'histoire et d'archéologie d'Alsace, J.-P. Kintz, Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne, n° 26, Mar-Mie, Strasbourg, 1995, p. 262-263 (notice par Alain Poinsignon et René Burgun).
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Méd 43