Marolles, Michel de (1600-1681)
L'acquisition par Colbert en 1667 de la collection de l'abbé de Marolles peut être considérée comme l'acte de naissance du Cabinet des Estampes (qui pourtant ne fut fondé administrativement qu'en 1720), et l'abbé de Marolles comme l'archétype du collectionneur. Ami des arts, ses goûts le portèrent tout spécialement vers la gravure. Il sut mettre à profit ses connaissances, véritablement encyclopédiques, ses ressources -comme abbé commendataire de Villeloin, il avait des revenus honorables- et ses relations pour amasser une exceptionnelle collection de gravures de tous les temps et de tous les pays. En 1666, il publia à Paris, chez Frédéric Léonard, son Catalogue de livres d'estampes et de figures en taille-douce dans la préface duquel il exposait la joie qu'il avait eue à réunir cette collection, les estampes étant "l'un des plus beaux ornements qui se puissent apporter dans nos grandes bibliothèques", ainsi que les principes de son classement "soit qu'on les arrange par œuvres de maistres, soit qu'on les dispose par les sujets différents", classement qui est encore à la base de notre cabinet. Achetant à une époque où il avait peu de concurrents, il réussit à rassembler 123 400 pièces de plus de 6000 maîtres, dont l'énumération peut frapper de stupeur: 178 Mantegna, 570 Marc-Antoine, 500 clairs-obscurs de divers maîtres, 712 Dürer, 364 Lucas de Leyde, 790 Bosse, 1468 Callot, 286 Mellan... sans compter plusieurs milliers de dessins dont la dizaine de Dürer que possède le Département, parmi les plus beaux de ceux qu'a laissés le maître. En 1667, il vendit sa collection au roi, transaction négociée par Colbert et exceptionnellement avantageuse, puisqu'il ne reçut que 28 000 livres, ce qui, malgré des gratifications ultérieures, peut être regardé comme dérisoire. Il répartit cette collection en 500 volumes, dont une centaine subsistent de nos jours ce qui donne une moyenne de 250 gravures environ par volume. Collectionneur dans l'âme, il commença aussitôt une seconde collection, qui atteignit en peu d'années l'importance de la première et dont il publia le catalogue (Catalogue des livres d'estampes et de figures en taille-douce comprenant les recueils depuis ceux qui furent mis en la Bibliothèque du Roy, Paris, 1672, in-12). Il espérait -croit-on- écrire une histoire de la gravure, projet qu'il ne put mener à bien. Cette deuxième collection, qui dans son esprit devait rejoindre celle du roi, fut dispersée après sa mort, en 1681. Au début du XIXe siècle, Robert-Dumesnil en aurait retrouvé plusieurs volumes chez un brocanteur de la rue Saint-Roch, mais ces volumes, dont il fit l'acquisition, furent dispersés au cours des ventes de ses propres collections.
Marque de collection : Mar.
Inventaire du Cabinet de Marolles [manuscrit début du XVIIIe siècle] (Est. Ye 18 à Ye 18 c Rés., petit fol.) Bosseboeuf, Louis. Un précurseur : Michel de Marolles, abbé de Villeloin, sa vie et son œuvre. Tours : 1911 [réimpr. Genève : Slatkine, 1971]. Beaumont-Maillet, Laure. "Les collectionneurs au Cabinet des Estampes". Nouvelles de l'estampe, 1993, n° 132, p. 8
Laure Beaumont-Maillet, « Les collectionneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n° 132, p. 5-27. N° 1