La « Réserve spéciale », nom sous lequel on désigne « l’enfer » à la bibliothèque de l’Arsenal, est constituée de deux parties. On trouve tout d’abord l’ensemble des livres provenant du fonds ancien, c’est à dire de la bibliothèque du marquis de Paulmy. Celui-ci avait dans son catalogue manuscrit une section ouvrages licencieux où il mettait principalement les livres illustRéserve des livres rares de ce qu’il appelle des « figures ordurières. » Beaucoup de ceux ci ont disparu, éliminés au début du XIXe s siècle par l’abbé Grosier, administrateur de la bibliothèque de 1818 à 1823, d’après ce que raconte Charles Nodier qui lui succéda à l’Arsenal en 1824. Mais il avait aussi dans sa collection nombre d’ouvrages galants ou lestes qui n’étaient pas distingués des autres volumes. Nodier, bibliothécaire de Monsieur, proposa le premier de constituer un « cabinet des livres rares et précieux » dont auraient fait partie les « mauvais livres » qui auraient été ainsi protégés. Mais c’est seulement en 1902, après qu’on eut décidé de clore le fonds ancien qu’Eugène Müller constitua cette Réserve et rédigea un inventaire des ouvrages de la section Belles-lettres placés à la Réserve spéciale, (anciennes cotes 21500 à 21606, cotes actuelles 8-B-35472-35578 et 4-B-5350-5351), avec une table alphabétique des auteurs ou des titres anonymes. Il s’agit de romans galants et de poésies libres, presque exclusivement du XVIIIe s. En 1931 Louis Perceau fit un catalogue resté manuscrit de ces ouvrages licencieux (Ms 13986), en reprenant le catalogue de Müller, y ajoutant un volume du fonds Histoire, Monumens de la vie privée des douze Césars, 1780, et les accroissements postérieurs des XIXe et XXe s. : ouvrages de flagellation, quelques éditions de Sade, quelques ouvrages licencieux du Nouveau fonds, du fonds Georges Douay, et du fonds Poésie. Ceux ci constituèrent une « Réserve spéciale » moderne. Après cette date les livres jugés contraires aux bonnes moeurs, principalement venus du dépôt légal, continuèrent d’y être versés. En 1977, devant l’évolution des mœurs, la « Réserve spéciale » cessa d’être alimentée et est désormais un fonds clos.
D.Muzerelle, la « Réserve spéciale » de la bibliothèque de l’Arsenal, dans Revue de la Bibliothèque nationale, n°15, printemps 1985, p.14-23.