Après l’expédition de Bonaparte, l’empire ottoman ne parvint pas à rétablir son autorité sur l’Egypte. Les troupes turques et albanaises envoyées pour combattre les Français étaient commandées par l’Albanais Mehmet Ali, pacha de Janina, habile chef de guerre et politicien de grande valeur. Malgré la pression britannique, il sut préserver à la province une relative autonomie en s’appuyant sur l’important contingent albanais. De guerre lasse, en 1805, le sultan Selim III lui accorda le titre de pacha, c’est-à-dire de gouverneur. En 1811, par un massacre général, Mehmet Ali se débarrassa des chefs mamelouks qui formaient l’aristocratie locale depuis la fin des Fatimides et instaura le pachalik héréditaire d’Egypte gouverné, jusqu’à l’instauration de la République, par une dynastie de vice-roi, les khédives. Francophile, le nouveau pacha attira les ingénieurs et archéologues français (dont Champollion et Mariette), mais il suscita l’hostilité des Britanniques qui profitent de sa mort pour orienter la politique de son successeur, son petit-fils ‘Abbas (1848-1854), vers un rapprochement avec la Sublime Porte et l’Angleterre. Très vite, le nouveau khédive se heurta au sentiment national : en 1854, il fut renversé et assassiné par les partisans de son oncle Sa’id. Muhammad Sa’id Pacha (1822-1863) était le dernier fils de Mehmet Ali dont il reprit la politique. Il fit revenir les conseillers français et en particulier les archéologues comme Mariette. Il entreprit des réformes administratives et économiques fondamentales comme la suppression de la propriété éminente de l’État sur la terre, l’interdiction de l’esclavage (1859) et l’abolition de la corvée ; il s’attacha au développement des voies de communication en donnant à Ferdinand de Lesseps la concession du creusement du canal de Suez (1856) et en menant à bien la construction de la voie ferrée Alexandrie-Suez (1859). Le canal sera achevé et inauguré après sa mort le 17 novembre 1869 et le port situé à son débouché portera son nom, Port-Saïd. Sa’id Pacha a toujours manifesté un grand intérêt pour l’archéologie et en particulier pour l’archéologie de l’Egypte antique : il confia principalement aux archéologues français les fouilles des grands sites comme Gizeh, Abydos, Eléphantine, Thèbes et Saqqara. Le 1er juin 1858, il fit de Mariette le directeur de l’Archéologie de l’Egypte. Le khédive se tenait au courant des diverses découvertes et chargea Mariette de la fondation, la construction et l’organisation d’un musée pour accueillir tous les objets : c’est l’origine de l’actuel Musée égyptien du Caire. Toutes ces activités archéologiques attiraient de l’étranger de nombreux aventuriers, collectionneurs, conservateurs de musée et trafiquants d’antiquités ; sur place, des relais s’organisèrent pour satisfaire la demande occidentale. Parmi les plus importants trafiquants Giovanni d’Anastasi se tailla rapidement une grande réputation. Riche marchand d’origine arménienne installé à Alexandrie, Anastasi (1780-1857) était, par ailleurs, à la fois vice-consul de Suède et fournisseur des musées étrangers. Il organisa un réseau efficace d’agents qui achetaient les objets principalement sur les sites de Thèbes et Saqqara. Il était spécialisé dans les papyri et c’est par lui que le fameux «Papyrus de Leyde», le plus ancien texte concernant l’alchimie, put rejoindre l’Europe dont les principaux musées (Londres, Paris, Leyde, Berlin) étaient ses clients assidus. Parallèlement, devenu consul général de Suède, Giovanni d’Anastasi se constitua une importante collection de monnaies grecques et romaines qui, à sa mort en 1857, fut acquise par Sa’id Pacha qui collectionnait les monnaies musulmanes. C’est cette collection qui forme la partie antique de la Collection Sa’id Pacha, la seconde partie étant constituée par les monnaies musulmanes. Sa’id Pacha fera don de cet important ensemble à l’empereur Napoléon III qui l’offrira ensuite au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque Impériale où elle entre le 2 juillet 1862, par décret impérial. La collection des monnaie antiques est décrite dans l’inventaire manuscrit H (inventaire 88) et comprend 861 pièces et des milliers de pièces qui ont alors été jugées doubles. Ces 861 pièces se répartissent entre monnaies grecques et provinciales romaines (n°1-702), monnaies romaines et byzantines (n° 703-861). La collection des monnaies musulmanes est décrite dans l’inventaire manuscrit I (inventaire 89) et comprend 1564 pièces et quelques centaines de doubles. Ce sont des dinars, des zeri mahbub, des altin ou des ashrafi (or), des dirhem, des kurush, des akçe et des para (argent) et des fels (cuivre) des diverses dynasties musulmanes : Omeyyades (n°1-94), Abbassides (n°95-279), Aghlabides (n°280-283), Tulunides (n°284-301), Fatimides (n°307-367), Ayyoubides (n°366-411), Mamelouks (n°412-594), Seldjouks (n°595-600), Atabeks de Mésopotamie (n°603-608), Ottomans (n°609-1389) parmi lesquels trente médailles et talismans, Mongols d’Iran (n°1390-1520), Safavides (n°1521-1527), Khans de Crimée (n°1528-1541), Ak Koyunlu (n°1542-1550), Ramadhanides (n°1551) et des Mongols de la Horde d’Or (1552-1564). Ces pièces ne sont pas conservées ensemble, mais ont été intégrées aux différents fonds du département.