Selon toute vraisemblance, c’est sous l’administration de Léopold Delisle (1874-1905) que les catalogues de ventes d’objets d’art, jusqu’alors conservés aux Recueils, ont été constitués en un fonds particulier sous la cote V36 relevant aujourd’hui du département Littérature et art. En 1876, dans son Rapport au ministre de l’Instruction publique et des beaux-arts sur les travaux d’inventaire et de catalogue de la Bibliothèque nationale, l’administrateur avait mis en avant l’intérêt de regrouper les pièces de même ordre tels que les catalogues de libraires, les prospectus commerciaux et les catalogues de vente. Ces regroupements de pièces diverses furent affectés de la lettre marquant la division Clément à laquelle ils étaient rattachés et d’un chiffre qui demeurait le même pour tous les formats. Les plus intéressants d’entre ces recueils par la matière et l’importance numérique, parmi lesquels le fonds V36, firent l’objet d’un répertoire spécial dressé sous la responsabilité de M. François-Xavier Pelletier, chargé de ce service au bureau du Catalogue. Jusqu’en 1880, les catalogues de vente entrés autrement que par dépôt légal (acquisitions, dons, legs) furent intercalés en cotes bis à l’année de la vente. A partir de 1881, ceux-ci disposèrent d’une cote pure à part entière. De ce constat, on peut déduire avec une quasi certitude que la constitution du fonds V36 remonte au début des années 1880. Le premier traitement des catalogues de ventes d’objets d’art est toutefois plus ancien. En effet, la quasi totalité du fonds du XVIIIe siècle porte l’estampille de la Bibliothèque royale propre à la Monarchie de Juillet (types 24 et 25 de Bruno et Josserand, utilisés entre 1833 et 1848).
La majeure partie du fonds est cataloguée à l’unité, par format, à l’intérieur de la série V36 et se retrouve dans BN-Opale+ dans la zone du titre sous la mention Vente (Art) suivie d’une part de la date et du lieu de la vente, de l’autre, du nom du collectionneur, de la date et du lieu de la vente. Entre 1985 et 1994, les catalogues de ventes d’objets d’art ont été rangés et constitués en recueils sous la cote unique « 4° V36 » suivie d’une sous-cote topographique (région administrative pour la France, lieux de vente pour le reste du monde) puis de l’année. Les (rares) folios, ainsi que les catalogues jugés importants (grands commissaires-priseurs, présence d’oeuvres exceptionnelles, collectionneurs connus…), ont toutefois continué à être catalogués à l’unité. Précisons également que de 1958 à 1970, les catalogues de ventes d’objets d’art ont fait l’objet d’un supplément annuel (le supplément G) à la Bibliographie de la France dans lequel figuraient également les catalogues de ventes de livres et ceux des timbres postes.
Estimé aujourd’hui à environ 55.000 unités, le fonds V36 continue de s’accroître à raison de quelque 1000 volumes par an (en 2002, 753 volumes entrés par DL ; en 2003, 1053 volumes entrés par DL ) entrant par dépôt légal, mais également par dons et acquisitions courantes sous la forme d’abonnements. Le plus ancien catalogue du fonds remonte à 1724 (le XVIIIe siècle est d’ailleurs particulièrement bien représenté). Depuis cette date, tous les siècles sont couverts. La collection rassemble principalement des catalogues de ventes publiques, celles-ci étant de plusieurs types : ventes de collection, de succession, vente judiciaire ou de faillite, cessation de commerce, vente d’atelier… On y trouve également des catalogues de ventes privées de galeries, de marchands ou d’éditeurs ; d’autres encore sont des listes d’objets proposés par correspondance à des particuliers, des annonces de souscriptions, des catalogues d’exposition-vente ou de vente « à l’amiable » ; quelques égarés enfin correspondent en réalité à des inventaires de collections, privées ou publiques, voire à des catalogues d’exposition.
Le rapport de stage rédigé en décembre 1995 par Hélène Guichard dans le cadre de sa scolarité à l’Ecole nationale du Patrimoine nous fournit de précieuses indications descriptives sur la partie la plus ancienne du fonds (1724-1860). A l’image de l’ensemble des catalogues de ventes imprimés durant cette période, le fonds V36 des XVIIIe et XIXe siècles est constitué de minces et modestes fascicules (21 pages en moyenne), pour la plupart de petit format (87% de format 8°), d’aspect souvent peu engageant du fait du soin manifestement médiocre apporté à leur facture. Les illustrations sont rares (96% n’en comportent aucune). Les annotations sont en revanche assez fréquentes surtout pour le XVIIIe siècle. 97% des catalogues de ventes étudiés sont français, les ventes parisiennes étant largement prépondérantes (91% de l’ensemble du fonds). Cette prééminence de Paris se retrouve d’ailleurs de nos jours. Grâce à un travail de repérage mené à partir des données fournies par le Répertoire des catalogues de ventes publiques de Frits Lugt, Hélène Guichard a pu établir en outre que, pour la période 1724-1860, le fonds V36 ne compterait pas moins de 1027 pièces uniques sur près de 26.000 catalogues passés en revue dans le Lugt. Sur ces 1027 volumes, 902 unicas ont réellement été identifiés ; le plus ancien d’entre eux date de 1752.
Par sa cohérence, son unité, son importance numérique et le grand nombre d’unicas qu’il contient, le fonds V36 est un fonds de grande valeur, à fort intérêt scientifique, qui mériterait sans aucun doute qu’on le préserve et le valorise davantage.
Jestaz, Juliette. Rapport sur les catalogues de vente d’objets d’art, note interne au Département Littérature et art en date du 25 juin 1996. Guichard, Hélène. Étude du fonds V36 de catalogues de ventes d’art. Dossier des travaux spécifiques rédigé dans le cadre d’un stage patrimonial (École nationale du Patrimoine) mené entre septembre et décembre 1995. Bibliothèque d’Art et d’Archéologie Jacques Doucet. Les Ventes d’œuvres d’art. Guide de la recherche sur les catalogues de ventes publiques d’œuvres d’art et les œuvres d’art passées en ventes publiques. sous la dir. d’Agnès Rosolen et Monique Sevin. Juillet 2002.