Bigot, Jean (15..-16..) et Émery (1626-1689) : Imprimés
Léopold Delisle rapporte que "Jean Bigot, sieur de Somménil et de Cleuville, doyen de la cour des aides de Normandie, forma à Rouen, dans la première moitié du XVIIe siècle, une bibliothèque composée, au dire du P. Louis Jacob, de "plus de 6000 volumes, entre lesquels, ajoute le même religieux, il y a plus de 500 manuscrits très bons et bien rares, lesquels il communique facilement à ceux qui en ont besoin pour le public, en quoi il sera à jamais louable". L’un de ses fils, Nicolas Bigot, sieur de Cleuville, partageait le goût de son père pour les livres. Plus encore, un autre de ses fils, Émery ou Louis-Émery Bigot (1626-1689), se consacra à l’étude de la bibliothèque qu’il avait eue de son père et qu’il augmenta considérablement. Celle-ci occupait le centre d’un réseau littéraire et savant dont faisaient partie un grand nombre d’érudits français et étrangers, qui se documentaient à la Bibliotheca Bigotiana, ouverte avec libéralité à leur curiosité par son propriétaire. À la recherche de manuscrits et d’ouvrages rares à travers toute l’Europe, celui-ci compte les plus grands savants du temps parmi ses amis : Étienne Baluze, Jacques Basnage, Jean Chapelain, Nicolas Heinsius, Gilles Ménage, Richard Simon. Ainsi sa bibliothèque remplit-elle, à quelques décennies de distance, le rôle qu’avaient su faire tenir à la leur les frères Pierre et Jacques Dupuy à Paris. À sa mort, celle-ci passa à son cousin germain Robert Bigot, seigneur de Montville, conseiller au parlement de Paris, qui mourut peu après, en 1692. "Quelques années après la mort de Robert Bigot, la bibliothèque à la formation de laquelle une famille puissante avait travaillé pendant tout un siècle fut achetée par des libraires de Paris, qui la vendirent en détail dans le cours de l’année 1706. Ils en publièrent un bon catalogue dans lequel une section spéciale est consacrée aux manuscrits". Édité par les libraires Jean I Boudot, Charles II Osmont et Gabriel Martin, le catalogue, riche de 8744 notices d’imprimés, peut servir de témoin (avec toutes les réserves méthodologiques d’usage) d’une attitude vis-à-vis du savoir Au nombre des réserves, il faut placer cette remarque de Prosper Marchand d’après lequel les libraires ont inséré dans ce catalogue beaucoup de livres de la famille de Mesme qui n’avaient jamais appartenu aux Bigot. En plus d’une imposante liste de manuscrits acquis à cette occasion (AR 19, f° 47-75), plusieurs listes de livres imprimés successivement achetés par la Bibliothèque du roi sont conservés au Département des manuscrits (AR 19, f° 76-89)et décrits sous les titres "Livres imprimés , achetés à diverses reprises, à la vente des livres de Mrs Bigot pendant l’année 1706", "Livres achetez à l’auction des livres de M. Bigot en juillet et août 1706" , "Livres achetez à la mesme vente de Mr Bigot à l’amiable et sans auction" et "Autres livres achetés à la même vente de Mrs Bigot, à l’amiable et sans auction, en décembre 1706" C’est un total de 439 ouvrages imprimés identifiables qui vinrent alors enrichir les collections. Les imprimés provenant de ces bibliothèques successives qui font aujourd’hui partie des collections imprimées de la Bibliothèque nationale de France sont dispersés entre la Réserve des livres rares et les départements thématiques. Ils sont reconnaissables à leur ex-libris gravé aux armes de la famille d’argent, au chevron de sable accompagné de trois roses de gueules, 2 et 1 (pas toujours signalé dans les particularités d’exemplaire des notices du catalogue), auxquelles peut s’ajouter le nom L. E. Bigot, gravé lui aussi. Ils sont souvent abondamment pourvus d’annotations manuscrites. Ils proviennent d’achats faits à la vente de 1706 par la Bibliothèque du roi, mais semblent provenir pour partie provenir de confiscations révolutionnaires, après être restés entre des mains privées ou en la possession de communautés pendant la plus grande partie du XVIIIe siècle. Ils témoignent d’une curiosité encyclopédique, mais concernent particulièrement la philologie grecque et latine, domaine d’excellence d’Émery Bigot, et les questions religieuses et philosophiques.
Bibliotheca Bigotiana seu catalogus librorum quos… congessêre DD uterque Joannes, Nicolaus et Lud. Emericus Bigotii…, Parisiis, J. Boudot, 1706 Delisle, Léopold, Le cabinet des manuscrits de la Bibliothèque impériale. Étude sur la formation de ce dépôt, comprenant les éléments d’une histoire de la calligraphie, de la miniature, de la reliure et du commerce des livres à Paris avant l’invention de l’imprimerie, Paris : Imprimerie impériale, 1868, vol. 1, p. 322-329. Delisle, Léopold, Éd. Bibliotheca Bigotiana manuscripta : catalogue des manuscrits rassemblés au XVIIe siècle par les Bigot, mis en vente au mois de juillet 1706, aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale, Rouen, Impr. H. Boissel, 1877 Doucette, Leonard Eugène, Emery Bigot : seventeenth-century French humanist, Toronto, Buffalo, University of Toronto press, 1970. Mellot, Jean-Dominique, "Rouen au XVIIe siècle". Histoire des bibliothèques françaises, II, Les Bibliothèques sous l'Ancien Régime, 1530-1789. Paris : Promodis, 1988, p. 456-465. Mellot, Jean-Dominique, "Au cœur de la vie (érudite) du livre : Émery Bigot (1626-1689) et la Bibliotheca Bigotiana", Sources-Travaux historiques, n° spécial "Les usages des bibliothèques", n°41-42, 1997, p. 65-78. Bléchet, Françoise, " Glanes bibliographiques sur quelques grandes ventes publiques : la politique d’acquisition de la Bibliothèque du roi". Les ventes de livres et leurs catalogues, XVIIe-XXe siècle, Paris : École des chartes, 2000, p. 77-98, particulièrement p. 80-81.