Charles-François Le Tellier, marquis de Montmirail, président de l’Académie des sciences à l’âge de 29 ans, en 1764, projetait la rédaction d’une bibliographie critique des voyages. Sa mort prématurée, dès l’année suivante, ruina le dessein en vue duquel il avait commencé à constituer une collection de livres imprimés. Son père, François-César Le Tellier, marquis de Courtanvaux et ancien officier, petit-fils de Louvois, fut élu à l’Académie des sciences en remplacement de son fils. Non seulement il conserva, mais il accrut la collection : grâce à des acquisitions de premier ordre qu’il poursuivit avec discernement, il fut bientôt à la tête d’une des bibliothèques de voyages les plus réputées de son temps, auquel il adjoignit un nouveau pôle d’intérêt, plus personnel celui-là, puisqu’il était astronome : l’histoire des sciences. À la mort du marquis de Courtanvaux, en 1781, la collection, qui avait acquis une grande renommée, fut mise en vente. Le libraire parisien Jean-Luc III Nyon, dit Nyon aîné, fut chargé d’en dresser le catalogue qui parut en 1782. Composé avec soin suivant le système des libraires de Paris, il voit sa partie géographique occuper plus du quart des 3599 notices : c’est elle qui réunit le plus grand nombre de livres rares, dans toutes les langues de l’Europe.
De nombreuses acquisitions furent faites pour le compte de la Bibliothèque du roi à la vente qui suivit. À défaut d’un registre d’acquisition (inexistant ou disparu ?), on dispose d’un exemplaire annoté du catalogue, où sont cochées les notices des volumes que ses gardes escomptaient faire entrer dans les collections, et qui, effectivement, pour certains, y sont entrés. Leur inventaire, en cours, dépasse la centaine de volumes, et supplée la fréquente omission, dans les catalogues, de la mention de l’ex-libris armorié et collé au verso du plat supérieur que ces ouvrages portent tous, ainsi que d’un timbre encré de rouge ou de noir aux mêmes armes. Beaucoup ne sont revêtus que d’une sobre reliure, le plus souvent de veau fauve. Si quelques-uns font partie de la Réserve des livres rares, beaucoup sont demeurés dans les départements thématiques, en particulier bien sûr le Département Philosophie, histoire, sciences de l'homme. Une étude fut menée par M. Garden en 1979 pour observer la physionomie bibliographique, d’après le catalogue, de cette collection aujourd’hui dispersée, dont seule une partie est présente dans les collections de l’établissement, tandis que le reste est probablement dispersé dans une multitude de collections publiques ou privées. Elle met l’accent sur les prix atteints à l’époque par certains titres, dont la trace est gardée par plusieurs exemplaires du catalogue, qui consignent également souvent l’identité des acheteurs.