La mission Archives de la BnF vient d’achever la description des archives du secrétariat général de la Bibliothèque couvrant le premier quart du XXe siècle, qui a connu deux phases de traitement vers 1944 puis vers 2005 sans jamais avoir été terminé.
Présentation du fonds et traitement
Le fonds est appelé communément fonds Mortreuil, du nom de Théodore Mortreuil (1850-1937), entré à la Bibliothèque en 1870 et nommé secrétaire-trésorier auprès des administrateurs de 1885 à 1925, bien que ce fonds couvre en réalité une période plus large. Il a été scindé en deux à une date indéterminée (antérieure à la Seconde Guerre mondiale).
La partie ancienne couvrant les années 1858 à 1899 est conservée au département des Manuscrits sous les cotes Archives modernes 187-263, tandis que la partie plus récente couvrant théoriquement la période 1900-1926 est conservée par la mission sous les cotes 255/028/001 à 2005/028/593.
L’objectif du chantier entamé en 2018 était d’une part d’achever la description de l’ensemble des 593 dossiers et d’autre part de rendre ce fonds plus accessible aux chercheurs par le biais d’un instrument de recherche méthodique, c’est-à-dire par grands thèmes, disponible dans le catalogue BnF Archives et manuscrits.
L’exercice s’est avéré particulièrement complexe en raison de l’histoire du fonds. Les choix de traitement successifs appliqués par les bibliothécaires ou les archivistes au début du XXe siècle, pendant la Seconde guerre mondiale et au milieu des années 2000, mal documentés et parfois contradictoires, ont en effet « déstructuré » le fonds et en ont rendu la compréhension complexe.
Contexte de production de ces archives
Ce n’est probablement pas un hasard si ce fonds débute en 1858 puisqu’il s’agit d’une date charnière pour la Bibliothèque, qui est alors réorganisée. La commission de réorganisation confiée à Prosper Mérimée se réunit de 1857 à 1858 et propose des réformes pour remédier aux dysfonctionnements de la Bibliothèque. En effet, bien qu’elle ait connu un enrichissement exceptionnel de ses collections par les confiscations des biens du clergé, du roi, des princes et des émigrés, puis de saisies sous le Consulat et l’Empire, celles-ci sont peu décrites et cataloguées, et donc difficilement communicables au public.
En outre, la direction de l’établissement reposait depuis le décret du 25 Vendémiaire an IV (16 octobre 1795) sur un Conservatoire réunissant l’ensemble des conservateurs, qui désignait chaque année parmi ses membres un directeur pour présider les débats. Les tentatives de réforme avaient jusqu’alors échoué mais la commission Mérimée bénéficie d’un contexte plus favorable, la France du second Empire souhaitant rayonner sur les plans artistique et culturel, en concurrence avec le Royaume-Uni.
Le décret du 14 juillet 1858 nomme Jules-Antoine Taschereau administrateur-général, crée la fonction de trésorier-comptable, étend les heures d’ouverture de la bibliothèque et revalorise le statut de ses employés, et prévoit la création de deux salles de lecture pour le département des Imprimés.
Histoire des traitements successifs
Les archives du secrétariat général étaient initialement triées de façon chronologique et selon le plan de classement ci-dessous :
1. Prêt à Paris
2. Réintégration dans les collections
3. Approbation des dépenses
4. Règlement intérieur
5. Demandes d’emploi
6. Dépôt légal
7. Entretien
8. Prêt à l’étranger
9. Prêt dans les départements
10. Publications
11. Propositions d’acquisitions
12. Bâtiments
13. Demandes d’autorisation de publication
14. Dons
15. Demandes de renseignements
16. Personnel
17. Catalogues et inventaires
18. Relations diverses avec l’extérieur
19. Comité consultatif
20. Revendications du Louvre, du Musée de l’Artillerie, divers
21. Lettres de service
22. Salles de lecture
23. Acquisitions exceptionnelles
24. Affaire Bernay. Tête d’Argent
25. Comptabilité
26. Demandes d’autorisation de photographier
27. Visites
28. Catalogues de ventes publiques
29. Échanges avec les bibliothèques de Paris
30. Cabinet de l’Empereur (jusqu’en 1871)
Ces rubriques sont reportées sur chaque document sur lequel figure un tampon "Bibliothèque nationale - Archives" avec le numéro d'enregistrement, ainsi que sur les chemises regroupant les documents qui précisent également le millésime.
Il convient toutefois de noter que l’application du plan de classement a connu des variations au fil des ans. Ainsi la rubrique "18. Relations diverses avec l'extérieur" a parfois été privilégiée par le personnel du secrétariat par rapport à d'autres rubriques apparemment plus pertinentes, ce qui entraîne des dossiers très volumineux et complique les recherches.
La reprise du traitement en 2018 s’est heurtée à deux difficultés de nature différente. Tout d’abord, lors des opérations de classement dans les années 1940, les bibliothécaires ont rapproché du fonds originel du secrétariat pour la période 1900-1926 des dossiers plus anciens (remontant jusqu’à 1827) ou au contraire postérieurs (jusqu’en 1936), parfois issus d’autres fonds (rapport d'activité 1943-1945, p. 63). Ainsi, les dossiers cotés 2005/028/001 à 085 sont issus du ministère de l'Instruction publique, des cultes et des beaux-arts, avec la présence ponctuelle d’archives provenant du fonds Mortreuil. Cet ensemble ne comporte donc pas de mention de rubrique de plan de classement, sauf les dossiers qui ont vraisemblablement été extraits du fonds Mortreuil conservé au département des Manuscrits pour être insérés dans les dossiers du ministère (cotes 109, 111, 112, 115).
Par ailleurs, lors de la reprise du chantier en 2005, probablement pour gagner du temps, les archivistes ont fait le choix de décrire et de coter en continu les dossiers alors en vrac, sans se soucier de l’ordre initial ou de proposer un classement méthodique préalable pour les dossiers sur lesquels ne figurait aucune mention de rubrique. En outre, des registres situés à proximité géographique mais dont on ignore la provenance et couvrant une période quasiment similaire ont alors été intégrés à cet ensemble déjà peu cohérent (2005/028/589 à 2005/028/593).
Enfin, comme dans tous les chantiers de classement qui se prolongent sur plusieurs années, les descriptions ont été rédigées par différentes personnes, à des époques différentes, ce qui entraîne une grande hétérogénéité des analyses, du point de vue du vocabulaire choisi, mais également du degré de précision.
Traitement entrepris en 2018
Lors de la reprise du chantier en 2018, l’archiviste en charge du fonds devait compléter les descriptions manquantes, apporter d'éventuelles corrections ou précisions, et établir un instrument de recherche méthodique pour un accès intellectuel plus aisé, en dépit des difficultés évoquées plus haut.
L’objectif était également d’améliorer les conditions de conservation de ce fonds important : les éléments métalliques ont systématiquement été enlevés, les documents estampillés et l’ensemble du fonds reconditionné dans des matériaux adaptés.
En raison de l’application partielle et complexe du plan de classement initial, l’archiviste a fait le choix de proposer un nouveau plan de classement, tout en respectant l’ordre physique des dossiers et donc leur cotation de 2005, et en mentionnant dans l’instrument de recherche la rubrique d’origine du dossier lorsqu’il y en avait une :
Administration générale de la Bibliothèque
Direction, Comité consultatif de la Bibliothèque
Fonctionnement, règlement intérieur
Questions financières
Personnel
Bâtiment et infrastructures
Entrées dans les collections
Acquisitions, échanges
Dons et legs
Dépôt légal
Restitutions, revendications
Inventaires, communication et valorisation des collections
Catalogues et inventaires
Salle de lecture : demandes, incidents
Valorisation et utilisation des collections
Relations avec l'extérieur
Demandes de renseignements
Visites, échanges
Au sein-même de chaque rubrique de l’instrument de recherche, le classement chronologique tel qu'il a prévalu dans la tenue de ces archives par le secrétariat central a été rétabli quand il existait.
Enfin, il a été décidé de ne pas modifier la cotation établie en 2005 dans la mesure où une partie des dossiers avait déjà été communiquée.
Ces choix - plan de classement méthodique, classement chronologique, non recotation – expliquent pourquoi dans ce nouvel instrument de recherche, les dossiers ne sont pas présentés dans un ordre numérique.
La mission conserve également les fiches établies pour chaque document qui passait par le secrétariat général, conservées dans un meuble en bois et en mauvais état général. Elles sont aujourd’hui peu exploitables puisqu’elles renvoient au numéro d’enregistrement des documents, mais la date et la rubrique du plan de classement peuvent guider la recherche d'un document (qui sera conservé soit au département des Manuscrits, soit à la mission archives). Ces 33.800 fiches ont été reproduites en format pdf (image) en 2019 afin d’éviter leur manipulation et leur déclassement. À terme, il est prévu de mettre en ligne ces fiches sur Gallica.
Intérêt du fonds
Ce fonds est particulièrement important pour l’histoire de la Bibliothèque nationale à plusieurs titres. En effet, il permet de suivre toutes les affaires qui transitaient par le secrétariat général, de l’administration générale de la Bibliothèque à la gestion des collections. On y trouve des lettres de candidature comme des propositions de dons, mais aussi de nombreuses demandes diverses. À l’heure d’Internet et des moteurs de recherches, on oublie parfois le rôle alors prépondérant des bibliothèques pour toute recherche d’information.
Le fonds témoigne de ce qui pouvait être l’action administrative il y a un siècle, quand chaque document était enregistré, classé et fiché. Ainsi le fichier évoqué plus haut, organisé par grandes entrées (« dons », « demandes de renseignements », « prêts » …), permet d’offrir une vision synthétique des activités de la Bibliothèque sur plus d’un demi-siècle. Ces méthodes de travail contrastent avec l’ampleur des flux d’information qui passent aujourd’hui dans un établissement comme la BnF.
Consultation
Ce fonds est consultable en salle T de la bibliothèque de recherche de la BnF, en rez-de-jardin, en adressant une demande au moins 48 heures (jours ouvrés) à l’avance à archives@bnf.fr.
Présentation des archives institutionnelles de la BnF
Des archives dispersées au sein de l’institution
Le fonds des archives de la BnF est le reflet d’une histoire ancienne et mouvante. Pour la période la plus ancienne, les archives sont rares et disséminées : le premier inventaire des livres, daté de 1518, est conservé à la Bibliothèque nationale d’Autriche. Le suivant, daté de 1544, figure dans le fonds français des Manuscrits. D’autres documents sont conservés aux Archives nationales. Les archives de la Bibliothèque royale commencent à être conservées de façon quasi systématique à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle : en 1660 pour les acquisitions d’imprimés, en 1667 pour celles de manuscrits, en 1682-1684 pour les registres de dépenses ou de reliure.
Les principaux fonds conservés par la mission Archives
La mission pour la gestion de la production documentaire et des archives, située sur le site François-Mitterrand, est chargée de la collecte et de la conservation de la production administrative de l’établissement. Elle conserve notamment des fonds et collections très divers représentant au total près de 7,5 km linéaires, dont les ensembles suivants :
Archives des secrétaires et administrateurs généraux remontant à la fin du XIXe siècle (notamment le fonds Mortreuil),
Dossiers d’exposition depuis 1924,
Demandes d’autorisation d’accès à la Bibliothèque nationale (1868-1924),
Archives de l’agence des travaux de la Bibliothèque nationale (XIXe-XXe siècles),
Correspondance de 1932 à 1990 du secrétariat général (cote Archives nationales 19970352)
Déclarations individuelles du dépôt légal pour les imprimés de 1925 à 1968 (cote Archives nationales 19970353, versement échantillonné)
Déclarations individuelles du dépôt légal pour les périodiques de 1946 à 1985 (cote Archives nationales 19970354, versement échantillonné).
Instruments de recherche - Ressources en ligne
Catalogue BnF Archives et manuscrits
Le catalogue BnF Archives et manuscrits centralise progressivement les instruments de recherche pour les rendre accessibles à tous. Une partie des archives n’est toutefois pas classée ou ne dispose pas d’instrument de recherche.
Les outils de recherche proposés vont du simple inventaire numérique à l'instrument de recherche méthodique, selon l'avancée des travaux. Ils sont regroupés par thème lorsque le corpus disponible est suffisant, présentés par cote dans le cas contraire (travail en cours).
L’article L213-1 du code du patrimoine porte que «les archives publiques sont, sous réserve des dispositions de l’article L. 213-2, communicables de plein droit» immédiatement. Ce droit à communication ne s’applique néanmoins qu’à des documents achevés ou à des dossiers clos. Il ne concerne donc pas les documents préparatoires à une décision administrative (article L311-2 du Code des relations entre le public et l’administration). L’article L213-2 du code du patrimoine établit par ailleurs des délais de communicabilité allant de 25 à 100 ans pour protéger l’intérêt des individus, des entreprises et de l’Etat. Ces délais courent à compter de la pièce la plus récente du dossier. Quelques exemples de délais les plus fréquemment rencontrés à la BnF :
25 ans : déclarations de dépôt légal, bordereaux de prix déposés par les entreprises.
50 ans : dossiers de personnel, dossiers d’ouvrages exécutés (DOE).
120 ans : documents médicaux.
Dans la mesure ou la consultation des documents ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger, l’administration des archives peut accorder une consultation «par dérogation à la loi», en accordant à un chercheur l’accès à des dossiers d’archives encore non librement communicables (article L213-3 du code du patrimoine). Des conditions peuvent être imposées pour garder l’équilibre entre accès et confidentialité des informations : non reproduction de documents, anonymisation des personnes ou traitement uniquement statistique, etc.
À la BnF, l’instruction des dérogations est faite par la mission pour la Gestion de la production documentaire et des archives (ARC) en lien avec le service producteur. La décision finale est prise dans un délai maximal de deux mois par le service interministériel des Archives de France.
Modalités de consultation
Les dossiers et documents conservés sur le site François-Mitterrand sont communiqués en salle T du niveau Bibliothèque de recherche. Le lecteur doit être accrédité et muni d’un titre d’accès à la Bibliothèque de recherche :
La demande de communication se fait par courriel (archives@bnf.fr) et doit être parvenue au moins un jour ouvré avant la date à laquelle le lecteur souhaite consulter les documents.
Le lecteur peut demander jusqu’à 10 dossiers ou articles par journée, communiqués un à un.
Les documents commandés peuvent être mis de côté pour le lendemain.
Le lecteur doit effectuer une réservation virtuelle en salle T et, une fois en Bibliothèque de recherche se rendre en banque de salle pour se faire attribuer une place physique par le personnel.
La photographie sans flash des documents est permise, sur autorisation de la mission selon l’état du document et d’éventuelles restrictions juridiques. Pour toute demande de reproduction, s’adresser au département de la Reproduction de la BnF.