D’origine allemande (son patronyme est Bonickhausen), l’ingénieur Gustave Alexandre Eiffel est né à Dijon en 1832. Après avoir participé à la mise en place du réseau de chemin de fer français, il fonde en 1867 les Ateliers mécaniques de Levallois. Il s’illustre alors dans la réalisation d’ouvrages d’art métalliques d’une très grande audace (coupole de l’observatoire de Nice de 22 m de diamètre, en 1885). Abandonnant peu à peu la fonte pour le fer laminé en treillis, il réalise des ponts suspendus d’une portée inimaginable jusqu’alors (pont sur le Douro en 1877, viaduc de Garabit de 165 m en 1884). Le choix du projet “ aérien ” de Gustave Eiffel en 1886 pour réaliser le monument phare de l’Exposition universelle qui commémore le centenaire de 1789 est d’une grande audace.
Lorsque l’exposition ouvre, le 6 mai 1889, la foule qui se presse sur le tapis roulant peut découvrir deux merveilles technologiques, la tour métallique qui domine Paris de 1000 pieds et le phonographe d’Edison. L’inventeur américain est au pinacle de sa notoriété. Ses inventions sont présentées à deux endroits, dans la section des États-Unis et dans un pavillon qu’il a conçu à cet effet et qui remporte immédiatement le succès. Quelques jours après, Edison rencontre Eiffel. Il est invité dans le salon de l’ingénieur au 3ème étage de la tour. On sait que Thomas Edison donne alors un phonographe Class M à Eiffel (ou le lui fait parvenir quelques mois plus tard). Une dédicace signée le 10 septembre 1889 par l’inventeur américain indique : “ To M. Eiffel, the brave builder of so gigantic and original specimen of modern engineering, from one who has the greatest respect for all Engineer including the Great engineer, the Bon Dieu ”. La rencontre entre les deux hommes s’arrête là.
Edison présente son invention à l’Académie des sciences et continue son voyage promotionnel parmi les grandes cours d’Europe. Le phonographe que possède Eiffel reste alors l’un des seuls spécimens sur le continent européen. Le class M est en effet le premier phonographe a avoir été construit industriellement par la North American Phonograph Cy (depuis juillet 1888). Il est alors très peu vendu. Conçu pour faciliter le travail des dactylographes, son succès viendra dès 1893-1895 par le détournement d’usage qui le transforme en appareil de loisir. Eiffel, quant à lui, s’en servira exclusivement pour enregistrer des voix lors de réunion familiale ou amicale. On peut supposer qu’il a lui même raboté plusieurs cylindres, comme cela était prévu par le constructeur. Ceux qui nous sont parvenus ont été enregistrés en février et mars 1891 ou début 1898. Ils nous restituent, outre la voix d’Eiffel, celle d’Ernest Renan, de l’astronome Jules Janssen, de l’écrivain Vallery-Radot et du physicien Eleuthère Mascart. Une autre série contient les voix des enfants et petits enfants de Gustave Eiffel, des poèmes lus et divers enregistrements. L’attribution des voix, pour certains enregistrements, est encore incertaine. Ces cylindres constituent donc les plus anciens enregistrements réalisés en France conservés jusqu’à aujourd’hui. Cette transmission a été faite grâce à Jean Thévenot, homme de radio, qui les redécouvre en 1953 chez les descendants d’Eiffel, grâce aussi au Musée d’Orsay à qui ils ont été donnés et qui les a déposé à la BnF (arrêté ministériel du 23 juin 1988).