Pellerin, Joseph
Joseph Pellerin (1684-1782) manifesta dès le collège de Navarre où il était boursier, un grand talent pour les langues, qui détermina et sa vie professionnelle et ses travaux érudits. Entré en 1706 au ministère de la Marine, il y fit toute sa carrière sous Pontchartrain, Maurepas puis Machault. Il y eut toutes les occasions d’amasser une considérable collection de monnaies antiques venues de tous les points du Levant, qu’il entreprit d’étudier puis de publier une fois retiré des affaires en 1745. Neuf volumes parurent de 1762 à 1770. Le petit-fils à qui il destinait sa collection mourut en duel. Il se Réserve des livres raresigna alors à la mettre en vente en mars 1776. Il en demandait la somme considérable de 300 000 livres. L’abbé Barthélemy, alors garde du Cabinet, eut cependant d’autant moins de mal à en obtenir l’achat qu’un remaniement ministériel, en mai 1776, mit au contrôle des finances un partisan de Choiseul, son protecteur. Les difficultés vinrent de fait du vieux collectionneur, qui regrettait déjà sa décision.
Le transfert de la collection, en août 1776, donna lieu à la rédaction d’un procès verbal contresigné des trois commissaires nommés par le ministre : Barthélemy lui-même, son neveu l’abbé de Courçay, et l’abbé Leblond, ami de Pellerin.
Le mémoire fourni par Pellerin à Maurepas, ministre d’État, « État général du nombre des médaillles antiques du Cabinet de Mr Pellerin », qui servit de base au récolement et au transfert, détaille la collection, partagée en onze « suites » (huit de « médailles impériales », une de « médailles consulaires », une de « médailles de rois », une de « médailles de villes »), pour un total de 32 499 monnaies. Les classifications ayant changé depuis le XVIIIe siècle, les différents récapitulatifs par métaux et par « suites » ne sont pas immédiatement parlants, et il faudrait un nouvel inventaire pour évaluer exactement la part de cette énorme collection dans les fonds des MMA (beaucoup de monnaies ont dû servir à des échanges, comme le prévoyait explicitement Barthélemy). Cette acquisition n’en reste pas moins la plus coûteuse, mais aussi la plus importante jamais faite par le Cabinet des médailles.
De cette date à sa mort, Pellerin continua de collectionner les monnaies antiques et en publia les fleurons dans un 10e volume, Additions, en 1778. Ses héritiers les négocièrent avec le Cabinet du roi, et surtout, acceptèrent de lui vendre deux splendides médailliers dont le collectionneur avait refusé de se défaire en 1776.
Pellerin a lui-même publié l’essentiel de sa collection de monnaies grecques et impériales dans une suite de dix ouvrages parus de 1762 à 1778. 1. [Joseph Pellerin], Recueil de médailles de rois[…], Paris, 1762, iv-220 p. et 22 pl. 2. [Id.], Recueil de médailles de peuples et de villes […], tome premier ; contenant les médailles d’Europe, Paris, 1763, xxij-209 p. et 37 pl. 3. [Id.], Recueil de médailles de peuples et de villes […], tome second ; contenant les médailles d’Asie, Paris, 1763, xvij-[3]-257 p. et pl. XXXVIII-LXXXV. 4. [Id.], Recueil de médailles de peuples et de villes […], tome troisieme ; contenant les médailles d’Afrique ; des Isles ; Médailles incertaines ; Phœniciennes ; Puniques ; en caracteres inconnus ; avec un supplément, Paris, 1763, liv-[2]-288 p. et pl. LXXXVI-CXXXVI. 5. [Id.], Mélanges de diverses médailles […], tome premier. I, Médailles détachées. II, Médailles Impériales en or, en argent & en bronze. III, Médailles de Colonies […],Paris, 1765, [iv]-356 p. et pl. I-XXIV. 6. [Id.], Mélanges de diverses médailles […], tome second. I Médailles Impériales grecques […],Paris, 1765, [iv]-376 p. et pl. XXV-XXII. 7. [Id.], Supplément aux six volumes de recueils […], avec des Corrections […], Paris, 1765, xij-70 p. et pl. I-II. [suivi de :] Second Supplément aux six volumes de recueils […], Paris, 1766, viij-200 p. et pl. I-X. 8. [Id.], Troisième Supplément aux six volumes de recueils […], Paris, 1767, vij-136 p. et pl. I-VI. [suivi de :] Quatrième et dernier Supplément aux six volumes de recueils […], Paris, 1767, viij-136 p. et pl. I-III. 9. [Id.], Lettres de l’auteur des recueils […], Francfort, 1770, 219 p. (2 lettres) et 7 pl. (III + IV). 10. [Id.], Additions aux neuf volumes de recueils […] ; avec des Remarques sur quelques Médailles déjà publiées, La Haye, 1778, [6]-xij-[2]-108 p. Le Cabinet des médailles conserve sous la cote Rés. 11009 PEL 4°, les propres exemplaires de l’auteur portant ses annotations dictées à un secrétaire — le vieillard était aveugle —, offerts à Barthélemy à la fin de la négociation. « Je l’avais déjà [cet ouvrage] ; mais ce nouvel exemplaire était chargé de notes manuscrites, la plupart contre moi : c’était un pot de vin d’un nouveau genre. » (J.-J. Barthélemy, Mémoire sur le Cabinet des médailles, 1793).
Sur la transaction de 1776, voir le recueil constitué des pièces manuscrites la concernant (Rés. ms 10009 PEL 1 F°)
Sur l’homme et sa collection : Dominique Gerin, « Le portrait de Joseph Pellerin (1684-1782)», Revue de la Bibliothèque nationale de France 1994, n° 3 (automne), p. 5-11. — Thierry Sarmant, Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, 1661-1848, Genève-Paris, 1994, en part. p. 136-139 ; passim. — Thierry Sarmant, La République des médailles. Numismates et collections numismatiques à Paris du Grand siècle au Siècle des Lumières, Paris, 2003, en part. p. 211-222.
Sur les médailliers : Trafic d’influences : meubles de laque et goût extrême-oriental au XVIIe et XVIIIe siècles [Exposition. Cabinet des médailles, 28 juin-12 novembre 1989], Paris, 1989.