Paris, Feuillants de la rue Saint-Honoré
Fondateur du monastère des Feuillants à Toulouse, Jean de La Barrière fut appelé à Paris par Henri III qui fit bâtir pour eux, en 1587, le magnifique couvent de Saint-Bernard, près du Louvre, rue Saint-Honoré. Rattachés à l'ordre de Cîteaux, ils se distinguaient par une règle particulièrement austère. Henri IV continua de leur accorder sa bienveillante protection. C'est un bel édifice que nous décrivent Piganiol de la Force et Hautecoeur avec un portail dû à Mansart et Thiéry indique que l'église est ornée de belles boiseries et d'un plafond de Simon Vouet. Le P. Jacob signale une bibliothèque "exquise", d'une belle architecture intérieure d'après Leprince et Sauval et ornée des portraits de tous les généraux de la Congrégation. Un bas-relief de Jean Goujon surmontait la porte d'entrée. La bibliothèque se constitua par des legs comme celui du bénédictin Jacques Le Bossu, par des donations comme celle de Mare de La Ferté et s'enrichit des manuscrits de l'abbaye Notre-Dame du Val dont proviennent, entre autres, le manuscrits latin 17224 (Feuillants 52): Duodecim prophetae minores cum glossa et le légendier cistercien formé par les latins 17003-17007 (Feuillants 581 à 4), 3e quart du XIIe siècle. Un bon nombre de livres hétérodoxes furent donnés en 1652 par le protestant converti Christophe de Vassan, devenu Feuillant sous le nom de Jean de Saint-Paul. Ces livres furent cachés à l'intérieur des colonnes corinthiennes puis dans un grenier désigné, d'après Piganiol, sous le nom d'Enfer. Les Feuillants ont compté parmi eux des savants et prédicateurs de qualité. Cette bibliothèque avait pour bibliothécaire en 1667 le R.P. Jean de Saint-Anselme. Un catalogue en 3 volumes, rédigé en 1746, est conservé à la Bibliothèque Mazarine. Delisle indique aussi un catalogue manuscrit de 1716 contenant 134 manuscrits du couvent des Feuillants. A la Révolution, le couvent fut supprimé, l'ordre dissous et l'Assemblée Constituante y installa une partie de ses bureaux, ce dont le prieur se plaignait dans sa Déclaration des biens mobiliers et immobiliers à la municipalité: de ce fait, il lui était impossible d'évaluer le nombre de volumes avec précision. Thiéry l'estimait à 24000 volumes et le Recensement des dépôts littéraires à 16504. Le couvent abrita le siège du club des Feuillants et en 1804, tous les bâtiments furent abattus pour ouvrir les rues de Rivoli et de Castiglione. On trouve naturellement dans les collections de nombreuses oeuvres de saint Bernard dont le précieux Français 24768 (Feuillants 9), ancienne traduction de 44 sermons de saint Bernard du XIIe siècle, témoin de l'histoire de la langue française, donnée à Jean Goulu, général de l'ordre par Nicolas Le Fèvre, précepteur de Louis XIII, comme l'indique une note portée sur le manuscrit. Citons aussi le manuscrit latin 18118 (Feuillants 32): s. Bernardus epistole, sermo de cantico homelie, XIIIe siècle. Parmi les manuscrits enluminés, le beau Bréviaire de Salisbury fait pour le duc de Bedford, chef-d'oeuvre du XVe siècle, ayant appartenu à La Vallière: latin 17294 (Feuillants 4). Des Heures avec peintures: latin 18023 (Feuillants 37), XVe siècle. Des textes scientifiques comme le Français 25324 (Feuillants 8), Traicté de l'anatomie et traicté des plaies, XVIIe siècle. Plus sulfureux: Recueil de textes de censure relatives aux Jésuites: latins 17523-17524 (Feuillants 251-2). Recueil de plusieurs pièces concernant le régiment de la Calotte (1734): Français 25570 (Feuillants 1). Parmi les imprimés figurent une collection d'hétérodoxes et le célèbre Catholicon de 1460, tRéserve des livres raresor du nouvel art typographique. On peut retrouver trace de ceux qui sont conservés à la Réserve des livres rares par le fichier Provenances: des classiques comme Cassiodore, Cicéron, Horace et aussi Machiavel et Naudé. On remarque des recueils de 119 catalogues de foires de Francfort de 1575 à 1636 (Réserve des livres rares.p. Q. 449-567). Les marques et ex-libris manuscrits préconisés par les Constitutions de l'Ordre sont très variées, le plus fréquent étant: "Ex bibliotheca Fuliensium Sancti Bernardi Parisiensis", relevé sur les manuscrits latins 17200 (Feuillants 18), 17532 (Feuillants 15) 17544 (Feuillants 10) et 17621 (Feuillants 50).
Bibliothèque Mazarine mss 534-535. Rituale congregationis Beatae Mariae Fuliensis, ordinis Cisterciensis..., début XVIIe siècle. Bibliothèque Mazarine ms. 3334 (1749). Chroniques du Monastère Roial de saint Bernard des Feuillants, ordre de Cîteaux, situé à Paris, à la rue Saint-Honoré, fondé par le roi de France et de Pologne, Henri troisiesme, l'an de N.S.J.C. 1588, jusqu'à l'an 1680, XVIIe siècle, armes du monastère dessinées et peintes. Bibliothèque Mazarine mss 4092-4094 (3154-3156). "Bibliotheca Fullientina, seu catalogus librorum bibliothecae monasterii regalis Sancti Bernardi Parisiensis, ordinis Cisterciensis, congregationis beatae Mariae Fuliensis, Parisiis, 1746". Posdaté, en grande partie de la fin du XVIIe siècle. Par ordre de matières réparties sur les différentes lettres de l'alphabet. A la fin du tome III, index des auteurs. Reliure en veau aux armes du couvent. BNF, Arsenal ms. 4629 (839 F.H.F.), p. 225, Bibliothèque des Feuillants, catalogue des manuscrits italiens et français, XVIIIe siècle.
----------------------- Biver Paul et Marie-Louise, Abbayes, monastères, couvents de femmes à Paris : des origines à la fin du XVIIIe siècle... [Paris], Presses universitaires de France, 1975, p. 82-98. Bondéelle-Souchier Anne, Bibliothèques cisterciennes dans la France médiévale. Répertoire des abbayes d'homme, Paris, 1991, p. 253-255. Crucifix-Bultingaire Geneviève, Feuillants et Feuillantines, Paris, 1961. CGMF, Anciens petits fonds, III, 382-383. Feuillants, concordance entre anciennes cotes et cotes actuelles. Delisle Léopold, Le Cabinet des manuscrits..., t. II, 1874, p. 6, 251-252, 327, 330; III, 380. Franklin Alfred, Les anciennes bibliothèques de Paris..., Paris, 1867-1873, t. II, 281-286. Jacob Louis (P.), Traicté des plus belles bibliothèques publiques et particulières..., Paris, Rolet Le Duc, 1644, 509. Millin Aubin-Louis, Les Feuillants de la rue Saint-Honoré dans Antiquités nationales, 1791. Thiéry, Guide des amateurs et des étrangers voyageurs à Paris..., Paris, 1787, I, 119. Cf. les revues Revue Mabillon et Romania.
Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 62.