Collection PITOEFF
Georges PITOEFF (1884-1939), acteur, décorateur, metteur en scène, directeur de troupe, traducteur, est aussi l’un des membres fondateurs du Cartel.
C’est en Russie et plus précisément à Tbilissi où son père dirige un théâtre, que Georges Pitoëff, dès son plus jeune âge, découvre sa vocation. En 1902, à Moscou, au cours de ses études universitaires, il suit une formation d’architecte, il fréquente assidûment le théâtre d’Art de Stanislavski. Il suit son père à Paris, en 1905, et joue en amateur au « Cercle des Artistes russes ». Il débute comme comédien en 1908, à St Petersbourg, au Théâtre dramatique Véra Komissarjevskaïa, où il rencontre des poètes symbolistes mais aussi des metteurs en scène comme Evreïnov, Taïrov, Meyerhold. En 1910 à la fois acteur et régisseur du Théâtre mobile de Gaïdebourov, il parcourt la Russie. Il revient en 1913 à St Petersbourg, pour prendre la direction de « Notre Théâtre », théâtre d’un quartier ouvrier. Là il met en scène, un répertoire européen : Ibsen, Shaw, Wilde.. et pratique un théâtre à l’opposé du réalisme de Stanislavski. Il participe activement à la réflexion qui accompagne, en Russie, la naissance de nouvelles formes théâtrales, et cette expérience éclaire la place originale qu’il tient en France plus tard, au sein du Cartel (L. Jouvet, G. Baty, C. Dullin) par son immense répertoire, très tourné vers la création contemporaine, et par son œuvre de très inventif décorateur.
En 1914 il quitte la Russie pour Paris, découvre les expériences théâtrales de Jacques Copeau. épouse un an après , sa compatriote, Ludmilla de Smanov (1895-1951), elle l’accompagne tout au long de son parcours qui le mène de Genève (1915- 1922) où il crée sa compagnie, à Paris où ils se fixent en 1922 : d’abord à la Comédie des Champs-Elysées, puis de théâtres en théâtres : Théâtre des Arts, Vieux-Colombier, Champs-Elysées avant de s’installer au Théâtre des Mathurins en 1934.. Ludmilla a fait ses débuts de comédienne à Genève, en 1915 dans les Tréteaux de Blok. Elle fera désormais partie de toutes les distributions du répertoire de son mari, et sera un atout essentiel de la Compagnie Pitoëff. Sa voix pure et son jeu passionné lui ont permis des affinités exceptionnelles avec les héroïnes de Tchekhov, Claudel, Ibsen, et Shaw : le rôle titre, Sainte Jeanne, la consacrera comme l’une des plus grandes comédiennes parisiennes de l’entre-deux guerres.
Georges Pitoëff meurt à Genève en 1939. Metteur en scène Georges Pitoëff va s’attacher à faire connaître le plus grand nombre d’auteurs possibles sans se soucier de la critique (212 pièces mises en scène de 115 auteurs appartenant à 21 nationalités, il révèle Tchekhov en France grâce aux traductions qu’il en fait avec l’aide de Ludmilla), ce qui explique les imperfections de certaines réalisations et les difficultés matérielles qu’il connaît : « le théâtre ne peut pas vivre sans essai… ». Son travail se caractérise par une spiritualité profonde de l’inspiration alliée à une imagination puissante. Pour lui le jeu de l’acteur est primordial, c’est à partir de ce jeu que le metteur en scène « autocrate absolu », mais imprégné de l’esprit et du message de la pièce, transpose et dépasse la vie. A l’originalité de ce répertoire s’ajoute celle du décorateur de talent qu’il se révèle être. L’esthétique de ses maquettes (formes géométriques, extrême dépouillement décoratif) illustre le courant pictural russe représenté par Kandinsky, Larionov…
A la scène il choisit tantôt de libérer l’espace (simples rideaux, peu d’accessoires) ou de l’occuper dans toutes ses dimensions (décors à compartiments, simultanés…), ses dispositifs scéniques pour les drames shakespeariens sont une réussite. Le comédien ne laisse pas indifférent, il marque de son sceau le rôle d’Hamlet et s’essaie dans des personnages apparemment antithétiques avec plus ou moins de bonheur. Son physique tourmenté, illuminé d’un feu intérieur le pousse au jeu expressionniste dans l’interprétation des héros torturés et névrosés de Pirandello ou Tolstoï. Son amour ardent du théâtre, qu’il manifeste dans les multiples responsabilités qu’il assume, le plonge dans des difficultés financières à répétition ( surtout à partir de 1934 au Théâtre des Mathurins) auxquelles il doit remédier en tant que directeur de troupe. Il se montre un administrateur inventif (recours au mécénat en Suisse) et avisé (tournées à l’étranger très lucratives). Dès 1937, en accord avec les membres du Cartel et leur conception du théâtre, il souhaite une aide de l’état. Seul du Cartel, à ne pas connaître la consécration par une nomination à la tête de la Comédie-Française,( sans doute victime de son origine étrangère, de son répertoire cosmopolite et de l’inquiétude inspirée à ses pairs) il marque profondément l’histoire du théâtre par sa personnalité hors du commun et cette symbiose quasi mystique avec sa femme, collaboratrice et inspiratrice sur laquelle s’appuie tout son travail de mise en scène.
En 1959, une partie du fonds Pitoëff, soit 250 esquisses et maquettes de décors ( souvent de la main de G. Pitoëff), et quelques photographies de scène ; entre par achat dans le Département, elle sera complété ultérieurement par un don de Madame Goldschild, en 1982, après la mort de son mari, Maurice Goldschild collaborateur jusqu’en 1939 de Georges et Ludmilla Pitoëff. A l’occasion de la grande exposition que le Département des Arts du spectacle a consacrée aux metteurs en scène du Cartel, le fils de Georges Pitoëff, offre en 1987 une importante correspondance et quelques textes annotés par son père. En 1990 et 1991 le département fait deux achats successifs auprès de Sacha Pitoëff, puis après la mort de ce dernier, auprès de son frère Georges et des autres héritiers, il s’agit, de textes portant des annotations de mises en scène. De 1994 à1996, des achats complémentaires seront effectués portant sur -deux textes annotés de Pirandello, Six personnages en quête d’auteur, et d'Ibsen, Le Petit Eyolf ; - le manuscrit de sa traduction de La Cerisaie - deux tableaux : un portrait au fusain de Georges Pitoëff et une sanguine représentant Ludmilla Pitoëff - une maquette de décor pour Là-bas. La documentation : programmes, presse, textes annotés, photos, concernant les spectacles montés par Georges Pitoëff et joués par sa compagnie, a été cataloguée dans la base BNF Opaline accessible par internet.