Mazarin (Jules)
L'histoire des livres de Mazarin est marquée par le parcours politique "mouvementé" de leur possesseur. Celui qui a été surnommé le prince des collectionneurs avait déjà une bibliothèque dans son hôtel romain, avant de s'installer à Paris, et d'y faire construire un somptueux palais destiné à abriter ses œuvres d'art et ses livres, dont le corps de bâtiment subsistant constitue aujourd'hui encore le cœur du site Richelieu. De 1643 jusqu'à la Fronde Gabriel Naudé, son bibliothécaire, dépense 88362 livres pour la constitution d'une bibliothèque exceptionnelle, qui contient environ 40.000 livres. Mais les événements bouleversent ses projets: alors que Mazarin s'est exilé à Brühl, le Parlement de Paris ordonne la vente aux enchères de ses livres. Cette vente a lieu en janvier-février 1652.
Le fameux échange de 1668 entre la Bibliothèque royale et le Collège Mazarin, dont l’idée vient de Jean-Baptiste Colbert, concerne donc la « seconde bibliothèque de Mazarin », reconstituée dès 1653-1654 à partir des restes de la collection que Naudé avait réunie pour le cardinal avant la Fronde. L'état des volumes imprimés, échangés avec des exemplaires de la Bibliothèque royale, et celui des manuscrits, qui sont quant à eux achetés, portent la signature du bibliothécaire de Colbert, Pierre de Carcavi, et du successeur de Naudé, François de la Poterie (nouv. acq. fr. 5763). Cet accord coupe en deux la bibliothèque de Mazarin et environ deux mille quatre cents manuscrits et trois mille six cents livres imprimés rejoignent la Bibliothèque royale, alors que le reste de la collection est tranféré selon les vœux du cardinal défunt dans le Collège Mazarin, de l'autre côté de la Seine.
Les manuscrits sont en latin, en français, dans la plupart des langues européennes à l’exception de l’anglais, en grec, hébreu, copte, syriaque, samaritain, éthiopien, persan, turc, arabe et chinois.
Une partie considérable de la collection se compose de papiers contemporains, en rapport avec les intérêts « professionnels » de Mazarin, comme les mémoires d’Etat d’Antoine de Loménie, comte de Brienne, secrétaire d’Etat de Henri IV puis de Louis XIII, que Richelieu avait achetés de force en 1638. Déposées un temps au Louvre après la mort de Richelieu, ces copies avaient excité la convoitise de Mazarin qui s’en était emparé en 1642 et les avait récupérées en 1653. Remises à la Bibliothèque royale dès 1661, elles sont cependant intégrées dans l’échange de 1668.
Le Moyen Age est lui aussi largement représenté par des textes importants et par des manuscrits enluminés de qualité. Les manuscrits achetés par Naudé en 1647 après le décès de Peiresc forment sans aucun doute possible le groupe le plus considérable de documents anciens. On peut aussi identifier un certain nombre de manuscrits acquis par Naudé au fil de ses découvertes chez les libraires parisiens ou au cours de ses voyages à l’étranger, et en particulier en Italie et dans les pays germaniques.
Les manuscrits provenant de Mazarin conservent peu de traces de leur passage dans sa bibliothèque. Quelques étiquettes de papier encore collées au dos de reliures anciennes, des chiffres parfois inscrits dans la marge supérieure du premier feuillet de texte indiquent bien que ces volumes ont été placés dans des ensembles structurés importants, mais rien ne permet d’affirmer qu’il s’agit du cadre de classement du Collège Mazarin.