La bibliothèque Rothschild au département des Manuscrits de la BnF
Riche de 9149 ouvrages précieux – dont des manuscrits - , la bibliothèque de James et Henri de Rothschild demeure une collection emblématique des pratiques bibliophiliques du dernier tiers du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle. James de Rothschild (1844-1881) aurait commencé dès son adolescence à fréquenter les librairies d’ancien. Dès 1863 il apparut sur le marché des enchères. Et très tôt se manifestèrent ses caractéristiques : un goût prononcé pour les éditions anciennes des XVe et XVIe siècles, ainsi que pour les éditions du théâtre classique ; la décision de n’acquérir que des exemplaires de choix. Le don d’une cinquantaine d’ouvrages par son grand-père maternel le baron James (fondateur de la branche française des Rothschild) – ouvrages reçus lors de la mort de celui-ci en 1868– enrichit sa bibliothèque dans la proportion d’un tiers environ et surtout la dota de quelques-uns de ses joyaux : livres d’heures imprimés du XVe siècle ou du tout début du XVIe, livres illustrés du XVIIIe, enfin le recueil de près de 500 pièces de dessins de costumes et de décors de théâtre provenant des archives de Papillon de La Ferté, sans compter les dessins originaux de Boucher pour les œuvres de Molière.
Même si James ne semble pas s’être enthousiasmé pour les livres à gravures, l’héritage de son grand-père donna un nouvel élan à sa passion bibliophilique. James agrandit son réseau de libraires, continua à suivre les ventes publiques et sollicita directement certains confrères pour s’assurer la possession de pièces importantes. La guerre de 1870, divers événements intervenus dans sa vie, ralentirent son activité pendant quelques années : elle reprit de plus belle à partir de 1873. Fidèle aux choix de ses débuts, James poursuivit sa quête de pièces des XVe et XVIe siècles (un domaine qui représentait facilement la moitié de ses acquisitions annuelles), particulièrement de rarissimes plaquettes, parfois anonymes, poétiques ou non, témoins éphémères d’événements solennels ou anecdotiques. De tels documents n’avaient pas seulement un intérêt bibliophilique à ses yeux : ils servaient aussi la recherche. James lui-même, grâce à sa collection et au savoir acquis, collaborait en effet au Recueil de poésies françoises initié par Montaiglon.
L’érudition le guidait également dans la réunion d’ouvrages du XVIIe s. : par exemple, pour chaque auteur dramatique auquel il s’intéressait, il réunissait un exemplaire de chacune des éditions de ses textes, un exemplaire des différentes œuvres complètes, enfin les textes de l’époque réagissant aux œuvres. De même, il entreprit, pour les sauver et les étudier, de copier et d’acheter les notes manuscrites et imprimées de Loret et de ses successeurs. Cela n’empêchait pas James de rechercher aussi des ouvrages tenant leur valeur d’une illustre provenance ou d’une riche reliure (les livres de comte d’Hoym réunissaient ces deux conditions). Quand des ouvrages lui parvenaient dépourvus de reliure, James les confiait aux mains expertes de Trautz-Bauzonnet dont il appréciait particulièrement les méthodes et le talent (au point de racheter son atelier au décès du relieur – atelier dont les fers à dorer furent ensuite offerts par Henri de Rothschild à la BnF). A sa mort en 1881, James de Rothschild laissait une collection riche de 2423 pièces. Sa veuve, puis surtout son fils Henri continuèrent à l’enrichir, en suivant les mêmes directions qui avaient présidé à sa constitution et en mettant l’accent sur les manuscrits médiévaux. Ils l’augmentèrent de 6726 pièces, portant l’ensemble à 9149 pièces. Henri, à sa mort en 1947, légua la bibliothèque au département des Manuscrits.
La collection est décrite pour une part dans le catalogue Picot (5 volumes qui reprennent l’intégralité des acquisitions de James et une part de celles de sa veuve et de Henri), pour une autre part dans le catalogue général sous la cote supplément Rothschild. Elle est consultable, sur autorisation du directeur du département des Manuscrits, à la table de la réserve de la salle de lecture du département.