Paris. Navarre (Collège de)
Le collège de Navarre fut fondé en 1304 par Jeanne de Navarre, épouse de Philippe le Bel, et prévu pour accueillir 70 boursiers. L’origine géographique prédominante de ses étudiants lui valu, à partir de 1373, le second nom de collège de Champagne. Le collège posséda dès l’origine une bibliothèque. Elle connut des fortunes diverses selon les époques : délaissée au milieu du XVIe siècle, restaurée un siècle plus tard, de nouveau négligée ensuite. Après la fermeture du collège en 1790, les collections furent entreposées dans le dépôt littéraire établi à Saint-Louis-la Culture. C’est là que la Bibliothèque nationale fut autorisée à puiser 177 manuscrits, d’après la liste des archives des dépôts littéraires datée du 29 ventose an V. Dans les faits, on n’en retrouve que 124 dans les collections actuelles, essentiellement des manuscrits latins mais aussi 11 français et un italien (ital. 1470). Autrefois réunis dans le « fonds Navarre », il sont aujourd’hui dispersés par langues, mais la table de concordance du Catalogue des manuscrits français. Anciens petits fonds permet de les retrouver. Notons que d’autres manuscrits du collège de Navarre sont entrés dans l’ancien fonds latin via les collections Dupuy, Colbert, Drouyn (ms lat 1507, 1514, 1548, 2132, 2692, 3122, 3260, 3655, 4363, 6492, 8089, 8432). D’autres encore, à la Révolution, sont allés rejoindre les collections de la bibliothèque de l’Arsenal. Les manuscrits du collège de Navarre portent divers ex-libris, dont souvent « Pro libraria Regal. Collegii Campaniae, alias Navarrae, Paris. fundati ».
La Bibliothèque nationale possède également des imprimés du collège de Navarre, puisés là encore pour l’essentiel dans les dépôts littéraires. Ils sont plus difficilement repérables dans les collections actuelles que les manuscrits, car ils ont dès le départ été dispersés. Les ex-libris sont, avec la liste fournie par les archives des dépôts littéraires, le seul moyen de retrouver ces imprimés. Ils sont généralement manuscrits, de la forme : « Bibliot. Theologor. Regiae Navarrae » (Réserve des livres rares A 1186). Certains volumes portent des ex-dono montrant qu’ils ont été légués au collège de Navarre par d’anciens boursiers, comme Jacques Merlin, dont les livres portent : « Pro libraa regal. Collegii Campanae als. Navarrae ex dono D. Jacobi Merlin, doctoris theologi, canonici et penitentierii Parisiensis, quondam bursarii theologorum dicti collegii. Obiit 2 octobris 1541. Requiescat in pace. » (E 592). En revanche, on ne trouve pas de cachet du collège de Navarre sur ces ouvrages. Les imprimés du collège de Navarre se retrouvent sans surprise dans la partie Inventaire des lettres théologiques (lettres A à E), et, pour un nombre non négligeable, à la Réserve des livres rares (incunables et éditions du début du XVIe siècle pour la plupart).
Artier, Jacqueline. "La bibliothèque du collège de Navarre au XVIIIe siècle". Dans : Mélanges de la bibliothèque de la Sorbonne, 1986, p. 105-124. Châtelain, Emile. "Les manuscrits du collège de Navarre en 1741. Revue des bibliothèques, 1901, n° 11, p. 362-411. Delisle, Léopold. Le Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque impériale…, t. II, 1874, p. 252-255. Franklin, Alfred. Les anciennes bibliothèques de Paris… Paris, 1867-1873, t. I, p. 393-404. Omont, Henri. Catalogue général des manuscrits. Anciens petits fonds, t. III, p. 410-411.
Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 73.
Paris. Missions étrangères
En 1663, Bernard de Sainte-Thérèse, évêque de Babylone, donna tous les immeubles qu’il possédait au faubourg Saint-Germain pour établir un séminaire où les ecclésiastiques destinés aux Missions étrangères pussent recevoir une instruction spéciale. Il ajouta à ce don sa bibliothèque parisienne ainsi que celle d’Ispahan. De nombreuses donations vinrent par la suite enrichir les collections. Citons celles de Christophe Duplessis, baron de Monbar, en 1672, de Louis de Cicé en 1727, ou encore celle de Louis de Voyer d’Argenson. La déclaration officielle faite en 1790, sans doute sous-estimée, fait état de 15 000 volumes. Les religieux signalaient notamment la présence dans leur bibliothèque de quatre bibles polyglottes, de Buffon, de l’Encyclopédie. Pillé et saccagé dès 1791, le séminaire fut fermé en 1792. Les collections de la bibliothèque, amenées au dépôt littéraire de Saint-Louis-la-Culture, firent dès lors l’objet de ponctions au profit de la Bibliothèque nationale.
Le fichier des Provenances de la Réserve des livres rares de la BnF permet d’identifier les plus précieux des volumes imprimés aujourd’hui conservés dans notre établissement. Ils portent une estampille (lettres ME accolées surmontées d’une croix pattée, et inscription « SEM DES MISS. ETRANGERES ») et de rares mentions manuscrites. Pour ce qui est des manuscrits, la BnF en conserve aujourd’hui 452 (constituant un « ancien petit fonds »), dont des extraits des registres du Parlement, des négociations du XVIIe siècle, des papiers d’ambassadeurs, une copie du recueil de Galland sur les matières féodales, quelques correspondances originales du règne d’Henri IV. Presque tous ces manuscrits proviennent du cabinet de Christophe Duplessis, seigneur et baron de Montbard, conseiller du roi, dont la donation au Séminaire des Missions étrangères a été mentionnée plus haut.
Franklin, Alfred. Les anciennes bibliothèques de Paris… Paris, 1867-1873, t. III, pp. 163-167
Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 71.
Minimes de la Place Royale
Depuis XVIIe siècle, les Minimes avaient constitué, dans leur couvent de la place Royale à Paris, une bibliothèque qui, sans être publique, était largement ouverte aux savants. Michel de Marolles la considérait comme une des plus belles de Paris. Elle s’était enrichie au cours du siècle de plusieurs dons. Les plus remarquables furent ceux de l’ami de Descartes Marin Mersenne (sciences), du grand maître du collège de Navarre Jean de Launoy (théologie), de l’abbé de Montigny (conciles). Ceux du conseiller de la Cour des aides, Alexandre Letenneur, et d’un certain Descombes sont signalés par ex dono de papier collé dans les volumes. Dès 1644, la bibliothèque aurait compté 8 000 volumes ; elle avait doublé un siècle plus tard. Mais elle fut négligée dans les années 1780. L’inventaire de 1790 recense 17 095 volumes, dont 263 Bibles et 834 livres hérétiques défendus (les ouvrages luthériens étaient protégés par un fil de fer d’acier). Les Minimes avaient fait don à la Bibliothèque royale de quelques ouvrages ou manuscrits. Par exemple, en 1767, une partie des manuscrits de l’Herbarium vivum du père Charles Plumier. Mais l’essentiel entra à la Bibliothèque à la Révolution, quand le fonds fut dispersé. Il passa par le Dépôt littéraire de Saint-Louis-La-Culture (actuelle église Saint-Paul-saint-Louis, rue Saint-Antoine, ancienne maison professe des Jésuites) dont Hubert-Pascal Ameilhon était responsable (État des Bibliothèque établi par Van Thol, 9 Brumaire an IX). Quand il fut nommé à la bibliothèque de l’Arsenal, il puisa plus de 50 000 volumes dans ce dépôt pour enrichir la collection du marquis de Paulmy, ce qui explique que plusieurs documents du couvent des Minimes se retrouvent aujourd’hui l’Arsenal. Par exemple, le plus précieux des manuscrits du couvent, le Pontifical dit de Poitiers (France, fin du IX e siècle), l’édition de 1567 des oeuvres de Ronsard ou encore le seul exemplaire connu de l’édition de 1631 chez Ballard du recueil de musique intitulé Tablature de luth de différens autheurs sur les accords nouveaux.
Le fonds de manuscrits des Minimes fut rassemblé dans le fonds français des manuscrits. Par exemple, le Martyrologe des chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, volume en partie manuscrit, en partie imprimé, d’un nommé Goussencourt, une histoire complète des cardinaux ornée de leurs armoiries, un récit des négociations de la France avec les pays étrangers, la correspondance de Mersenne. Les livres ne sont pas estampillés. Mais ils portent en général une marque sur les plats : un œil surmonté de la couronne de France portant au centre le mot charitas et en exergue Conventus Parisiensis Minimorum ou en français Minimes de Paris. Le dos est frappé d’un petit fer sur le même modèle sans l’exergue. Ces marques de provenance n’avaient pas été reportées sur les fiches catalographiques. Ce qui explique le faible nombre d’ouvrages recensés pour l’instant dans le catalogue général informatisé. Des catalogues manuscrits de la bibliothèque avant la dispersion existent. Trois catalogues alphabétiques de la bibliothèque antérieurs à 1790 sont conservés à la Bibliothèque Mazarine. Un catalogue méthodique se trouve à l’Arsenal ; deux autres, à la Mazarine. Un catalogue des ouvrages liturgiques est conservé dans le fonds latin du département des manuscrits (autrefois fonds de Saint-Magloire).
Dufresne, Hélène. Le bibliothécaire Hubert Pascal Ameilhon : érudition et esprit public au XVIIIe siècle. Paris : Nizet, 1962. Franklin, Alfred. Les anciennes bibliothèques de Paris : églises, monastères, collèges, etc. Paris : Imprimerie impériale, 1867-1873, 3 vol. 1789, le patrimoine libéré, Bibliothèque nationale, 6 juin-10 septembre 1989. Paris : Bibliothèque nationale, 1989.
Maison professe des Jésuites
Les Jésuites installèrent leur maison professe rue Saint-Antoine à Paris dans l’hôtel d’Anville, don du cardinal Charles de Bourdon en 1580. La bibliothèque du cardinal, reliée en maroquin, fut dispersée après l’interdiction des Jésuites en 1594. Lorsqu’ils réinvestirent les lieux au XVIIe siècle, ils acquirent un certain nombre de volumes pour constituer une bibliothèque. Elle fut enrichie par plusieurs grands dons, le principal étant celui de Pierre-Daniel Huet (1630-1721), évêque d’Avranches, membre de l’Académie française et bibliophile (voir Huet, Pierre-Daniel) en 1692. La même année, ils reçurent la bibliothèque du lexicographe Gilles Ménage (1613-1692), elle-même enrichie précédemment de la bibliothèque du philologue François Guyet (1575-1665). En 1739, le bibliothécaire de la maison professe, le père Tournemine, légua sa bibliothèque riche de 7 000 volumes. En 1754, la bibliothèque de la Maison professe comptait environ 30 000 volumes, ainsi que des manuscrits et quelques estampes. Elle n’était pas publique mais largement ouverte aux gens de lettres. La maison professe abritait également un cabinet d’antiquités, établi par le père Lachaise, et un cabinet de médailles, constitué par le Père Chamillard. En 1763, lorsque les Jésuites furent expulsés du royaume, l’abbé Baudot fut chargé de prendre les livres qui manquaient au roi. Le reste de la bibliothèque fut vendu aux enchères. Trois catalogues furent dressés à cette occasion : celui des imprimés qui comportait 7 252 numéros, celui des manuscrits et celui des médailles antiques et autres curiosités. La bibliothèque de Huet fut épargnée car il avait prévu dans sa donation que celle-ci serait annulée si sa bibliothèque devait être dispersée quelle qu’en soit la cause. Les livres furent restitués à son neveu et héritier, M. de Charsigné, qui, ne sachant où les stocker, les confia en dépôt au bibliothécaire du roi, puis en fit don à la bibliothèque royale. A la Révolution, le dépôt littéraire Saint-Louis-La-Culture fut installé sur le site de l’ancienne maison professe des Jésuites. Les Jésuites de la Maison professe n’avaient pas d’estampille. On rencontre parfois la mention manuscrite : Domus profess. Paris. Societ. Jesu. Leur marque reproduisant le monogramme de la société est assez rare (IHS).
Sources
- Catalogue des livres de la bibliothèque de la maison professe des ci-devant soi-disant jésuites, Paris, Pissot, 1763. - Catalogus manuscriptorum codicum Collegii Claromontani, quem excipit catalogus mssrum domus professae Parisiensis autoribus Dom F. Clément et L.-G. Oudart Feudrix de Bréquigny, Paris : Saugrain, 1764. - Catalogue des médailles antiques, modernes et autres curiosités de la bibliothèque de la maison professe de la rue Saint Antoine... [Vente le lendemain de la fête de saint Louis.], Paris : Simon, 1763.
Bibliographie - Franklin, Alfred. Les anciennes bibliothèques de Paris : églises, monastères, collèges, etc. Paris : Imprimerie impériale, 1867-1873, 3 vol. - Pélisson-Karro, Françoise. « La bibliothèque de Pierre-Daniel Huet, évêque d'Avranches, entre la maison professe des jésuites et la Bibliothèque du Roi ». Dans : Mélanges autour de l'histoire des livres imprimés et périodiques, Paris : BnF, 1998, p. 107-130.