Bigot, Jean (15..-16..) et Émery (1626-1689) : Manuscrits
La bibliothèque créée à Rouen dans la première moitié du XVIIe siècle par Jean Bigot, doyen de la Cour des Aides de Normandie et notable normand, passe ensuite à ses enfants mais de ses trois fils Jean, Nicolas et Émeric, c’est le troisième qui s’y intéresse le plus. Il lui consacre tout son temps et l’augmente considérablement. Il est aussi en relations épistolaires avec de nombreux savants, comme les Bénédictins de Saint-Maur Luc d’Achery ou Mabillon, et ouvre très libéralement les portes de sa bibliothèque aux érudits et aux curieux.
Après la mort d’Émeric en décembre 1689, puis de son cousin germain Robert en 1692, la bibliothèque est achetée par des libraires parisiens qui la mettent en vente en 1706. Elle contient alors plus de 16000 volumes, dont quatre cent cinquante manuscrits. Les imprimés sont dispersés en juillet 1706, en plusieurs ventes, mais à l’exception de deux ou trois volumes, l’abbé de Louvois achète tous les manuscrits pour la Bibliothèque royale, contre la somme relativement modique de 1500 livres. Plus de la moitié sont en latin, quelques-uns en arménien, hébreu, turc..., et les autres en grec et en français.
Les acquisitions normandes de Jean Bigot sont d’un grand intérêt pour l’histoire de cette province, qu’il s’agisse de documents acquis d’autres amateurs normands, ou de volumes provenant des abbayes de la région, souvent en difficulté à cette époque, comme ceux de l’abbaye de Fécamp, vendus à Bigot par le grand prieur. Les manuscrits médiévaux y sont largement majoritaires et la théologie et l’histoire y occupent la première place, mais on y trouve quelques dossiers de travail, en particulier sur les manuscrits grecs, constitués par Emeric Bigot.
Cet ensemble est facile à repérer dans les différents fonds où ils ont été placés, grâce aux cotes et aux ex-libris gravés des différents membres de la famille, qui figurent très souvent au verso du premier plat. De nombreux volumes portent en outre des reliures de veau fauve à filets dorés, dont les dos sont ornés des armes de la famille et les tranches peintes en rouge.
Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 53.
Bigot, Jean (15..-16..) et Émery (1626-1689) : Imprimés
Léopold Delisle rapporte que "Jean Bigot, sieur de Somménil et de Cleuville, doyen de la cour des aides de Normandie, forma à Rouen, dans la première moitié du XVIIe siècle, une bibliothèque composée, au dire du P. Louis Jacob, de "plus de 6000 volumes, entre lesquels, ajoute le même religieux, il y a plus de 500 manuscrits très bons et bien rares, lesquels il communique facilement à ceux qui en ont besoin pour le public, en quoi il sera à jamais louable". L’un de ses fils, Nicolas Bigot, sieur de Cleuville, partageait le goût de son père pour les livres. Plus encore, un autre de ses fils, Émery ou Louis-Émery Bigot (1626-1689), se consacra à l’étude de la bibliothèque qu’il avait eue de son père et qu’il augmenta considérablement. Celle-ci occupait le centre d’un réseau littéraire et savant dont faisaient partie un grand nombre d’érudits français et étrangers, qui se documentaient à la Bibliotheca Bigotiana, ouverte avec libéralité à leur curiosité par son propriétaire. À la recherche de manuscrits et d’ouvrages rares à travers toute l’Europe, celui-ci compte les plus grands savants du temps parmi ses amis : Étienne Baluze, Jacques Basnage, Jean Chapelain, Nicolas Heinsius, Gilles Ménage, Richard Simon. Ainsi sa bibliothèque remplit-elle, à quelques décennies de distance, le rôle qu’avaient su faire tenir à la leur les frères Pierre et Jacques Dupuy à Paris. À sa mort, celle-ci passa à son cousin germain Robert Bigot, seigneur de Montville, conseiller au parlement de Paris, qui mourut peu après, en 1692. "Quelques années après la mort de Robert Bigot, la bibliothèque à la formation de laquelle une famille puissante avait travaillé pendant tout un siècle fut achetée par des libraires de Paris, qui la vendirent en détail dans le cours de l’année 1706. Ils en publièrent un bon catalogue dans lequel une section spéciale est consacrée aux manuscrits". Édité par les libraires Jean I Boudot, Charles II Osmont et Gabriel Martin, le catalogue, riche de 8744 notices d’imprimés, peut servir de témoin (avec toutes les réserves méthodologiques d’usage) d’une attitude vis-à-vis du savoir Au nombre des réserves, il faut placer cette remarque de Prosper Marchand d’après lequel les libraires ont inséré dans ce catalogue beaucoup de livres de la famille de Mesme qui n’avaient jamais appartenu aux Bigot. En plus d’une imposante liste de manuscrits acquis à cette occasion (AR 19, f° 47-75), plusieurs listes de livres imprimés successivement achetés par la Bibliothèque du roi sont conservés au Département des manuscrits (AR 19, f° 76-89)et décrits sous les titres "Livres imprimés , achetés à diverses reprises, à la vente des livres de Mrs Bigot pendant l’année 1706", "Livres achetez à l’auction des livres de M. Bigot en juillet et août 1706" , "Livres achetez à la mesme vente de Mr Bigot à l’amiable et sans auction" et "Autres livres achetés à la même vente de Mrs Bigot, à l’amiable et sans auction, en décembre 1706" C’est un total de 439 ouvrages imprimés identifiables qui vinrent alors enrichir les collections. Les imprimés provenant de ces bibliothèques successives qui font aujourd’hui partie des collections imprimées de la Bibliothèque nationale de France sont dispersés entre la Réserve des livres rares et les départements thématiques. Ils sont reconnaissables à leur ex-libris gravé aux armes de la famille d’argent, au chevron de sable accompagné de trois roses de gueules, 2 et 1 (pas toujours signalé dans les particularités d’exemplaire des notices du catalogue), auxquelles peut s’ajouter le nom L. E. Bigot, gravé lui aussi. Ils sont souvent abondamment pourvus d’annotations manuscrites. Ils proviennent d’achats faits à la vente de 1706 par la Bibliothèque du roi, mais semblent provenir pour partie provenir de confiscations révolutionnaires, après être restés entre des mains privées ou en la possession de communautés pendant la plus grande partie du XVIIIe siècle. Ils témoignent d’une curiosité encyclopédique, mais concernent particulièrement la philologie grecque et latine, domaine d’excellence d’Émery Bigot, et les questions religieuses et philosophiques.
Bibliotheca Bigotiana seu catalogus librorum quos… congessêre DD uterque Joannes, Nicolaus et Lud. Emericus Bigotii…, Parisiis, J. Boudot, 1706 Delisle, Léopold, Le cabinet des manuscrits de la Bibliothèque impériale. Étude sur la formation de ce dépôt, comprenant les éléments d’une histoire de la calligraphie, de la miniature, de la reliure et du commerce des livres à Paris avant l’invention de l’imprimerie, Paris : Imprimerie impériale, 1868, vol. 1, p. 322-329. Delisle, Léopold, Éd. Bibliotheca Bigotiana manuscripta : catalogue des manuscrits rassemblés au XVIIe siècle par les Bigot, mis en vente au mois de juillet 1706, aujourd’hui conservés à la Bibliothèque nationale, Rouen, Impr. H. Boissel, 1877 Doucette, Leonard Eugène, Emery Bigot : seventeenth-century French humanist, Toronto, Buffalo, University of Toronto press, 1970. Mellot, Jean-Dominique, "Rouen au XVIIe siècle". Histoire des bibliothèques françaises, II, Les Bibliothèques sous l'Ancien Régime, 1530-1789. Paris : Promodis, 1988, p. 456-465. Mellot, Jean-Dominique, "Au cœur de la vie (érudite) du livre : Émery Bigot (1626-1689) et la Bibliotheca Bigotiana", Sources-Travaux historiques, n° spécial "Les usages des bibliothèques", n°41-42, 1997, p. 65-78. Bléchet, Françoise, " Glanes bibliographiques sur quelques grandes ventes publiques : la politique d’acquisition de la Bibliothèque du roi". Les ventes de livres et leurs catalogues, XVIIe-XXe siècle, Paris : École des chartes, 2000, p. 77-98, particulièrement p. 80-81.
En décembre 1662, alors que la reine Christine de Suède le presse de lui vendre sa collection de manuscrits, le comte de Béthune Hippolyte (1603-1665) offre à Louis XIV cet ensemble de 1923 volumes, réunis au cours de sa très longue vie par son père Philippe (1561-1649), dont le frère était Maximilien de Béthune, plus connu sous le nom de duc de Sully, puis par lui-même. Tous les manuscrits étaient reliés dans de superbes reliures de maroquin rouge aux armes et chiffre PP de Philippe, dont la solidité a défié le temps. La plus grande partie de la collection Béthune est constituée de lettres originales. On y trouve la correspondance diplomatique et les documents historiques ou politiques amassés par Philippe de Béthune au cours de ses différentes missions, voyages ou ambassades, auxquels ils a ajouté des recueils de même nature provenant d’autres sources, ainsi qu’une magnifique collection de lettres originales. Ces lettres signées des noms les plus divers et marquant les grands événements de l’histoire de France, de Louis XI à la mort de Louis XIII, ont été puisées dans les archives familiales de la famille de Béthune mais aussi dans celles des maisons de Nevers et de Montmorency et d’autres familles dont les comtes de Béthune ont ainsi sauvé les chartriers parfois menacés de disparition par l’incurie de leurs possesseurs. L’abbé Michel de Marolles a joué un rôle, mal reconnu à ses yeux, dans la création de la collection Béthune Philippe et Hippolyte de Béthune s’intéressaient aussi aux manuscrits médiévaux dont ils se sont procuré de nombreux exemplaires en latin et en français : textes provenant de l’abbaye de Beaupré au diocèse de Beauvais, livres d’heures richement enluminés, exemplaires royaux, dépouilles de collections seigneuriales très variées étaient regroupés en quatre séries, "Livres de théologie", "Histoires mêlées et autres matières", "Romans et vers anciens", "Livres à miniatures", dont les cinq cents numéros constituaient un tiers de la bibliothèque, et sa partie la plus luxueuse. Bien que la collection Béthune compte aujourd’hui 1931 manuscrits, le catalogue rédigé par Nicolas Clément à l’arrivée de la collection à la Bibliothèque royale ne compte que 1567 numéros : les manuscrits latins n’y figurent pas tous. Quelques volumes ont disparu et d’autres qui pour des raisons diverses ont échappé à la donation, sont entrés à la Bibliothèque nationale par la suite, ou se trouvent aujourd’hui dans d’autres institutions. Quelques imprimés provenant de la collection Béthune sont aussi entrés à la Bibliothèque royale.
Delisle, Léopold. Le Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque impériale…, t. I, Paris, 1868, p. 266-269 Omont, Henri. Anciens inventaires et catalogues de la Bibliothèque nationale, t. IV, Paris, 1912, p. 212-245. [Ne publie qu’une partie de l’inventaire de Nicolas Clément] Paravicini, Werner. Die Nationalbibliothek in Paris... München-New York-Paris : 1981, p. 52. Solente, Suzanne. Les Manuscrits des Béthune à la Bibliothèque nationale [ouvrage manuscrit avec concordances des cotes actuelles, dont une dactylographie est disponible dans la salle de lecture de la division occidentale du département des Manuscrits (Bureau 86)]
Léopold Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque impériale [nationale] : étude sur la formation de ce dépôt, comprenant les éléments d’une histoire de la calligraphie, de la miniature, de la reliure et du commerce des livres à Paris avant l’invention de l’imprimerie, 1868-1881, t. I, p. 266-269. - Henri Omont, Anciens inventaires et catalogues de la Bibliothèque nationale, Paris : E. Leroux, 1908-1921, t. IV, p. 212-245. - Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 52. - Solente, S. Les mss des Béthune à la BN [copie dactyl. à consulter au Dépt des Manuscrits]
Don par Madame Paul Bazin de la bibliothèque de Maurice Barrès (1862-1923) et de son fils Philippe (1896-1975)