Auteur dramatique, romancier et journaliste, Louis-Sébastien Mercier (1740-1814) fut membre de l'Académie des sciences morales et politiques (élu en 1795), député de Seine-et-Oise à la Convention puis au Conseil des Cinq-Cents, membre de la loge des Neuf soeurs.
Charles Nodier, bibliothécaire et bibliophile Le 3 janvier 1824, Charles Nodier, homme de lettres reconnu -il a déjà publié Stella ou les proscrits, Jean Sbogar, Thérèse Aubert, Smarra ou les démons de la nuit... mais qui peine à vivre de sa plume, obtient, en remplacement de l’abbé Grosier, le poste de « bibliothécaire en chef de Monsieur », frère du Roi et futur Charles X. Cette charge assortie d’un logement est plutôt honorifique : Nodier est contraint de partager ses fonctions avec Antoine-Jean Saint-Martin, alors conservateur administrateur. Bien qu’ayant déjà exercé de telles fonctions à Besançon, sa ville natale, et en Illyrie, Nodier s’implique assez peu dans la gestion de la bibliothèque et des ses collections.
Les richesses de la Bibliothèque de l’Arsenal lui permettent cependant d’assouvir la passion sans borne qui l’anime. Ses goûts le portent tant vers les érudits de la Renaissance que vers les raretés bibliographiques, « petits rogatons » ou « curiosités infimes » auxquels il confère, par ses célèbres notices, un statut bibliophilique. S’inspirant des Mélanges tirés d’une grande bibliothèque de Paulmy (1779-1788), il publie par exemple les Mélanges tirés d’une petite bibliothèque (1829). La réhabilitation de ces textes passe surtout par la reliure, dont Nodier est un fervent défenseur : parmi les nombreux relieurs de son temps, ses préférences iront à Joseph Thouvenin. Chaque matin, Nodier reçoit à l’Arsenal ses amis bibliophiles : Paul Lacroix, Gabriel Peignot, Pixérécourt, ou encore le libraire Techener, avec qui il fonde en 1834, le célèbre Bulletin du Bibliophile.
Le cénacle romantique de l’Arsenal Charles Nodier, de la même façon qu’il continue d’enrichir sa collection personnelle en étant à l’Arsenal, poursuit son œuvre d’homme de lettres. Depuis l’Arsenal, il publie notamment l’Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux, La Seine et ses bords, Journal de l'expédition des Portes de Fer, ou encore Franciscus Columna. Il travaille également, avec Taylor, Cailleux et Blanchard, aux célèbres Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France. Il entre d’ailleurs à l’Académie en 1833.
Mais ce qui fait la renommée de Nodier, et avec lui, de l’Arsenal, c’est bien sûr son célèbre salon, réunissant toute la première génération romantique. De 1824 à 1830, artistes et écrivains se retrouvent chaque dimanche pour assister à une lecture poétique ou une discussion littéraire, avant que Marie, fille de leur hôte et muse de cette belle société, ne retrouve son piano, invitant joueurs et danseurs à poursuivre la soirée. Ce ce salon a notamment accueilli Hugo, Lamartine, Balzac, Janin, Vigny, Nerval, Gautier, Delacroix, David d’Angers, Liszt et plusieurs saint-simoniens. Alexandre Dumas, également présent, a écrit à son sujet : « Ces soirées de l’Arsenal, c’était quelque chose de charmant, quelque chose qu’aucune plume ne rendra jamais » (La femme au collier de velours, A.Cadot, 1850)
La collection Charles Nodier à l'Arsenal Lorsque Charles Nodier disparaît, en 1844, sa collection est mise en vente (deux ventes avaient déjà eu lieu de son vivant). Si le « bibliothécaire de Monsieur » n’a fait don ni de ses éditions ni de ses propres œuvres à la bibliothèque de l’Arsenal, un fonds assez important a depuis été constitué, grâce à plusieurs dons (Don Montarby, Bryan) ou acquisitions, qui continue de s’enrichir. L’Arsenal possède aujourd’hui plusieurs manuscrits autographes, une importante correspondance, la plupart des éditions des œuvres de l’auteur et des ouvrages critiques le concernant, mais également bon nombre d’exemplaires provenant de sa propre collection.
Valentin Conrart, 1er secrétaire de l’Académie française, « éminence grise et pivot de toute entreprise littéraire », participait à tous les cercles de la préciosité, distribuant les privilèges d’imprimerie comme secrétaire du roi et éditant les œuvres de ses amis. Au cœur des cercles littéraires réunissant Godeau, Balzac, Chapelain, Montausier, il entretenait de vastes correspondances avec Tallemant des Réaux, Muisson, La Sablière. S’il publia peu, il écrivit, copia et fit beaucoup copier. La correspondance de ses contemporains témoigne de son habitude de conserver ou copier tous les documents qu’il jugeait intéressants. La pratique était alors des plus courantes. Les recueils qu’il constitua au fil des années sont ainsi composés de lettres autographes et de copies sur les milieux littéraires au XVIIe siècle, mais aussi sur l’histoire du protestantisme et l’histoire politique du XVIIe siècle. On trouve notamment des lettres autographes de Mlle de Scudéry, Godeau, Balzac, La Fontaine et une copie de la fameuse « Journée des Madrigaux » tirée des Chroniques du samedi de Pellisson.
A la mort de Valentin Conrart, ces recueils ont été vendus par les héritiers à l’abbé Bignon. Celui-ci vendit sa bibliothèque à Jean Law, qui la céda en 1723 au cardinal Dubois. Au milieu du XVIIIe siècle, l’homme d’affaire et bibliophile Simon Vanel de Milsonneau les acquit. C’est à ce dernier que le marquis de Paulmy les acheta lors de la vente officielle de sa bibliothèque en 1769.
Soyer, secrétaire du marquis de Paulmy disait des papiers Conrart : « Ce manuscrit et les suivants venant de la même source sont pleins de pièces rares et précieuses. Plusieurs auteurs ont travaillé dessus, en ont tiré plusieurs choses qu’ils ont fait imprimer ; mais il y en a encore beaucoup d’intactes qui pourroient servir aux personnes qui voudroient travailler sur notre histoire tant historique que littéraire. »
Ces recueils sont conservés dans le fonds des manuscrits de la Bibliothèque de l’Arsenal sous les cotes suivantes : ms 4106-4129, ms 5130-5132, ms 5410-5427, ms 2667, ms 3135, ms 8573-8574. Chacun contient une table très détaillée des pièces, réalisée par Milsonneau.
- H. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal : tome VIII, p. 190-201, 1899. - Nicolas Schapira, Un professionnel des lettres au XVIIe siècle : Valentin Conrart, une histoire sociale, Seyssel : Champ vallon, 2003.
La succession de Pierre Boulez a remis gracieusement à la Bibliothèque nationale de France un ensemble considérable d’archives du compositeur : 220 mètres linéaires de livres, 50 mètres d’archives et de correspondance, mais aussi des partitions, des photographies, disques et bandes magnétiques ainsi qu’une centaine d’objets. Dans le même temps, la Bibliothèque a acquis le manuscrit du premier chef-d’œuvre de Pierre Boulez, les Douze notations pour piano.
Le compositeur et chef d’orchestre Pierre Boulez (1925-2016) a profondément marqué la vie musicale, culturelle et institutionnelle de la seconde moitié du XXe siècle tant par la nouveauté de son langage musical que par ses talents d’interprète, de pédagogue, de théoricien et de polémiste mais aussi par son implication institutionnelle : il est à l’origine, notamment, de la création du Domaine musical, de l’IRCAM et de l’Ensemble Intercontemporain. De son vivant, Pierre Boulez a cédé ses manuscrits musicaux et littéraires à la Fondation Paul Sacher tandis que la Bibliothèque nationale de France s’enrichissait, par acquisition et par don du mécène, critique musical et organisateur de concerts Pierre Souvtchinsky, d’ensembles de correspondance et surtout d’une importante série de manuscrits d’œuvres de jeunesse du compositeur : Psalmodie, la Première sonate pour piano, la Sonatine pour flûte et piano, Visage nuptial, Structures. À la suite du décès de Pierre Boulez, sa succession a décidé de remettre gracieusement à la BnF toutes les archives du compositeur qui n’étaient pas couvertes par son contrat avec la Fondation Paul Sacher : bibliothèque, partitions, correspondance, archives, objets, photographies, manuscrits d’autres compositeurs... Par ailleurs, lors de la vente organisée par Christie’s France le 28 novembre dernier, la BnF a acquis le manuscrit du premier chef-d’œuvre de Pierre Boulez, les Douze notations pour piano. Écrites par le compositeur alors qu’il n’avait que 20 ans et qu’il était encore l’élève d’Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris, les Douze Notations sont influencées par l’enseignement de René Leibowitz, qui initia Pierre Boulez à la technique dodécaphonique. Il s’agit, en effet d’une série de douze variations construites autour d’une même série de douze sons, traitée en permutation circulaire. L’œuvre fut créée le 12 février 1946 aux Concerts du Triptyque par la pianiste Yvette Grimaud.
Riche de 429 cotes, le fonds mexicain est fondé pour sa majeure partie sur la collection qu'Eugène Goupil, « né au Mexique, de père français et de mère mexicaine descendante des Aztèques en ligne directe », avait acquise en 1889 à Paris de Joseph-Marie Aubin dans « l'intention de la léguer à la Bibliothèque Nationale ». Dès 1891, il en avait fait publier le catalogue établi par Eugène Boban où l'on trouvera détaillée l'histoire de la collection réunie par Joseph-Marie Aubin au Mexique entre 1830 et 1840. Lorsque la veuve d'Eugène Goupil exécuta sa volonté et offrit cette extraordinaire collection à la Bibliothèque en 1898, le fonds mexicain ne comptait que 17 numéros pour 16 volumes. Cet « Ancien Fonds », dont le premier manuscrit, le Codex Telleriano-Remensis avait été donné à la Bibliothèque du roi en 1700 par Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de Reims, fut recoté à la suite de la collection Goupil ; il occupe désormais les numéros 385 à 400 du fonds mexicain. Les manuscrits entrés ultérieurement proviennent presque tous du comte de Charencey (nos 403 à 426) ; beaucoup avaient fait partie de la collection de l'abbé Brasseur de Bourbourg puis de celle d'Alphonse Pinart. Il est à noter que les manuscrits que la Bibliothèque acquit à la vente Pinart en 1884 ont été intégrés au fonds américain (nos 38 à 71 et 73) ; ceux, de même origine, donnés par le comte de Charencey ont été adjoints au fonds mexicain, à l'exception de trois, cotés américain 75 à 77. Il s'agit d'un fonds « composite », comportant des manuscrits pictographiques originaux (70 environ), avec leurs copies anciennes, de première importance, dues à Don Antonio de Léon y Gama ou au père José Pichardo, quelques fac-similés, des notes ou études sur les manuscrits, mais aussi des cartes et des descriptions géographiques, ainsi que des textes historiques. Les langues nahuatl, otomi, maya voisinent avec l'espagnol ou le français, parfois sur le même document riche de gloses et de commentaires successifs.
« Fonds étrangers. Dialectes américains ». ["Fonds mexicain", 17 numéros. Non folioté. Il est actuellement conservé dans le fonds des manuscrits mexicains, sous la cote Mexicain 429].
Notice rédigée par Monique Cohen et Laurent Héricher, Bibliothèque nationale de France. Disponible en ligne, url : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc4472q.