Duret, Théodore
Théodore Duret acquit ses premiers livres japonais au cours d'un voyage fait avec M. Cernuschi en 1871-1876. L'un et l'autre étant partis sans idées préconçues commencèrent à regarder les petits bronzes japonais et Cernuschi eut l'idée d'exploiter cette mine. Sa collection est maintenant le musée du parc Monceau. Pendant qu'il cherchait les bronzes, Théodore Duret, qui s'était souvenu de petites gravures et albums appartenant à Philippe Burty aperçus à l'Exposition universelle de 1867, s'était mis en quête de ce type de documents qu'il eut beaucoup de mal à trouver. En effet, tout l'art ancien de la gravure était occulté, et les vieux livres, vieilles estampes ne faisaient l'objet d'aucun commerce régulier. Trois ans plus tard, le nombre de collectionneurs japonisants s'était beaucoup accru. Gonse avait publié son ouvrage sur l'art japonais, Bing et Hayashi avaient établi au Japon des représentants qui recherchaient systématiquement les objets d'art de toutes sortes pour les expédier en Europe. Ils allèrent chez les artistes et les acteurs qui en détenaient et ils leur en offraient des prix dépassant tout ce que les Japonais pouvaient espérer. C'est en voyant s'élargir le cercle de ses fervents que l'art japonais prit conscience de lui-même, et ce n'est pas le moindre mérite de Théodore Duret que d'avoir contribué à cette reconnaissance.
Marque de collection : un fleuron
Lugt, Frits. Les Marques de collections de dessins et d’estampes… Amsterdam, 1921, n° 2845.http://www.marquesdecollections.fr/detail.cfm/marque/10120/total/1 Bibliothèque nationale. Département des Estampes. Livres et albums illustrés du Japon réunis et catalogués par Théodore Duret. Paris : E. Leroux. 1900 Dictionnaire de biographie française, t. 12, 1970 Lambert, Gisèle. « Le Fonds japonais ancien du Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Nationale: historique et composition ». Nouvelles de l’Estampe, janv./févr. 1984, n° 73, p. 15-27. [Cet article donne également le nom de nombreux collectionneurs dont le Cabinet a acquis des pièces japonaises, à titre gratuit ou onéreux] Laure Beaumont-Maillet, « Les collectionneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n° 132.
Laure Beaumont-Maillet, « Les collectionneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n° 132, p. 5-27. N° 28 Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Est. 4
Livres imprimés des frères Dupuy
Le legs de Jacques Dupuy permit un accroissement sans précédent du fonds des livres imprimés de la Bibliothèque du Roi : le catalogue que les frères Dupuy en avaient établi en prenant leurs fonctions de gardes en 1645 en recensait moins de 1500, tandis que douze ans plus tard l’arrivée de leur propre bibliothèque en apportait tout à coup plus de 9000. Une telle multiplication permettait enfin à la Bibliothèque royale d’accéder au nombre des grandes bibliothèques européennes de livres imprimés et de compter parmi celles qui s’illustraient, entre autres choses, par la modernité de leur fonds : car les frères Dupuy ont toujours porté une attention particulière au mouvement scientifique et philosophique de leur temps ainsi qu’aux questions politiques, et leur bibliothèque reflète à cet égard, tant par l’achat de livres nouveaux que par la constitution de recueils sur les affaires du temps, les intérêts et curiosités qu’atteste par ailleurs leur très abondante correspondance. Depuis 1998, les livres imprimés des frères Dupuy se trouvent en presque totalité à la Réserve des livres rares, mais ils y sont dispersés parmi toutes les cotes de l’ancien « lettrage » de la bibliothèque : c’est la rançon du caractère encyclopédique de cette collection. Seul le catalogue manuscrit que Jacques Dupuy avait lui-même dressé permet donc d’obtenir une image globale et synthétique de la bibliothèque Dupuy. Il est aujourd’hui conservé au département des Manuscrits sous les cotes Lat. 10372 et Lat. 10373. Les volumes provenant de la bibliothèque paternelle de Claude Dupuy sont aisément identifiables par l’ex-libris que celui-ci avait l’habitude d’inscrire sur la page de titre de ses livres. Ils ont été généralement conservés dans leur condition du XVIe siècle, reliés soit dans une peau de vélin d’une très grande finesse, souvent sobrement ornée d’un décor doré fait d’un unique médaillon central, soit en simple parchemin, sans aucun décor. Quant aux volumes que les frères Dupuy ont fait eux-mêmes relier, ils sont identifiables pour un grand nombre d’entre eux par leurs marques héraldiques et emblématiques, répertoriées par le Manuel de l’amateur de reliures armoriées françaises d’Olivier, Hermal et Roton (pl. 60) : écu héraldique à la bande chargée de trois besants et monogramme en forme d’étoile à six branches dessinée par l’entrecroisement de deux delta majuscules disposés tête-bêche, à la fois version hellénisée de l’initiale du patronyme des deux frères et figuration du sceau de Salomon, en symbole d’universalité. Les livres frappés de l’une de ces marques ou des deux à la fois (trois cas de figure se présentent : monogramme uniquement au centre des plats ; monogramme au centre des plats et au dos ; armes sur les plats et monogramme au dos) sont reliés soit en maroquin rouge, soit en veau blond ou brun, soit en vélin rigide conservé dans sa teinte naturelle ou plus rarement teint en vert. Ces différentes conditions répondent à des règles assez strictes : les livres en maroquin rouge ont des tranches dorées, les livres en veau blond et en veau brun des tranches rouges (avec quelques cas de livres en veau brun présentant des tranches jaspées), les livres en vélin naturel et en vélin vert des tranches également rouges. Mais il faut encore ajouter à ces volumes un grand nombre de livres qui ne portent aucune marque de possession explicite : ils sont reliés en parchemin rigide, avec des tranches rouges, et leur provenance n’est décelable qu’à la mention manuscrite du contenu du volume inscrite sur le dos, dans laquelle on reconnaît la main de Jacques Dupuy.
Léopold Delisle, Le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque impériale [nationale] : étude sur la formation de ce dépôt, comprenant les éléments d’une histoire de la calligraphie, de la miniature, de la reliure et du commerce des livres à Paris avant l’invention de l’imprimerie, 1868-1881, t. I, p. 364-376. Henri Omont, Concordances des numéros anciens et des numéros actuels des manuscrits latins de la Bibliothèque nationale, précédées d’une notice sur les anciens catalogues, Paris : E. Leroux, 1903, p. 38-42. - Delatour, J. Les livres de Claude Dupuy : d’après l’inventaire dressé par le libraire Denis Duval, 1595 : une bibliothèque humaniste au temps des guerres de religion. Paris : École des Chartes, 1998. XVII-344 p. (Mémoires et documents de l’École des Chartes ; 53)
Dupuy (Pierre et Jacques)
La bibliothèque des frères Dupuy, absorbée en 1657 par la Bibliothèque royale, est l’un des principaux noyaux historiques des collections de la Bibliothèque nationale de France, et notamment de son fonds de livres imprimés. Fils de l’humaniste Claude Dupuy (1545-1594), Pierre Dupuy (Agen, 1582 – Paris, 1651) et son frère Jacques (Tours, 1591 – Paris, 1656) assumèrent l’héritage d’une tradition humaniste et érudite qu’ils poursuivirent en faisant de leur cabinet parisien l’un des centres de la République des lettres dans la première moitié du XVIIe siècle et de leur bibliothèque l’une des plus célèbres et des plus nombreuses collections de livres dans l’Europe de leur temps. Leur bibliothèque était encyclopédique au sens où l’entendait la tradition humaniste : embrassant l’ensemble des arts et des sciences, mais dans les limites d’une visée savante qui excluait de son champ la fiction littéraire en langue vulgaire. Elle répondait ainsi à un modèle de savoir et poursuivait un modèle de bibliothèque familiers aux grandes familles de Robe de la fin du XVIe siècle et exemplairement représentés par la très importante bibliothèque de Jacques-Auguste de Thou (1553-1617), à l’enrichissement de laquelle Claude puis Pierre Dupuy contribuèrent chacun en qualité de conseiller. Pierre et Jacques Dupuy furent d’ailleurs chargés, à la mort de Jacques-Auguste de Thou, de la gestion posthume de sa bibliothèque et s’établirent dans l’hôtel de Thou, rue des Poitevins. Ils ne le quittèrent qu’en 1645, lorsque, en devenant gardes de la Bibliothèque du Roi (Pierre exerçant la charge en titre et Jacques en obtenant la survivance), ils rejoignirent celle-ci, installée au couvent des Cordeliers. C’est donc parallèlement à la gestion de la bibliothèque De Thou puis de la Bibliothèque du Roi que les frères Dupuy développèrent leur propre bibliothèque. Le noyau initial en était formé par celle de leur père, remarquable connaisseur de livres rares et de manuscrits précieux : celle-ci comptait à sa mort 136 manuscrits médiévaux – dont certains particulièrement renommés par leur ancienneté et leur intérêt philologique – et près de 2000 livres imprimés. Par une quête incessante et en mobilisant le vaste réseau de leurs correspondants à travers l’Europe entière, Pierre et Jacques Dupuy n’eurent de cesse d’accroître le nombre de ces volumes, auxquels vinrent s’ajouter encore les bibliothèques de leurs deux frères décédés avant eux, Christophe et Augustin. Aussi, à la mort de Jacques en novembre 1656, l’ensemble ainsi constitué comptait-il plus de 9000 livres imprimés et un grand nombre de manuscrits, répartis en deux ensembles : d’une part plus de 300 manuscrits du Moyen Âge et du XVIe siècle, d’autre part plus de 800 recueils de mémoires, ensemble documentaire considérable formé tant de pièces originales que de copies sur des matières juridiques, littéraires et historiques. En 1652, devenu par la mort de Pierre survenue l’année précédente l’unique héritier de la bibliothèque, Jacques Dupuy décida de léguer celle-ci au roi afin d’en éviter la dispersion. Seuls échappaient à cette disposition testamentaire les recueils de mémoires, légués à Jacques-Auguste II de Thou, dernier des fils de Jacques-Auguste de Thou. C’est donc amputée de sa partie documentaire que la bibliothèque des frères Dupuy rejoignit la bibliothèque royale après que le roi eut accepté le legs, en 1657. Il fallut attendre le XVIIIe siècle pour que les recueils de mémoires suivent le même chemin, par des voies détournées et non sans qu’entre temps quelques volumes n’aient été perdus. La collection de Jacques-Auguste II de Thou fut en effet vendue d’abord en 1680, peu après sa mort, au président Charron de Ménars, puis en 1720 les héritières de ce dernier la vendirent au procureur Joly de Fleury, qui à son tour la vendit à la Bibliothèque du Roi en 1754. C’est cet ensemble qui forme l’actuelle collection Dupuy au département des Manuscrits.
Simone Balayé, La Bibliothèque nationale des origines à 1800, Paris, 1988, p. 64-68. Jérôme Delatour, « Dupuy, Pierre et Jacques », dans Dictionnaire encyclopédique du livre, sous la dir. de Pascal Fouché, Daniel Péchoin et Philippe Schuwer, t. I, Paris, 2002, p. 837-838. Jérôme Delatour, Les Livres de Claude Dupuy d’après l’inventaire dressé par le libraire Denis Duval, 1595 : une bibliothèque humaniste au temps des guerres de religion, Villeurbanne, Paris, 1998. Léopold Delisle, Le Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque impériale, t. I, Paris, 1868, p. 261-264, 422-424.
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Mss 144-145
Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 61
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Mss 143