Alfred Péreire (1879-novembre 1957) était le petit-fils du banquier et homme d’affaires Isaac Péreire. Journaliste, mais surtout humaniste et dilettante, selon ses propres termes, il s’intéressa tout particulièrement aux bibliothèques et aux livres rares. A l’origine de la fondation de la Société des amis de la Bibliothèque nationale et des grandes bibliothèques de France en 1913, il en fut le secrétaire. Il entreprit l’établissement de la bibliographie de Ronsard, mais ses travaux furent interrompus en 1940. Il collectionnait lui-même les livres anciens : une partie de sa collection fit l’objet d’une vente en juillet 1937. La Bibliothèque acquit ultérieurement certains de ces volumes qui portent son ex-libris. Le reste de sa bibliothèque fut pillé en 1942. Alfred Péreire tenait de son grand-père un fonds de livres et d’archives saint-simoniens, constitué par Henri Fournel. Henri Fournel (1799-1876), polytechnicien et ingénieur des mines, directeur du Creusot en 1830, avait appartenu au groupe saint-simonien de 1828 à 1834 ; il avait alors rassemblé une importante collection de textes saint-simoniens, manuscrits et imprimés, qui lui avait permis de publier en 1833 une Bibliographie saint-simonienne. Après sa mort, ce fonds fut remis à Isaac Péreire. Alfred Péreire offrit cette collection à la Bibliothèque nationale en 1940. Les papiers saint-simoniens sont conservés en 10 volumes au département des Manuscrits (NAF 24605-24614). Les textes imprimés (Don 216170) entrèrent au Département des Imprimés sous les cotes Fol. Z. 1341-1346, 4° Z. 3512-3532 et 8° Z. 8025-8148 (maintenant transférés à la Réserve des livres rares). La Réserve des livres rares reçut l’exemplaire personnel de Fournel de sa Bibliographie saint-simonienne, truffé d’additions manuscrites (Rés. p. Z. 1217) et un volume de 28 pièces, brochures, circulaires et factums saint-simoniens (Réserve des livres rares. m. Z. 187). Un dernier don Péreire fut remis à la Bibliothèque nationale en 1967 : il comprenait 208 ouvrages du XIXe et du XXe siècle concernant l’histoire, l’économie, le commerce et le saint-simonisme et fut dispersé dans les collections.
Pellerin, Joseph
Joseph Pellerin (1684-1782) manifesta dès le collège de Navarre où il était boursier, un grand talent pour les langues, qui détermina et sa vie professionnelle et ses travaux érudits. Entré en 1706 au ministère de la Marine, il y fit toute sa carrière sous Pontchartrain, Maurepas puis Machault. Il y eut toutes les occasions d’amasser une considérable collection de monnaies antiques venues de tous les points du Levant, qu’il entreprit d’étudier puis de publier une fois retiré des affaires en 1745. Neuf volumes parurent de 1762 à 1770. Le petit-fils à qui il destinait sa collection mourut en duel. Il se Réserve des livres raresigna alors à la mettre en vente en mars 1776. Il en demandait la somme considérable de 300 000 livres. L’abbé Barthélemy, alors garde du Cabinet, eut cependant d’autant moins de mal à en obtenir l’achat qu’un remaniement ministériel, en mai 1776, mit au contrôle des finances un partisan de Choiseul, son protecteur. Les difficultés vinrent de fait du vieux collectionneur, qui regrettait déjà sa décision.
Le transfert de la collection, en août 1776, donna lieu à la rédaction d’un procès verbal contresigné des trois commissaires nommés par le ministre : Barthélemy lui-même, son neveu l’abbé de Courçay, et l’abbé Leblond, ami de Pellerin.
Le mémoire fourni par Pellerin à Maurepas, ministre d’État, « État général du nombre des médaillles antiques du Cabinet de Mr Pellerin », qui servit de base au récolement et au transfert, détaille la collection, partagée en onze « suites » (huit de « médailles impériales », une de « médailles consulaires », une de « médailles de rois », une de « médailles de villes »), pour un total de 32 499 monnaies. Les classifications ayant changé depuis le XVIIIe siècle, les différents récapitulatifs par métaux et par « suites » ne sont pas immédiatement parlants, et il faudrait un nouvel inventaire pour évaluer exactement la part de cette énorme collection dans les fonds des MMA (beaucoup de monnaies ont dû servir à des échanges, comme le prévoyait explicitement Barthélemy). Cette acquisition n’en reste pas moins la plus coûteuse, mais aussi la plus importante jamais faite par le Cabinet des médailles.
De cette date à sa mort, Pellerin continua de collectionner les monnaies antiques et en publia les fleurons dans un 10e volume, Additions, en 1778. Ses héritiers les négocièrent avec le Cabinet du roi, et surtout, acceptèrent de lui vendre deux splendides médailliers dont le collectionneur avait refusé de se défaire en 1776.
Pellerin a lui-même publié l’essentiel de sa collection de monnaies grecques et impériales dans une suite de dix ouvrages parus de 1762 à 1778. 1. [Joseph Pellerin], Recueil de médailles de rois[…], Paris, 1762, iv-220 p. et 22 pl. 2. [Id.], Recueil de médailles de peuples et de villes […], tome premier ; contenant les médailles d’Europe, Paris, 1763, xxij-209 p. et 37 pl. 3. [Id.], Recueil de médailles de peuples et de villes […], tome second ; contenant les médailles d’Asie, Paris, 1763, xvij-[3]-257 p. et pl. XXXVIII-LXXXV. 4. [Id.], Recueil de médailles de peuples et de villes […], tome troisieme ; contenant les médailles d’Afrique ; des Isles ; Médailles incertaines ; Phœniciennes ; Puniques ; en caracteres inconnus ; avec un supplément, Paris, 1763, liv-[2]-288 p. et pl. LXXXVI-CXXXVI. 5. [Id.], Mélanges de diverses médailles […], tome premier. I, Médailles détachées. II, Médailles Impériales en or, en argent & en bronze. III, Médailles de Colonies […],Paris, 1765, [iv]-356 p. et pl. I-XXIV. 6. [Id.], Mélanges de diverses médailles […], tome second. I Médailles Impériales grecques […],Paris, 1765, [iv]-376 p. et pl. XXV-XXII. 7. [Id.], Supplément aux six volumes de recueils […], avec des Corrections […], Paris, 1765, xij-70 p. et pl. I-II. [suivi de :] Second Supplément aux six volumes de recueils […], Paris, 1766, viij-200 p. et pl. I-X. 8. [Id.], Troisième Supplément aux six volumes de recueils […], Paris, 1767, vij-136 p. et pl. I-VI. [suivi de :] Quatrième et dernier Supplément aux six volumes de recueils […], Paris, 1767, viij-136 p. et pl. I-III. 9. [Id.], Lettres de l’auteur des recueils […], Francfort, 1770, 219 p. (2 lettres) et 7 pl. (III + IV). 10. [Id.], Additions aux neuf volumes de recueils […] ; avec des Remarques sur quelques Médailles déjà publiées, La Haye, 1778, [6]-xij-[2]-108 p. Le Cabinet des médailles conserve sous la cote Rés. 11009 PEL 4°, les propres exemplaires de l’auteur portant ses annotations dictées à un secrétaire — le vieillard était aveugle —, offerts à Barthélemy à la fin de la négociation. « Je l’avais déjà [cet ouvrage] ; mais ce nouvel exemplaire était chargé de notes manuscrites, la plupart contre moi : c’était un pot de vin d’un nouveau genre. » (J.-J. Barthélemy, Mémoire sur le Cabinet des médailles, 1793).
Sur la transaction de 1776, voir le recueil constitué des pièces manuscrites la concernant (Rés. ms 10009 PEL 1 F°)
Sur l’homme et sa collection : Dominique Gerin, « Le portrait de Joseph Pellerin (1684-1782)», Revue de la Bibliothèque nationale de France 1994, n° 3 (automne), p. 5-11. — Thierry Sarmant, Le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, 1661-1848, Genève-Paris, 1994, en part. p. 136-139 ; passim. — Thierry Sarmant, La République des médailles. Numismates et collections numismatiques à Paris du Grand siècle au Siècle des Lumières, Paris, 2003, en part. p. 211-222.
Sur les médailliers : Trafic d’influences : meubles de laque et goût extrême-oriental au XVIIe et XVIIIe siècles [Exposition. Cabinet des médailles, 28 juin-12 novembre 1989], Paris, 1989.
Pellechet (Marie) [Réserve des livres rares, MSS]
Marie Pellechet (1840-1900), issue d’une famille aisée, connut une existence à la fois bourgeoise et traditionnelle (dévote, anti-dreyfusarde) et pionnière voire féministe dans plusieurs domaines (incunabuliste, photographe). Venue un peu par hasard aux joies et aux rigueurs de la bibliographie – pour aider un prêtre avec qui elle correspondait –, elle rédigea d’abord les Notes sur les livres liturgiques des diocèses d’Autun, Chalon et Mâcon (1883) qui établirent sa réputation. Elle conçut ensuite puis porta à bout de bras l’ambitieux projet du Catalogue général des incunables des bibliothèques publiques de France, qui fut même imprimé à ses frais, projet qui la mit au rang des meilleurs incunabulistes de son temps aux côtés de Robert Proctor ou de Konrad Haebler. Grâce à l’appui, parfois ambigu, de conservateurs de la Bibliothèque nationale comme Léopold Delisle ou Henri Omont, son plan – révolutionnaire pour l’époque – de catalogue collectif français des incunables fut approuvé par le ministère de l’Instruction publique en 1888. Le dépouillement des grandes bibliothèques parisiennes et provinciales, au prix de nombreux voyages, l’aide qu’elle trouva en se formant elle-même à la photographie, aboutirent à la parution du premier volume (1897), qui épuisa ses forces. La poursuite du catalogue par l’élève qu’elle s’était choisi, Marie-Louis Polain, permit encore la publication de deux volumes du Catalogue général des incunables (1905 et 1909), jusqu’à « Gregorius Magnus ».
Le manuscrit du catalogue, les fiches et les divers matériaux accumulés passèrent logiquement à M.-L. Polain, qui les augmenta considérablement, puis à sa mort (1933) les légua à Eugénie Droz, libraire suisse établie à Paris. En 1941, cette dernière parvint à ne pas communiquer ces manuscrits aux Allemands du Gesamtkatalog der Wiegendrucke, prétextant en faire établir une refonte succinte par Jacques Mégret, qui ne fut pas achevée. En 1947, E. Droz vendit une grande partie de la documentation au libraire new-yorkais H. P. Kraus qui en fit don en 1950 à la Bibliothèque nationale, tandis que d’autres documents furent directement donnés par E. Droz et que des photographies furent acquises auprès du libraire Picard. L’inventaire de ces papiers, répartis entre la Réserve des livres rares et les Manuscrits, a été publié par Ursula Baurmeister dans le Bulletin du bibliophile, 2004, p. 132-147.
De son vivant, Marie Pellechet fut généreuse avec les bibliothèques, multipliant les dons discrets (une trentaine d’incunables à la Bibliothèque nationale, d’autres à l’Arsenal, Sainte-Geneviève, Toulouse, le Musée Dobrée de Nantes), parfois en argent. Si sa bibliothèque personnelle fut léguée à Montpellier et ses appareils photographiques au Conservatoire national des Arts et Métiers, sa sœur, Catherine Pellechet († 1916), donna également quelques incunables à la Bibliothèque nationale.
Marie Pellechet, Catalogue général des incunables des bibliothèques publiques de France, reprint, t. 1, Nendeln, 1970 (introduction écrite pour la réimpression par Frederick R. Goff) ; Ursula Baurmeister, Lotte Hellinga, Hélène Richard, « Autour de Marie Pellechet », Bulletin du bibliophile, 2004, p. 89-164.
Le fonds Péladan
Joseph Péladan, dit Joséphin est né à Lyon le 28 mars 1859, et mort à Neuilly-sur-Seine, le 27 juin 1918. C’est une figure très repRéserve des livres raresentative de l'époque symboliste, à travers le courant néo-catholique et mystique. Lié d’abord à. Stanislas de Guaïta, qui restaura en 1888 l'ordre câbbalistique des « Rose-Croix », Péladan finit par avoir des divergences de doctrine avec celui-ci et fonda en 1891 sa propre secte « l’association de l’ordre du temple de la Rose-croix » dont il est le « Sâr Mérodak »,. Il publie des tragédies et des drames, et de nombreux articles de critique d'art ou littéraire – réunis dans les volumes intitulés La Dernière Leçon de Léonard de Vinci (1904), De Parsifal à don Quichotte (1906) – ainsi qu’un vaste cycle romanesque – éthopée, comme il l'appelait – la Décadence latine, qui voulait montrer et condamner les mœurs modernes corrompues par le matérialisme. Sa seconde femme Christine Taylor donna ses papiers à la bibliothèque de l’Arsenal en 1936 : Manuscrits autographes de romans, essais, articles, ouvrages sur l’art, le théâtre, l’esthétique, les salons, critique dramatique, coupures de presses le concernant et sur ses activités romanesques, occultistes, théâtrales, esthétiques, ainsi que des portraits peints, sculptures, dont un buste en terre cuite par Zacharie Astruc, , une abondante iconographie , des photographies, et des livres imprimés. .Les papiers ont été entièrement catalogués sous les cotes Ms. 13070-13417, pages 13 à 46 du Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Tome L. - Paris : Bibliothèque nationale, 1954
R. L. Doyon, la Douloureuse Aventure de Péladan, Paris, 1946.– E. Dautinne, L’Œuvre et la pensée de Péladan, Bruxelles, 1948 E. Bertholet, La Pensée et les secrets du Sâr Joséphin .Péladan, 3 vol., Paris, 1955. Beaufils, Ch. Joséphin Péladan (1858-1918). Un essai sur une maladie du lyrisme, Grenoble, Jérôme Million, 1993.
« La Bibliothèque de l’Arsenal ». Arts et métiers du livre. 1997, n° 206, p. 53