Le fonds Morel-Fatio au département des MMA
Arnold Morel-Fatio est né à Rouen le 15 août 1813. La famille Morel, du canton de Vaud (Suisse) s’était alliée au XVIIIe s. avec la famille Fatio et avait conservé ce nom : les Morel-Fatio portaient les armes parties de Morel d'or à trois têtes de maures de sable, aux lèvres de gueules, boucles d'oreilles d'or et rubans d'argent, et de Fatio, d'argent, à trois fleurs (œillets, giroflées ?) de gueules, tigées et feuillées de sinople et avaient adopté la devise des Fatio : « Plus penser que dire ». Le père d’Arnold, François-Etienne-Louis, né à Sexbres (canton de Vaud) en 1785, a fait de très longs séjours en France. A son activité de banquier il ajoutait des postes diplomatiques : à la naissance d’Arnold il était ainsi banquier et consul de Sardaigne à Rouen. Il transféra ensuite ses activités à Paris. Il eut quatre fils, Arnold étant le second. Le frère aîné d’Arnold, Antoine Léon (1810-1871), se fit naturaliser français : peintre de marine, il devint conservateur du Musée de la Marine et du Musée ethnographique au Louvre, maire du 20e arrondissement de Paris et chevalier de la Légion d’Honneur. Son fils Louis sera conseiller référendaire à la Cour de Comptes. Un autre neveu d’Arnold, Alfred (1850-1924) sera secrétaire de l’Ecole des Chartes, conservateur du fonds des manuscrits espagnols à la Bibliothèque nationale et membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Un fonds Alfred Morel-Fatio de livres hispaniques est conservé à la Bibliothèque municipale de Versailles.
Arnold Morel-Fatio fit ses études à Paris, puis à Lausanne ; il entra dans la banque familiale à Paris en 1831, et en prit la direction en 1849. Il la dirigea jusqu’en 1859, et « se retira d’assez bonne heure pour se vouer principalement à son étude favorite, celle de la numismatique ». Il a vécu plus de trente ans en France, à Paris, 20 rue Basse du Rempart, détruite à partir de 1858, puis 10 rue de Clichy. Il acquit le domaine de Beauregard près de Lausanne, en 1863. Le 30 novembre 1864 il devient conservateur du Cabinet des médailles de Lausanne et le 15 novembre 1866 conservateur du Musée archéologique de Lausanne et inspecteur cantonal des musées et antiquités monumentales du pays de Vaud. Il fit de nombreux dons à ces musées : antiquités chypriotes, objets archéologiques provenant de sites lacustres suisses, monnaies de Lausanne… Il fit déposer à la Bibliothèque de Lausanne un Glossaire du patois du canton de Vaud, fichier de 40 000 notices. A partir de 1870 il Réserve des livres raresida en permanence en Suisse. Il fut secrétaire de la Société d’histoire de la Suisse romande ; il fut membre de la Société des antiquaires de France, depuis le 11 juillet 1860, et « membre de la plupart des sociétés numismatiques d’Europe ». Il a publié de nombreux articles (en particulier dans la Revue Numismatique) et plusieurs ouvrages entre 1848 et 1887 ; la plupart sont consacrés à la numismatique de la Suisse, mais plusieurs concernent la numismatique française (voir l’« appendice bibliographique » de la notice nécrologique d’E. Demole). « Tous témoignent d’une érudition solide, ainsi que d’une singulière sagacité et d’un tact de connaisseur très fin ». Arnold Morel-Fatio est mort le 10 août 1887.
De son vivant Arnold Morel-Fatio fit de nombreux dons au Cabinet des médailles de Paris « qui avait été pour lui une patrie » et auquel le liaient l’estime et l’amitié de Charles Lenormant et d’Anatole Chabouillet. Ces dons débutèrent dès avec une médaille de Francesco Laurana représentant Louis XI ; A. Chabouillet nous a conté l’histoire de ce don d’amitié. D’autres suivirent : en 1843 : une monnaie d’Alexandrie de l’empereur Maxime, un méreau et une monnaie prussienne commémorative ; en 1846 : « vingt menus objets antiques » ; en 1849 : un exemplaire des Numismata aurea imperatorum romanorum… du comte de Caylus ; en 1851 : une petite ciste de bronze ; en 1853 : deux monnaies de Java ; en 1866, le manuscrit inédit du conseiller à la Cour des Monnaies Cadot ; en 1868 : trois monnaies de Venise ; en 1883 : deux jetons , quatre méreaux et un essai unique en cuivre, uniface, d’un sequin de Dombes, qui restera inédit jusqu’en 2004, date à laquelle il fut attribué par M. Jean-Paul Divo à Gaston d’Orléans ; il faut y ajouter les dons réguliers de ses publications et ceux, occasionnels, de publications d’autres auteurs contemporains ; son dernier don a été enregistré le 2 juillet 1887, un mois avant sa mort. Il avait également cédé au Cabinet des médailles entre 1843 et 1886, « à des prix d’une incroyable modicité » des monnaies et objets d’importance variable, parfois fort humble, parfois considérable et d’une grande diversité : monnaies de toutes époques et toutes civilisations, antiquités égyptiennes, grecques, romaines, livres… Entre 1849 et 1851 plusieurs de ces acquisitions du Cabinet ont été faites par voie d’échanges ; mais ce mode de payement « en nature » fut rapidement abandonné. Il semble que pour certaines de ces acquisitions il agissait « par obligeance » (le terme figure dans les registres d’entrées) pour d’autres vendeurs : le comte de Turpin de Crissé, M. de San Quintino, M. Henri Morin, M. Jean Guille, ou comme bailleur de fonds pour le Cabinet pour des achats dans des grandes ventes : coll. Préaux (1850), coll. Garcia della Torre (1853), coll. Jessaint (1854), ou pour des achats de livres. Les dernières opérations, à partir de 1880, sont au nom d’un de ses gendres, M. Mayniel, maître des Requêtes au Conseil d’Etat, puis conseiller d’Etat. Parmi celles-ci la plus importante est l’acquisition du dyptique consulaire de Rufius Achilius Sividius (488) jadis conservé à Géronde, près de Sierre (Valais). C’est avec lui également que furent réglées, après la mort d’Arnold Morel-Fatio les conditions d’entrée dans les collections de la Bibliothèque nationale de ce qui constitue la partie « imprimés » du fonds Arnold Morel-Fatio. Le fonds Arnold Morel-Fatio stricto-sensu est constitué de deux ensembles : une série de deniers mérovingiens et une collection d’imprimés de France, d’Allemagne, d’Angleterre, d’Espagne, d’Italie, des Pays-Bas et de Suisse concernant la monnaie : livres de changeurs, placards et édits. En avril 1856 Arnold Morel-Fatio fit l’acquisition à Nice d’un lot de 1914 deniers mérovingiens trouvés, aux dires du vendeur, propriétaire à Cimiez, vers 1852, sur son propre fonds. Morel-Fatio fait le rapprochement avec les 380 deniers vendus à Vence en novembre 1851 au marchand Escudié et conclut à l’existence d’un seul tRéserve des livres raresor, trouvé à Cimiez à la fin de 1851, et très vraisemblablement abandonné lors de la destruction de Cimiez par les Lombards en 737. Le lot Escudié fut dispersé entre la Bibliothèque nationale, le comte de Clapier à Marseille, et Henri Morin, à Lyon, qui donnera sa collection au musée des Beaux-Arts. Peu de temps avant sa mort (il évoque cette intention pour la première fois dans une lettre à A. Chabouillet du 28 juin 1887 et la réitère expressément le 3 juillet), Arnold Morel-Fatio fit don à la Bibliothèque nationale de 497 monnaies d’argent mérovingiennes, provenant pour la plupart (mais pas toutes) du tRéserve des livres raresor de Cimiez. Elles arrivèrent au Cabinet des médailles le 20 juillet. Morel-Fatio avait rédigé un Catalogue raisonné de sa donation, manuscrit inachevé qu’il joignit à l’envoi des monnaies, avec les planches destinées à l’illustrer, gravées par Dardel. Ce catalogue sera publié par A. Chabouillet en 1890, avec des planches supplémentaires. Il compte 348 numéros, mais certains sont représentés par plusieurs exemplaires. Toutes ces monnaies ne furent inscrites dans nos inventaires qu’à la publication du catalogue, le 30 octobre 1890, dans le registre F (Dons), sous les n° F 5506 à 6002. Elles figurent dans le Catalogue de nos séries mérovingiennes dû à Maurice Prou, avec références au catalogue de Morel-Fatio.
Le 5 mai 1887, Arnold Morel-Fatio écrivait à Anatole Chabouillet « On dispersera ma bibliothèque après moi, or il s’y trouve quelques centaines de placards et ordonnances monétaires. Tu feras bien d’y avoir l’œil ; il y a de bonnes choses pour le Cabinet des Médailles. ». Cette collection de 651 numéros put être acquise de M. Mayniel le 16 avril 1888 pour 1000 F. Elle figure au registre d’inventaire L sous le n° unique L 1371 avec un inventaire sommaire par pays et la note « La description détaillée a fait l’objet d’un catalogue spécial par M. Prou ». Ce « catalogue spécial » est le registre d’inventaire n° 121 : Inventaire général des Ordonnances monétaires placards et brochures annexes de l’ancienne Collection Morel-Fatio avec additions. Les notices sont accessibles dans le catalogue informatisé de la Bibliothèque nationale de France BN-OPALE PLUS. Cette collection constitue toujours le fonds principal des documents de ce type conservés au Département des monnaies, médailles et antiques. Elle est conservée à la Réserve des livres rareserve et a été microfilmée (00011 MIC 275 à 322).
Eugène Demole, « A. Morel-Fatio, Quelques mots sur sa vie et son œuvre » (avec un « appendice bibliographique »), Gazette de Lausanne, 12 août 1887, et Bulletin de la Société suisse de numismatique, 1887, p. 115-124. Antoine Héron de Villefosse, « Nécrologie », Annuaire de la Société Française de numismatique et d’archéologie, 1887, p. 543-547. Eugène Demole, « Arnold Morel-Fatio », Revue belge de numismatique, 1888, p. 159-166. Revue numismatique, 1888, p. 163. Arnold Morel-Fatio, Catalogue raisonné de la collection de deniers mérovingiens des VIIe et VIIIe siècles de la trouvaille de Cimiez donnée au Cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale par Mr Arnold Morel-Fatio. Rédigé par le donateur et publié selon ses vœux par Mr. A. Chabouillet, Paris, 1890. Revue numismatique, 1891, p. 87. Maurice Prou, Catalogue des monnaies françaises de la Bibliothèque nationale, Les monnaies mérovingiennes, Paris, 1892.
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Méd. 44
Morel de Vindé, Charles-Gilbert (1759-1842)
Ce conseiller (1759-1842) au Parlement de Paris avant la Révolution française continua paisiblement sa carrière sous la Restauration, fut fait pair de France par Louis XVIII et devint membre de l'Académie des Sciences en 1824. Il a laissé nombre de travaux touchant les sciences politiques et l'agronomie. Sa collection, héritée de son grand-père, le célèbre collectionneur Peignon-Dijonval, fut vendue en plusieurs fois. Sa collection d'estampes et de dessins est passée au Sénat. Les pièces de sa collection sont peu nombreuses aux Estampes, réparties dans la série Histoire essentiellement.
Marque de collection : Vind. Lugt, Frits. Les Marques de collections de dessins et d’estampes… Amsterdam, 1921, n° 2520.
Laure Beaumont-Maillet, “Les collectionneurs au Cabinet des Estampes”.Nouvelles de l’estampe, 1993, n°132.
Laure Beaumont-Maillet, « Les collectionneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n° 132, p. 5-27. N° 15
Moreau-Nélaton, Étienne
Moreau-Nélaton avait été à l'Ecole normale le condisciple de Bergson et de Mgr Baudrillart. Doté d'une belle fortune, il hérita de son père des peintures, mais point de gravures. Il entreprit d'en constituer une collection de manière véritablement scientifique, en tenant compte des lacunes des collections publiques, mais aussi en fonction de goûts très précis. Il réunit un ensemble très complet de Delacroix dont il possédait une épreuve de chaque pièce, et il avait manifestement l'intention de réunir également un œuvre complet de Corot. Sa collection de Manet, qu'il tenait de Joseph Froupou, ami personnel du peintre, constitue aujourd'hui le noyau précieux de notre fonds. Il possédait également des planches d'Alphonse Legros, acquises à la vente Thibaudeau, des pièces de Forain acquises de Vollard, des Daubigny. Mais il n'a pas acquis d'œuvres de Jongkind, de Théodore Rousseau, de Jules Dupré, de Millet ni d'une manière générale des peintres de l’École de Barbizon dont pourtant il collectionnait les toiles. Son nom, lié à l'impressionnisme pour la peinture, ne l’est pas pour la gravure. Il n'acheta pas non plus d'œuvres d'amis graveurs tels qu'Aman-Jean, Bracquemond, Buhot, Carrière, Guérard, Maurice Denis ou Steinlen. .. Par testament daté de 1927, complété par un don de ses deux filles, Mesdames Paul Brodin et Jacques de Massary, ses gravures ont été offertes à la Bibliothèque Nationale, où elles ont enrichi les œuvres de graveurs. Si les lettres autographes sont allées au Louvre, le Cabinet dont il était un fidèle a'1li a acquis toute une bibliothèque de notes manuscrites, de livres, brochures, reproductions d'œuvres dispersées de Corot, Delacroix, Manet, Millet, Jongkind et Daubigny (déposées aujourd'hui au Centre de documentation des peintures du Louvre).
Marque de collection : Don Moreau-Nélaton. 1927 (dans un cachet ovale, rouge) Lugt, Frits. Les Marques de collections de dessins et d’estampes… Supplément… La Haye, 1956, n° 1823 a.
Galeries nationales du Grand Palais, Paris. 30 avril-22 juillet 1991. De Corot aux Impressionnistes: Donation Moreau-Nélaton. Paris : RMN, 1991. [La partie du catalogue relative à Moreau-Nélaton, collectionneur d'estampes (p. 219-266), a été assurée par François Fossier]
Laure Beaumont-Maillet, « Les collectionneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n° 132.
Laure Beaumont-Maillet, « Les collectionneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n° 132, p. 5-27. N° 40
Marteau, Georges (1858-1916)
Georges Marteau (1858-1916) était le neveu du fondateur de la maison Grimaud, le dernier des maîtres-cartiers traditionnels. Il fut lui-même maître cartier. Membre du Vieux-Papier, il rassembla une superbe collection axée sur deux centres d'intérêt distincts: d'une part la carte à jouer et les ouvrages y relatifs, d'autre part les livres illustrés et estampes japonais, ainsi que les ouvrages sur l'art japonais. Il légua en 1916 un ensemble de 856 jeux et 184 volumes rares sur l'histoire de la carte à jouer, ainsi que sa collection japonaise, Réserve des livres rareservant au Louvre ses miniatures persanes et ses armes d'Extrême-Orient.
Marque de collection : G. Marteau : Lugt, Frits. Les Marques de collections de dessins et d’estampes… Amsterdam, 1921 n° 1797.
Cote : Canes à jouer. Kh 167 Réserve des livres rares. pet. fol. (boîtes I à 28). Ye 260 4°. collection Georges Marteau.
Laure Beaumont-Maillet, « Les collectioneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n°132.
Collection Marteau au Département des Manuscrits Georges Marteau (1858-1916), ingénieur de l'Ecole centrale, fut un grand collectionneur d'art d'Extrême-orient. En 1912, il fut l'organisateur avec Henri Vever (1854-1952) de la première exposition consacrée à l'art du livre islamique au Musée des Arts décoratifs à Paris, où furent présentées de nombreuses pièces de leurs propres collections ; cette exposition fut suivie, en 1913, d'une publication illustrée où étaient étudiés non seulement les miniatures, mais aussi reliures, calligraphie, colophons, papier, enluminures. Un partie de l'immense collection de G. Marteau entra le 22 décembre 1916 au Département des Manuscrits ; sont inscrits au Registre des dons à cette date, "Legs G. Marteau, 3 rue de La Boëtie", 2 manuscrits japonais (Japonais 248 et 249), 22 manuscrits persans (Supplément persan 1946 à 1967), 5 reliures persanes (Suppl. persan 2050), 2 manuscrits arabes (Arabe 6715 et 6716). Une autre partie entra au Département des Estampes. Sa collection de miniatures persanes (103 oeuvres) fut léguée au Louvre et nombre de ses objets au Musée des Arts décoratifs.
Notices sur les manuscrits persans et arabes de la Collection Marteau, par E. Blochet, Paris, Impr. nationale, 1923, 308 p., in-4°. Extr. de : "Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et autres bibliothèques", T. XLI. Miniatures persanes... exposées au Musée des Arts décoratifs. Juin-Octobre 1912. Préface et commentaire par Georges Marteau et Henri Vever, Paris, Bibliothèque d'art et d'archéologie, 1913, 2 vol.
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Mss 35