Lydia Mérigot et Pierre Gasnault, Les Catalogues du Département des manuscrits : manuscrits occidentaux, Paris : Bibliothèque nationale, 1974, p. 48. - Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Mss 178
Curtis, Atherton
Lorsqu'il était étudiant à l'université de Columbia, Curtis décorait déjà sa chambre d'eaux-fortes de Méryon relatives à Notre-Dame. En 1896, il s'installa à Paris, où vivait toute une colonie d'artistes américains : Mary Cassatt, Whistler, Webster... Sa femme, Louise Burleigh Curtis, suivait les cours de peinture de Luc-Olivier Merson à l'Ecole des Beaux-Arts. Elle gravait également. Curtis de son côté étudiait au Cabinet des Estampes, ce qui lui permit de publier Some masters of lithography (1897). Le couple demeurait alors 5, rue Boissonade. En 1900, Curtis retourna aux États-Unis, rapatriant une collection de gravures qui s'élevait déjà à 38 caisses. II s'établit à Mount Kisco, près de New York, dont il devint le bienfaiteur (il y ouvrit une bibliothèque publique). En mars 1904, toutefois, il revint définitivement s'établir en France, qu'il ne quitta pas pendant la guerre. Sa collection, qui se montait maintenant à 56 caisses, traversa pour la troisième fois l'océan. Le couple s'installa rue Notre-Dame-des-Champs. Sa femme étant morte en 1910, Curtis se remaria avec une Danoise, Ingeborg Flinch. De 1938 datent ses donations au Louvre, au Musée de Cluny, au Musée d'art moderne. Son testament, par lequel il disposait de sa collection d'estampes en faveur de la Bibliothèque Nationale, fut fait l'année suivante. Curtis se trouvait alors à la tête d'un ensemble de 10000 estampes, dans lequel le Cabinet put puiser à volonté pour compléter ses fonds. Les centres d'intérêt de Curtis avaient varié selon les époques. D'une manière générale, il s'est intéressé à la gravure de tous les temps et de tous les pays. seul le XVIIIe siècle français étant sous-représenté dans sa collection. Dès 1891, il avait réuni ses plus belles planches de Rembrandt, Dürer, Goltzius, Lucas de Leyde. Après 1900, il n'acheta plus qu'exceptionnellement des pièces antérieures à 1800. Son fonds oriental fut constitué entre 1896 et 1907. Dans les années 1930, il s'intéressa essentiellement aux origines de la lithographie. En 1936, il acquit ses premières estampes chinoises. Par contre, tout au long de sa vie. il acheta des pièces du XIXe siècle ou des contemporains. Parmi les pièces que le Département retint de sa collection, citons une remarquable sanguine de Piranèse, le Temple de la Sybille à Tivoli, ainsi qu'une suite complète en 1er état de la 1re édition des Prisons ; 535 incunables de la lithographie (avant 1818) ; des dessins et lithographies de Bonington; 1 250 épreuves de Daumier et de Gavarni dans des états remarquables; des états rares de Steinlen et de Forain, ainsi que de nombreux paysages du milieu du XIXe siècle (Corot, Daubigny, etc.).
Marque de collection : Don A. Curtis. 1943. Avant 1910. Louise Burleigh Curtis a fait apposer le cachet LBC sur ses planches (dont Meryon et Rembrandt)
Lugt, Frits. Les Marques de collections de dessins et d’estampes… Amsterdam, 1921 n° 470 c et Supplément..., n° 94.http://www.marquesdecollections.fr/detail.cfm/marque/6082/total/1http://www.marquesdecollections.fr/detail.cfm/marque/5383/total/1 Journal d’Atherton Curtis (Est. Yg 187 Rés. In-8°). Catalogue dactyl. de la collection. dressé par Curtis lui-même : Est. Ye 225 (in-4°), 9 vol. (t. I : Achener-Dupré ; t. II : Fantin-Latour-Jacquemin ; t. III : Jongkind-Lunois ; t. IV : Meissonier-Zorn ; t. V. Daumier et Gavarni ; t. VI. Incunables de la lithographie ; t. VII : écoles française et étrangères. XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles ; t. VIII : dessins ; t. IX. estampes chinoises et japonaises). Buhot, Jean. Catalogue des livres des fonds d’Extrême-Orient, collections A. Curtis et collection Vever. Paris. 1948, 2 vol. in-4° de fiches manuscrites (Est. Ye 261 4°) Bibliothèque nationale. Département des Estampes. La Collection Curtis. Estampes et dessins de maîtres [précédé de : « Un Grand collectionneur », par Julien Cain ; « Atherton Curtis », par Jean Vallery-Radot ; « Historique et description de la collection », par Jean Prinet]. Paris, 1951. Laure Beaumont-Maillet, « Les collectionneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n°132.
Laure Beaumont-Maillet, « Les collectionneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n° 132, p. 5-27. N° 48. Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, suppl. 35
Nancy Cunard
Nancy Cunard (1896-1965), née et élevée en Angleterre, s’installa à Paris en 1920 où elle participa aux mouvement dada et surréaliste et publia des ouvrages de poésie.En 1928, elle fonda une maison d’édition, The Hours Press, en Normandie à La Chapelle-Réanville, où elle imprima 24 volumes d’auteurs de langue anglaise (Richard Aldington, Samuel Beckett, Robert Graves, George Moore, Ezra Pound…), à la seule exception de Louis Aragon. Elle cessa son activité éditoriale en 1931 pour se consacrer à la préparation de l’anthologie Negro. Nancy Cunard remit en 1964 à la Bibliothèque nationale 16 volumes de ses Hours Press, qui sont conservés à la Réserve des livres rares sous la cote 4° Z. Don 209 (1-16).
(Les manuscrits, les archives et la correspondance, personnelle, littéraire et éditoriale, de Nancy Cunard sont déposés au Harry Ransom Humanities Research Center at the University of Texas, Austin, Texas.)
N. Cunard, These were the Hours, memories of my Hours press, Réanville and Paris, 1928-1931. Edited with a foreword by Hugh Ford. Carbondale, Edwardsville, Southern Illinois University Press ; London, Amsterdam [1969].
Delepierre, Jean et Marie
La donation Jean et Marie Delepierre, reçue en 1966 « peut être considérée comme la plus remarquable qui ait été remise au Cabinet des médailles depuis celle du duc de Luynes en 1862 » (Georges Le Rider). La donation faite à l’État par Marie Delepierre, trois ans après la mort de son mari, compte quelque 8000 monnaies grecques, d’or, d’argent et de bronze, et quelques 260 de ces objets (« marbres, bronzes, vases et même bijoux ») « qui fournissent les correspondances nécessaires pour l’exégèse et la chronologie des monnaies » (Marie Delepierre)
Né à Montreuil-sur-Mer le 9 octobre 1889, Jean Delepierre fut saisi dès sept ans par la passion numismatique. D’abord les monnaies romaines, trouvées localement dans des brocantes ; les catalogues de vente qu’il se fait envoyer. La découverte des monnaies grecques, à onze ans, oriente définitivement sa collection. Après des études de droit, il fuit sa ville natale et les projets que son père nourrissait pour lui ; à Paris, il subsiste tant bien que mal tout en travaillant la numismatique et l’archéologie. Il envisage un temps d’enseigner l’histoire, ou d’entrer au Cabinet des médailles. L’épreuve de la Grande Guerre conduit l’officier d’artillerie qu’il était, affecté à l’Inspection des Forges, « témoin d’une partie de la mobilisation industrielle du pays » (journal JD), à choisir en 1919 de se mettre au service du pays en entrant dans l’Administration (ministère du Commerce et de l’industrie).
C’est l’amour de la Grèce et la connaissance des monnaies qui le rapprochent de celle qui allait devenir son épouse (1932) et sa collaboratrice, Marie Sisco. Née en 1896, elle avait acquis un savoir et des diplômes remarquables pour une jeune fille de ce temps : diplômée de philosophie, licenciée en droit, certifiée en archéologie grecque… Elle aussi, pendant la guerre se mit au service de son pays, dans le cadre du Phare, œuvre au service des aveugles de guerre ; elle traduisit en Braille, pendant plusieurs années, les textes grecs au concours de l’agrégation.
Leurs activités de Réserve des livres raresistants pendant la Seconde Guerre valurent à Jean une certaine mise à l’écart professionnelle. Cette retraite avant l’heure les conduisit à « chercher dans l’étude un refuge ». La Libération le rétablit dans son honneur et ses fonctions. Après sa retraite, en 1954, le couple dédia ses dix dernières années à voyager en Grèce, et accroître la collection.
Marie Delepierre survécut 10 ans à Jean, décédé le 7 octobre 1963. Elle les consacra à contribuer, avec Georges Le Rider, au catalogage scientifique de leur collection donnée au Cabinet des médailles. Après sa mort, le 19 février 1974, l’œuvre fut poursuivie par Hélène Nicolet.
Bibliographie ; Syllogè Nummorum Graecorum, France I : Collection Jean et Marie Delepierre, Bibliothèque nationale, Cabinet des médailles, [rédigé par Hélène Nicolet ; avec la collaboration de Jean et Marie Delepierre, Georges Le Rider], Paris, Bibl. nat., 1983.
Sur Jean D. , notice nécrologique par Pierre Devambez, REG 1964, p. XXVIII-XXVIX ; M. Delepierre, « Jean Delepierre », Syllogè (non paginé : 3 p.) Sur Marie D., notice nécrologique par Francis Vian, REG 1974, p. XXIX-XXX ; G. Le Rider, « Préface » à la Syllogè (non paginé : 2 p.).
Sylloge nummorum Graecorum… Paris : BN, 1983
Deleuze, Gilles (1925-1995)
Né à Paris en 1925, il y fait ses études secondaires. Après l’agrégation de philosophie en 1948, il enseigne au lycée, dans plusieurs villes françaises. Après sa thèse et un passage à la Sorbonne, il obtient un poste à l’Université de Lyon, avant de rejoindre, en octobre 1969, l’Université de Paris VIII à Vincennes. Il y enseigne jusqu’au 30 septembre 1987. Lorsqu’il entre à Vincennes, Gilles Deleuze vient d’écrire Différence et répétition, texte qui précise et condense sa critique de la rationalité du discours de savoir et du discours philosophique, en particulier. La capacité qu’il a de penser au moment même où il enseigne et sa remise en cause de toute systématisation, y compris celle des discours révolutionnaire et psychanalytique, attirent beaucoup de monde.
Ses cours deviennent peu à peu un lieu de passage essentiel pour les étudiants de l’Université de Paris-Vincennes. Une génération viendra s’y confronter à la “ métaphysique nomade ” qu’il pratique. Dès la fin des années 1970, Deleuze autorise certains étudiants à enregistrer ses cours sur magnétophone ou, plus rarement, sur magnétoscope. Certains étudiants, comme Marielle Burckhalter ou d’autres, ont pu conserver la trace vocale de cette pédagogie réflexive. Les années 1981-1982, 1982-1983, 1983-1984 et 1984-1985 en particulier, sont consacrées au cinéma. À partir de considérations de Bergson sur la perception, Deleuze entame une analyse de l’ “ image dans le temps ”. Il prend ses exemples parmi l’œuvre de quelques grands réalisateurs en les inscrivant dans le continuum de l’histoire du cinéma, pour les confronter avec des catégories philosophiques qu’il revisite à l’occasion, espace, image, temps... Il propose alors une classification dynamique des moyens du cinéma (le montage, la couleur, le plan...). Son analyse du cinéma s’inscrit dans la volonté de déplacer “ l’espace de la pensée ”. Elle lui permet, par ce détour, de revenir aux textes des philosophes qui l’ont inspiré, Spinoza, Bergson, Nietzsche, mais aussi Kant, Hegel, Platon.
Les autres cours enregistrés font référence soit aux premiers textes de Deleuze, soit à des textes qu’il est en train d’écrire. Il reprend, développe ou critique, Nietzsche et la philosophie de 1962, L’Anti-Œdipe de 1972, Mille plateaux de 1980, le Foucault de 1986, Liebnitz et le baroque de 1988. Ces cours réalisent ainsi le projet d’une philosophie intempestive, au sens de Nietzsche, c’est-à-dire qui choisit librement son objet, là où le désir et la curiosité les poussent, au besoin hors du champ étroit des préoccupations philosophiques traditionnelles. Par la volonté de Gilles Deleuze, de sa famille, de l’Université de Paris-VIII (transférée à Saint-Denis en 1980), par celle des différents étudiants qui ont réalisés ses enregistrements, les cours du 6 novembre 1979 jusqu’au 25 mai 1987, soit huit années universitaires, sont venus rejoindre les collections de documents sonores du département de l’Audiovisuel de la BnF.