Charles Nodier, bibliothécaire et bibliophile Le 3 janvier 1824, Charles Nodier, homme de lettres reconnu -il a déjà publié Stella ou les proscrits, Jean Sbogar, Thérèse Aubert, Smarra ou les démons de la nuit... mais qui peine à vivre de sa plume, obtient, en remplacement de l’abbé Grosier, le poste de « bibliothécaire en chef de Monsieur », frère du Roi et futur Charles X. Cette charge assortie d’un logement est plutôt honorifique : Nodier est contraint de partager ses fonctions avec Antoine-Jean Saint-Martin, alors conservateur administrateur. Bien qu’ayant déjà exercé de telles fonctions à Besançon, sa ville natale, et en Illyrie, Nodier s’implique assez peu dans la gestion de la bibliothèque et des ses collections.
Les richesses de la Bibliothèque de l’Arsenal lui permettent cependant d’assouvir la passion sans borne qui l’anime. Ses goûts le portent tant vers les érudits de la Renaissance que vers les raretés bibliographiques, « petits rogatons » ou « curiosités infimes » auxquels il confère, par ses célèbres notices, un statut bibliophilique. S’inspirant des Mélanges tirés d’une grande bibliothèque de Paulmy (1779-1788), il publie par exemple les Mélanges tirés d’une petite bibliothèque (1829). La réhabilitation de ces textes passe surtout par la reliure, dont Nodier est un fervent défenseur : parmi les nombreux relieurs de son temps, ses préférences iront à Joseph Thouvenin. Chaque matin, Nodier reçoit à l’Arsenal ses amis bibliophiles : Paul Lacroix, Gabriel Peignot, Pixérécourt, ou encore le libraire Techener, avec qui il fonde en 1834, le célèbre Bulletin du Bibliophile.
Le cénacle romantique de l’Arsenal Charles Nodier, de la même façon qu’il continue d’enrichir sa collection personnelle en étant à l’Arsenal, poursuit son œuvre d’homme de lettres. Depuis l’Arsenal, il publie notamment l’Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux, La Seine et ses bords, Journal de l'expédition des Portes de Fer, ou encore Franciscus Columna. Il travaille également, avec Taylor, Cailleux et Blanchard, aux célèbres Voyages pittoresques et romantiques dans l'ancienne France. Il entre d’ailleurs à l’Académie en 1833.
Mais ce qui fait la renommée de Nodier, et avec lui, de l’Arsenal, c’est bien sûr son célèbre salon, réunissant toute la première génération romantique. De 1824 à 1830, artistes et écrivains se retrouvent chaque dimanche pour assister à une lecture poétique ou une discussion littéraire, avant que Marie, fille de leur hôte et muse de cette belle société, ne retrouve son piano, invitant joueurs et danseurs à poursuivre la soirée. Ce ce salon a notamment accueilli Hugo, Lamartine, Balzac, Janin, Vigny, Nerval, Gautier, Delacroix, David d’Angers, Liszt et plusieurs saint-simoniens. Alexandre Dumas, également présent, a écrit à son sujet : « Ces soirées de l’Arsenal, c’était quelque chose de charmant, quelque chose qu’aucune plume ne rendra jamais » (La femme au collier de velours, A.Cadot, 1850)
La collection Charles Nodier à l'Arsenal Lorsque Charles Nodier disparaît, en 1844, sa collection est mise en vente (deux ventes avaient déjà eu lieu de son vivant). Si le « bibliothécaire de Monsieur » n’a fait don ni de ses éditions ni de ses propres œuvres à la bibliothèque de l’Arsenal, un fonds assez important a depuis été constitué, grâce à plusieurs dons (Don Montarby, Bryan) ou acquisitions, qui continue de s’enrichir. L’Arsenal possède aujourd’hui plusieurs manuscrits autographes, une importante correspondance, la plupart des éditions des œuvres de l’auteur et des ouvrages critiques le concernant, mais également bon nombre d’exemplaires provenant de sa propre collection.
Dotée de multiples talents, Stéphanie-Félicité Du Crest, comtesse de Genlis (1746-1830) fut l’éducatrice des enfants d’Orléans, en particulier du futur Louis-Philippe. Écrivaine féconde, musicienne douée, peintre à ses heures, elle demeura, durant les quatre-vingt quatre années de son existence, une travailleuse acharnée. Son caractère intrigant la fit également soupçonner d’être une espionne livrant à Napoléon, par des lettres aujourd’hui disparues, les bruissements de la rumeur parisienne et l’analyse que son esprit acerbe pouvait en tirer.
Contrainte à l’exil et au dénuement par la Révolution, elle se rallia à Napoléon Bonaparte. Celui-ci lui alloua en 1802 un logement à l’étage noble de la bibliothèque de l’Arsenal. Le calme requis par les travaux d’érudition du personnel de la bibliothèque s’accommodait mal de ses activités de musicienne et d’hôtesse du « salon des Inséparables », qui accueillait notamment Talleyrand, Madame Necker, Brissot ou Chateaubriand. L’administrateur de la bibliothèque de l’époque, Ameilhon, la contraignit à déménager à l’étage supérieur, puis à quitter définitivement les lieux en 1811.
Madame de Genlis n’offrit ses ouvrages à l’Arsenal qu’à contrecœur et n’y laissa aucun papier, hormis le manuscrit autographe de l’Histoire de Henri le Grand. Le souvenir de son salon, « conservatoire de la conversation spirituelle » selon Gabriel de Broglie, et celui des tracasseries réciproques qui dégradèrent ses relations avec le personnel de la bibliothèque, hantent néanmoins la bibliothèque de l’Arsenal. Le salon à décor Louis XVI que le fondateur de la bibliothèque avait fait aménager pour son épouse, où Madame de Genlis recevait, porte aujourd’hui communément son nom.
L’œuvre de Madame de Genlis est bien représentée dans les collections de l’Arsenal. Des acquisitions régulières ont également permis de constituer un fonds d’archives autour de sa personne.
Valentin Conrart, 1er secrétaire de l’Académie française, « éminence grise et pivot de toute entreprise littéraire », participait à tous les cercles de la préciosité, distribuant les privilèges d’imprimerie comme secrétaire du roi et éditant les œuvres de ses amis. Au cœur des cercles littéraires réunissant Godeau, Balzac, Chapelain, Montausier, il entretenait de vastes correspondances avec Tallemant des Réaux, Muisson, La Sablière. S’il publia peu, il écrivit, copia et fit beaucoup copier. La correspondance de ses contemporains témoigne de son habitude de conserver ou copier tous les documents qu’il jugeait intéressants. La pratique était alors des plus courantes. Les recueils qu’il constitua au fil des années sont ainsi composés de lettres autographes et de copies sur les milieux littéraires au XVIIe siècle, mais aussi sur l’histoire du protestantisme et l’histoire politique du XVIIe siècle. On trouve notamment des lettres autographes de Mlle de Scudéry, Godeau, Balzac, La Fontaine et une copie de la fameuse « Journée des Madrigaux » tirée des Chroniques du samedi de Pellisson.
A la mort de Valentin Conrart, ces recueils ont été vendus par les héritiers à l’abbé Bignon. Celui-ci vendit sa bibliothèque à Jean Law, qui la céda en 1723 au cardinal Dubois. Au milieu du XVIIIe siècle, l’homme d’affaire et bibliophile Simon Vanel de Milsonneau les acquit. C’est à ce dernier que le marquis de Paulmy les acheta lors de la vente officielle de sa bibliothèque en 1769.
Soyer, secrétaire du marquis de Paulmy disait des papiers Conrart : « Ce manuscrit et les suivants venant de la même source sont pleins de pièces rares et précieuses. Plusieurs auteurs ont travaillé dessus, en ont tiré plusieurs choses qu’ils ont fait imprimer ; mais il y en a encore beaucoup d’intactes qui pourroient servir aux personnes qui voudroient travailler sur notre histoire tant historique que littéraire. »
Ces recueils sont conservés dans le fonds des manuscrits de la Bibliothèque de l’Arsenal sous les cotes suivantes : ms 4106-4129, ms 5130-5132, ms 5410-5427, ms 2667, ms 3135, ms 8573-8574. Chacun contient une table très détaillée des pièces, réalisée par Milsonneau.
- H. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal : tome VIII, p. 190-201, 1899. - Nicolas Schapira, Un professionnel des lettres au XVIIe siècle : Valentin Conrart, une histoire sociale, Seyssel : Champ vallon, 2003.
Le Fonds Georges Perec (7 mars 1936-3 mars 1982), en dépôt à l'Arsenal, est consultable sur rendez-vous uniquement : 01.53.79.39.46
Un inventaire est consultable en ligne dans le catalogue BnF Archives et manuscrits : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc1026391.
Roland Villeneuve (1922-2003), spécialiste du diable et de l’occultisme, – auteur notamment de Gilles de Rays en 1955, de La Beauté du diable en 1983, et d’un Dictionnaire du Diable en 1989 – a légué sa bibliothèque de 700 volumes à la Bibliothèque de l’Arsenal, où il a poursuivi une partie de ses recherches sur ces questions.
Cette collection, composée essentiellement de livres anciens et modernes, français et étrangers, porte sur le démon et l’enfer, la sorcellerie, la magie, les messes noires, les possessions et envoûtements, les incubes et succubes, ou encore le sadisme. Elle contient aussi des numéros de revues, des catalogues de vente et de libraires, ainsi que les manuscrits des œuvres du donateur et sa documentation personnelle (coupures de presse, notes, correspondance, iconographie, etc.)
Parmi les auteurs présents dans cette bibliothèque très complète, on pourra citer Jules Bois, Max Milner, Collin de Plancy, ou Giovanni Papini.
Les livres imprimés sont signalés dans le catalogue général de la BnF, et les manuscrits des œuvres et sa documentation personnelle -coupures de presse, notes, correspondance, iconographie sur le démon et l’enfer, la sorcellerie, la magie, les messes noires, les possessions et envoûtements, les incubes et succubes, ou encore le sadisme dans le catalogue BnF Archives et manuscrits : http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ark:/12148/cc8518g.
Un inventaire complet du fonds reste disponible sur place à la Bibliothèque de l’Arsenal.