Plus de 8000 volumes de ce prélat appartiennent aux collections imprimées de la bibliothèque depuis 1765, après avoir été sous la garde de la maison professe des Jésuites de Paris pendant la plus grande partie du XVIIIe siècle. Ces livres ont été intégrés individuellement aux fonds portés des lettres non cataloguées ou dans les différentes sections des lettres cataloguées; beaucoup également se trouvent à la Réserve des livres rares. Presque tous sont reliés de veau fauve ou brun aux armes ("d’azur, à 2 mouchetures d’hermine d’argent en chef, et 3 grillets renversés d’or en pointe") frappées sur les plats extérieurs. Au contreplat, un ex-dono gravé rappelle les conditions de la donation de 1692, au-dessus de la cote de la maison professe. La page de titre porte cette formule, imprimée sur une bande rapportée : "Ne extra hanc Bibliothecam efferatur ex obedientia". Il n’existe pas de catalogue imprimé de cette bibliothèque, à la fois bibliothèque de prestige, par la beauté et la rareté de certains exemplaires, et bibliothèque de savant, remarquable en particulier pour les annotations érudites de la main de son propriétaire. Tous les domaines du savoir y sont représentés, mais la théologie, la philosophie et la littérature y ont une place de choix. La plupart des manuscrits de Huet ont subi le même sort que les imprimés : légués aux Jésuites de Paris par l’évêque d’Avranches, ils portent la mention "paraphé au desir de l’arrest du 5 juillet 1763 [signé] Mesnil" et ont été remis à la Bibliothèque royale après les péripéties que l’on saît (voir Paris. Jésuites). On y compte 45 manuscrits grecs dont quelques-uns de la main de Huet, une quinzaine de manuscrits latins et plus de cinquante manuscrits en français, qui portent l’ex-libris du prélat et parfois une reliure à ses armes. La plupart de ces volumes figurent dans le catalogue imprimé de la maison professe qui leur est consacré. Un autre lot de manuscrits, contenant plutôt des chartes, des papiers de travail et la correspondance de Huet, a été remis par lui à ses héritiers. Passé dans le cabinet de M. Amédée-Louis Léchaudé d’Anisy (1772-1857), antiquaire et érudit normand, il a été acheté par le département des Manuscrits en 1859.
Pélisson-Karro, Françoise. "La bibliothèque de Pierre-Daniel Huet, évêque d'Avranches, entre la maison professe des jésuites et la Bibliothèque du Roi". Dans : Mélanges autour de l'histoire des livres imprimés et périodiques, Paris : BnF, 1998, p. 107-130 Catalogus manuscriptorum bibliothecae professae Parisiensis, Paris, 1764 Delisle, Léopold. Le Cabinet des Manuscrits de la Bibliothèque impériale [puis nationale], t. I, Paris, 1868, p. 437-438 et t. II, Paris, 1874, p. 305-306. Guigard, Joannis. Nouvel armorial du bibliophile… Paris, 1890, T. 1, p. 296-297
Catalogue…, 1763, [Delta 11226
Joly de Fleury
Originaires de Bourgogne, les Joly de Fleury firent carrière dans l’administration judiciaire du duché de Bourgogne au XVe siècle, avant de devenir conseillers au Parlement de Paris au siècle suivant. Le renom de cette famille atteignit son apogée à la fin du XVIIe siècle, lorsqu’elle monopolisa les plus hautes charges au Parlement de Paris, ses membres exerçant notamment les fonctions d’avocat-général et de procureur-général qu’ils se transmettaient de façon héréditaire. Guillaume-François Joly de Fleury, éminent juriste qui exerça successivement les fonctions d’avocat général dès 1704, puis de procureur-général de 1717 à 1746, commença à rassembler les archives familiales, entreprise que ses descendants poursuivirent tout au long du XVIIIe siècle. Formant une volumineuse collection de 2561 volumes, ces archives se composent essentiellement de pièces historiques sur l’administration et la justice civile et criminelle en France au XVIIIe siècle. Elles concernent non seulement les charges d’avocat général et de procureur-général, mais aussi d’autres fonctions politiques et judiciaires, telle celle d’intendant de Bourgogne, exercée par Jean-François Joly de Fleury, qui fut auparavant conseiller au Parlement et maître des requêtes, avant de devenir conseiller d’Etat puis ministre des finances de 1781 à 1783. Les pièces justificatives officielles sur les affaires judiciaires et les notes prises par les magistrats au cours de leurs instructions côtoient ici les travaux d’érudition des membres de la famille sur un point historique ou juridique précis. Majoritairement issue du cabinet du procureur-général, dont les attributions étaient aussi diversifiées qu’étendues, la collection Joly de Fleury aborde ainsi des domaines variés qui se répartissent en plusieurs catégories : les affaires publiques de l’époque, l’administration du royaume (police, voirie, alimentation publique, affaires ecclésiastiques, registres de l’état religieux, cimetières, hôpitaux, assistance, prisons, affaires locales, administration de Paris), les affaires financières et religieuses, la marine, le commerce et l’industrie, les affaires domaniales, les affaires judiciaires et l’administration de la justice, le droit et l’administration, les mélanges historiques… Cette collection apparaît ainsi comme une source de toute première importance pour les historiens de l’époque moderne. Ce fonds considérable d’archives fut partiellement classé par différents membres de la famille Joly de Fleury, avant d’être cédé le 31 juillet 1836 à la Bibliothèque royale par le dernier descendant mâle des Joly de Fleury. Outre les tables anciennes de la collection (n°2547-2561), plusieurs instruments de recherche permettent d’appréhender la collection Joly de Fleury, qu’il s’agisse de répertoires numériques ou d’inventaires analytiques.
Molinier, Auguste. Inventaire sommaire de la collection Joly de Fleury. Paris : Picard, 1881. Bloch, Camille. Inventaire sommaire des volumes de la collection Joly de Fleury concernant l’assistance et la mendicité, dans "Bibliothèque de l’École des chartes", 1968, vol. 69, p. 63-168. Solente, Suzanne. Fichier alphabétique manuscrit des numéros 1 à 562 de la collection [conservé dans la salle de lecture des manuscrits occidentaux]. Bondois, Paul-Marie. Notices détaillées sur la collection Joly de Fleury [Une partie des notices a été rédigée à la main, une autre a été dactylographiée. Ces notices forment 25 volumes reliés et 5 boîtes conservés en magasin. Les photocopies des notices 1-160 et 2161-2555 est consultable au bureau de la salle de lecture, et l’intégralité des notices viennent d’être microfilmées. Celles-ci seront prochainement accessibles dans la salle de lecture sous forme de fac-similés].
Lydia Mérigot et Pierre Gasnault, Les Catalogues du Département des manuscrits : manuscrits occidentaux, Paris : Bibliothèque nationale, 1974, p. 60. - Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Mss 154-155. - Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 66.
Jolivet, André (1905-1974)
Les archives d'André Jolivet, qui sont restées intactes après son décès, constituent un ensemble exceptionnel de manuscrits musicaux du 20e siècle.
Elève de Paul Le Flem et d'Edgar Varèse, André Jolivet fonde en 1936 avec Olivier Messiaen, Daniel-Lesur et Yves Baudrier le groupe "Jeune France", pour une "réincarnation de la musique dans l'homme". Musicien dont l'univers réunissait Beethoven, Debussy, Bartok, Stravinsky, Ravel, Berg, Schönberg et Varèse, il compose une œuvre audacieuse, insolite, parfois violente, où les recherches sur le langage obéissent à une exigence spirituelle, celle de rendre à la musique sa puissance magique et incantatoire. Foncièrement original, indépendant et novateur, il se place en dehors de tout dogmatisme. Marius Constant estimait qu'il est "à classer dans les inclassables".
Petit à petit ses manuscrits autographes entrent au Département de la Musique de la BnF : en 1998, nous avons acheté les manuscrits des œuvres concertantes, entre autres celui du Concerto pour piano, ceux des Concertos pour trompette, en 2001 les manuscrits des œuvres vocales : par exemple Le Cœur de la matière ou celui de l'opéra-bouffe Dolorès, puis en 2002, une dation en paiement des droits de succession permet l'acquisition d'une partie de ses œuvres symphoniques et d'un ensemble de documents autour de Mana. A côté des trois Symphonies (1953, 1959 et 1964), la BnF reçoit les manuscrits de Cosmogonie (1938), de la Suite transocéane (1955), de la Suite française (1957), de Psyché (1946) et de Fanfares pour Britannicus (1946), qui rappellent l'homme passionné de théâtre, et celui des Cinq Danses rituelles (1939). Enfin, le Département de la Musique voit son fonds sur Mana enrichi de plusieurs documents : le brouillon de La Chèvre et de L'Oiseau, deuxième et quatrième parties de cette pièce, un exemplaire de l'édition publiée en 1946, annotée et commentée par l'auteur, des dessins originaux à la plume et des projets de couverture pour cette édition et pour le fac-similé du manuscrit qui servit lors de la première exécution. Cette œuvre majeure dont la création en 1935 provoqua l'admiration enthousiaste d'Olivier Messiaen porte un titre qui peut paraître mystérieux, "le Mana désigne dans les sociétés primitives cette force qui nous prolonge dans nos fétiches familiers". Cette suite pour piano seul a été inspirée par les six objets "fétiches" que Varèse avait offerts à Jolivet au moment de son départ pour les États-Unis en 1933.