La bibliothèque théâtrale des Rothschild à la BnF
A côté de la bibliothèque bibliophilique constituée par son père et augmentée par lui, Henri de Rothschild réunit une bibliothèque théâtrale dont l’objet correspondait à ses intérêts profonds. Spectateur assidu des différentes représentations offertes par les scènes parisiennes, Henri ne voulut pas, en effet, en rester aux seuls us et coutumes du milieu aisé dans lequel il évoluait. Comme son père avait édité des textes anciens, il édita en 1893 le manuscrit jusqu’alors inédit d’une pièce de Le Sage, Arlequin colonel, dont l’original était entre ses mains (pRéserve des livres raresent dans la collection bibliophilique). Plus tard, il devait établir une table des pièces du catalogue de la collection de M. de Soleinne et proposer un fac-similé des autographes de Corneille. Plus encore, il n’hésita pas à se lancer dans la carrière dramatique dès 1905, sous des noms d’emprunt ; on lui doit plus d’une quinzaine de pièces. Et dans les années 1920 l’auteur se transforma en entrepreneur : il fit bâtir à grands frais, de 1925 à 1929, le théâtre Pigalle, dont l’architecture ultra-moderne surprit pour le moins lors de l’inauguration. Malheureusement, les directeurs se succédèrent sans réellement parvenir à faire vivre durablement ce nouveau lieu de spectacle parisien.
Sa bibliothèque théâtrale, en revanche, connut une destinée meilleure. Riche aujourd’hui de 6115 pièces, elle embrasse toutes les époques, du XVIIe au XXe siècles, en mettant cependant l’accent sur les périodes les moins bien « couvertes » par la bibliothèque bibliophilique familiale : le XIXe et le XXe siècle (qui représenteraient 80 % de l’ensemble). Certains exemplaires sont ornés d’ex-libris, de dédicaces, d’annotations, d’autres sont accompagnés d’épreuves. Plusieurs, principalement ceux qui datent de la fin du XIXe s et du début du XXe s, sont des exemplaires de luxe ou des tirages spéciaux, numérotés : leur présence est sans doute due davantage aux relations de Henri qu’à ses prospections bibliophiliques. En tout cas, Henri eut à cœur de faire relier une part de sa collection : la plus contemporaine, touchant les XIXe et XXe siècles. Il fit appel pour cela aux grands noms de la place parisienne : Chambolle-Duru, Canape, Mercier, etc. La collection la plus ancienne en revanche semble être demeurée, dans sa majorité, intacte, à l’état de documents bruts.
La collection a été cotée dans les années 1970 selon les principes suivants : - nom du fonds + numéro - nom du fonds = Z Rothschild - numérotation commencée à 4001 (le Picot, qui concerne la collection bibliophilique « générale » de James et Henri de Rothschild, comprend 3382 numéros : il s’agissait d’agir dans la continuité tout en se réservant une petite marge en cas de compléments à ajouter) - pièces les plus anciennes placées dans la tranche de cotes Z Rothschild 4001 – Z Rothschild 7000 (toute la tranche n’est pas utilisée) - pièces les plus récentes (XIXe-XXe) dans la tranche de cote commençant à Z Rothschild 7001
La collection est aujourd’hui conservée en deux endroits : le département Littérature et Art conserve la part la plus ancienne et la plus importante numériquement parlant (4999 pièces), le département des Manuscrits la part la plus récente et aussi la plus précieuse – du moins du point de vue des reliures de maîtres qui habillent les ouvrages - (1121 pièces). La collection conservée en LLA est cataloguée mais de très nombreuses ruptures d’épines dorsales (4600 environ) empêchent d’en avoir une photographie exacte. La collection conservée aux MSS n’est pas cataloguée à ce jour, mais cotée en partie – en Z Rothschild.
Auguste Rondel (1858-1934), bibliophile, mécène discret, passionné de théâtre et de spectacle, il suscita dans les années vingt un formidable élan de recherche, qui avait pour singularité d’être orienté vers la représentation du spectacle, alors que les travaux dans ce domaine reposaient essentiellement sur la littérature dramatique. Ce banquier marseillais constitue, à partir de 1895, une vaste collection de livres , estampes, photographies, maquettes, affiches, programmes réunissant 150 000 notices de références essentielles destinées à la recherche sur les Arts du spectacle, tant en France qu’à l’étranger, et dans les domaines voisins, tels l’histoire et la critique littéraire, l’architecture, le costume…, depuis l’origine du théâtre jusqu’en 1936. En 1920, il en fait don à l’Etat. La collection Auguste Rondel est conservée aujourd’hui par le Département des Arts du spectacle. Pour la constituer, Rondel met à profit son érudition, sa connaissance parfaite du spectacle, sous toutes ses formes et sans exclusive aucune, ses liens amicaux avec des personnalités artistiques. Précurseur il a le souci de réserver une large place à la documentation, afin de rassembler et classer tous les documents ayant une valeur historique, documentaire, et artistique : manuscrits, autographes, imprimés, éditions rares, périodiques, estampes, affiches, dessins, photographies, documents techniques, et, ce qui fait l’originalité de cette collection, les recueils d’articles de presse et de programmes. Accessible à tous les chercheurs et professionnels du spectacle, étudiants et documentalistes, cette collection s’organise en 73 inventaires répondant à un classement systématique (qui reflète le classement matériel des documents) découpé en grandes sections: le théâtre français (Rf) et étranger (Re) (œuvres, théâtres, techniques, artistes), la musique et le théâtre musical auxquels ont été ajoutés, la danse, le ballet, le mime, les marionnettes, la chanson, le music-hall, le cirque (Ro) ; les personnalités du monde artistique et littéraire, le cinéma dans sa phase naissante, les périodiques spécialisés, les mouvements littéraires et la critique. Ces inventaires, représentant 800 000 pièces, ou encore 4,5 km de rayonnage, ont été reproduits sur 470 microfiches disponibles par section auprès du service de reproduction de la BnF. Par sa richesse et son approche documentaire ce fonds est, dans son domaine, unique en son genre. L’inventaire méthodique de la collection Rondel est en cours de rétroconvertion.
Rondel, Auguste. "La Bibliothèque Auguste Rondel à la Comédie-Française". Bulletin de la Société de l’Histoire du Théâtre, 1922, n°3-4 Guibert, Noëlle. "Les Arts du spectacle à la Bibliothèque nationale de France : un parcours depuis la collection Auguste Rondel". Art et métiers du livre, 1997, n° 206 : "La Bibliothèque de l'Arsenal", p. 58 Horn-Monval, Madeleine. "Auguste Rondel (1858-1934)". Revue d’Histoire du Théâtre, 1958, t. IV, p. 370-378.
Bengy-Puyvallée, M. de. Catalogue de la collection Rohault de Fleury. Paris, 1908. Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 78.