François Lesure, « The Music department of the Bibliothèque nationale », Notes / Music library association, 1978, p. 251-268.
Collection Aristide Farrenc
Aristide Farrenc (1794-1865). Ce jeune flûtiste marseillais vient à Paris en 1815 pour approfondir ses connaissances musicales. Il est tout d'abord établi comme professeur de flûte mais, dès 1819 monte une maison d'édition musicale qui sera active sous son nom jusqu'en 1836 avec près de 700 œuvres à son catalogue. En 1821, il a épousé Louise Dumont, jeune fille de dix-sept ans, promise à un brillant avenir de compositeur, de pianiste et de pédagogue. Il entretient et soutient le talent de son épouse qui elle-même jouera bientôt le rôle de véritable collaboratrice dans la maison d'édition. En 1841, il met son fonds en dépôt chez l'éditeur Colombier et recentre ses activités sur ses recherches musicologiques. Il prend ainsi une part active à la célèbre Biographie universelle des musiciens de François-Joseph Fétis, relisant les épreuves et effectuant de nombreux ajouts et corrections à la deuxième édition grâce aux recherches bibliographiques qu’il avait en cours. Ses notes de travail sont aujourd’hui conservées sous les cotes Réserve des livres rares. 1932-1933, Réserve des livres rares. 1940-1941, Réserve des livres rares. F. 1131 (I, II, III), Réserve des livres rares. F 1133 (a, b), Réserve des livres rares. F. 1246 1-15.
Le TRéserve des livres raresor des pianistes est une ambitieuse collection conçue et éditée par Aristide Farrenc à laquelle Louise Farrenc prend une part active dès le début, tant pour son élaboration que pour sa diffusion à travers de nombreuses soirées musicales. Le premier volume paraît en 1861, suivi de sept autres. Après la mort de son mari, en 1865, Louise Farrenc s'occupe seule de continuer la préparation et l'édition de cette anthologie qui comptera 23 volumes. Pour son élaboration, c'est à un véritable travail de « musicologues » avant la lettre, que les époux Farrenc se sont livRéserve des livres rares. La page de titre du premier volume est très explicite : « Le TRéserve des livres raresor des pianistes : collection des œuvres choisies des maîtres de tous les pays et de toutes les époques depuis le XVIe siècle jusqu'à la moitié du XIXe siècle, accompagnées de notices biographiques, de renseignements bibliographiques et historiques, d'observations sur le caractère d'exécution qui convient à chaque auteur, des règles de l'appogiature, d'explications et d'exemples propres à faciliter l'intelligence des divers signes d'agréments, etc. etc. recueillies et transcrites en notation moderne par Aristide Farrenc avec le concours de Mme Louise Farrenc compositeur et professeur de piano au Conservatoire Impérial de musique. » Dans la préface et dans l'introduction au premier volume, Aristide Farrenc précise les raisons qui l'ont amené à la publication de ce monument : « Voici enfin la première livraison du TRéserve des livres raresor des Pianistes, cet édifice dont il y a vingt-cinq ans environ je posais, sans m'en douter, les premières bases, en commençant à recueillir les œuvres des anciens clavecinistes. Il y a déjà quelques années, je formai le projet de publier, du moins en partie, ce que d'abord je n'avais recherché que pour mon instruction, mon propre plaisir, et pour satisfaire, en même temps, ma passion de bibliophile […] ». De plus, il explique en détail comment il a réuni ses sources et l'on comprend bien quelle matière sa très riche bibliothèque personnelle a fourni à cet imposant ouvrage. Le catalogue de la vente de la bibliothèque d'Aristide Farrenc comprenait 1537 numéros. La vente s'est déroulée en huit vacations successives, entre le 16 et le 24 avril 1866, proposant des lots d’ouvrages théoriques et pratiques, des éditions en partitions manuscrites ou imprimées du XVIe au XIXe siècles, des collections de revues, des lettres autographes. C'est une preuve éloquente de l'étendue des centres d'intérêt d'Aristide Farrenc et de la passion qu'il partagea avec son épouse pour la musique des siècles passés. C'est aussi malheureusement la preuve que Louise Farrenc, pour faire face à des difficultés financières après la mort de son mari, dut se Réserve des livres raresoudre à vendre sa bibliothèque, pourtant inestimable Réserve des livres rareservoir de sources pour l’élaboration du TRéserve des livres raresor des pianistes. La bibliothèque du Conservatoire a pu disposer d’un crédit exceptionnel, accordé par le ministre des Beaux-arts, afin d’acquérir les ouvrages rares manquant dans ses collections. Les registres d'entrées du Conservatoire fournissent la liste détaillée des deux cents ouvrages qui ont ainsi pu être acquis lors de cette vente (n° 13731 à 13931). Par ailleurs, le Conservatoire a également bénéficié du legs, fait après la disparition de Louise Farrenc en 1875, des manuscrits de ses œuvres musicales, et du complément de sa bibliothèque dont le détail figure au registre des entrées (n° 18430-18603).
Catalogue de la bibliothèque musicale théorique et pratique de feu M. A. Farrenc, ancien professeur et éditeur de musique. Paris, J.F. Delion, 1866. [BnF-Mus. 8° B. 5032
DECROIX Fonds
Collection d’écrits, de manuscrits et de musique concernant Jean-Philippe Rameau, réunie à la fin du XVIIIe siècle, par Jacques Joseph Marie Decroix. (Lille 15 mars 1746 - Lille 28 juin 1826), avocat au Parlement, amateur de belles-lettres et de théâtre. Il est l’auteur de L’Ami des Arts ou Justification de plusieurs grands hommes (Amsterdam, 1776), dans lequel il parle beaucoup de Rameau, et de l’article Rameau de la Biographie ancienne et moderne (1824) de Michaud. Le fonds Decroix, est entré à la Bibliothèque Royale en 1843 grâce à la donation de ses héritiers, les documents portant le cachet "Don de la famille Decroix". Il contient des pièces prestigieuses comme les manuscrits autographes des Paladins, le dernier opéra de Rameau, celui du motet In convertendo et celui de la pièce de clavecin La Dauphine. Il est également d'un grand intérêt pour la connaissance des modes de diffusion de l'oeuvre de Rameau grâce aux ensembles de parties séparées d'extraits d'opéras portant le timbre de Raparlier, à l'époque, organisateur des concerts de Lille. Une place à part doit être faite aux vingt-sept volumes de partitions manuscrites que l'on a considérés comme une tentative de rassembler les "oeuvres complètes" de Rameau à l'instar de ce qui se faisait en littérature. Ces volumes présentent des analogies de format (grandes partitions in-folio), de reliure et de pages de titre, en général calligraphiées et comportant des encadrements ornés. La première partie en dix volumes, fut copiée par Gaspard Alexis Cauvin au plus tard en 1757. Elle comprend Hippolyte et Aricie, Les Indes galantes, Dardanus (versions 1739 et 1744), Platée, Les Fêtes de Polimnie, Les Fêtes de l'Himen et de l'Amour, Zaïs, Naïs, Les Surprises de l'Amour. Les autres volumes peuvent être distribués en sous-ensembles selon les copistes et leur date pRéserve des livres raresumée. Quatre volumes sont datables de 1777, époque où Claude François, le fils de Rameau, prêta à Decroix des autographes et d’autres manuscrits pour la copie. Bien que Decroix n'ait pas pu inclure dans sa collection les copies des cantates, il a recherché des fragments rejetés par Rameau, des versions d’œuvres n’existant pas dans d’autres sources. Il contient aussi la partie de violon de Linus, seule source connue de cette oeuvre disparue.
Elisabeth Lebeau, "J.J.M. Decroix et sa collection Rameau" dans Mélanges d'histoire et d'esthétique musicales offerts à Paul-Marie-Masson, Paris, 1955, t. II, p. 81-91. R. Peter Wolf, "An eighteenth-century Oeuvres Complètes of Rameau" dans Jean-Philippe Rameau. Colloque international organisé par la Société Rameau Dijon 21-24 septembre 1983, actes réunis par Jérôme de La Gorce, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1987, pp. 159-169 (avec liste des volumes en appendice).
Edmond de Coussemaker (1805-1876)
Né à Bailleul (Nord) le 19 avril 1805, Edmond de Coussemaker se destina à la magistrature. Successivement avocat puis juge de paix, il exerça dans plusieurs villes du nord de la France. Ses travaux concernant l’histoire de la musique constituèrent toutefois une part importante de son activité et l’amenèrent à s’intéresser aussi bien à l’harmonie qu’à la chanson populaire ou aux anciennes notations musicales. Plusieurs ouvrages naquirent du fruit de ces recherches, notamment une édition des œuvres complètes d’Adam de la Halle – poésie et musique – parue en 1872 ainsi que la continuation du recueil Scriptorum de musica medii aevi, entrepris par le moine Gerbert, dont il publia quatre volumes de 1864 à sa mort.
Edmond de Coussemaker avait constitué une riche bibliothèque qui fut vendue lors d’une vente publique à Bruxelles en 1877. La Bibliothèque royale de Bruxelles acquit de nombreux volumes et la bibliothèque du Conservatoire de Paris s’enrichit également de 90 titres environ, concernant l’histoire de la musique. Quelques traités rares entrèrent ainsi dans ses collections tels les Opuscula musices de Simon Quercu ou le Musurgia seu praxis musicae de Luscinius. Les ouvrages acquis sont d'une grande diversité : publications du XIXe siècle (collection de 11 volumes du prince de la Moskowa, écrits de Joseph d'Ortigue), du XVIIIe siècle (L'Art de toucher le clavecin de François Couperin, quelques volumes de l'Almanach musical), des ouvrages théoriques manuscrits ou imprimés, des recueils rares de chansons (Ronsard mis en musique par Nicolas de La Grotte). Le carnet des entrées du fonds du Conservatoire donne le détail de cette acquisition (numéros 19870 à 19960 enregistrés au cours du deuxième trimestre 1877).