Jean -Charles Seguin (Paris,1857-1908) est le descendant d’une grande famille d’industriels originaires d’Annonay (Ardèche). Les cinq frères Seguin, Marc (1786-1875), Camille (1793-1852), Jules (1796-1868), Paul (1797-1875 et Charles (1798-1856) avaient révolutionné l’industrie française par leurs innovations techniques. Auteurs de 186 ponts suspendus, ils avaient également amélioré les transports ferroviaires par l’utilisation de la machine à vapeur et de nouveaux types de rails. Fils de Paul et de Thérèse Seguin, fille de Camille, Jean-Charles Seguin vécut de l’héritage familial dans son hôtel du 8 rue de Penthièvre et dans sa propriété de Saint-Cloud. Au cours de ses nombreux voyages, il réunit une collection d’objets d’art, notamment du Moyen-Age, de la Renaissance et du XVIIIe siècle. Une partie fut léguée au Musée du Louvre, à concurrence d’un million de francs. Par testament du 19 décembre 1901, il lègua tous ses camées et pierres gravées, montées ou non montées, au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Ce legs ne fut accepté par le Ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts que le 28 août 1909 après avis favorable du comité consultatif de la Bibliothèque Nationale le 30 janvier 1909. Les 570 pierres gravées sont inventoriées dans le registre d’entrée H, sous les numéros 2413 à 2983. La plupart sont des intailles d’époque moderne, probablement récoltées en Italie. Un certain nombre sont signées de graveurs romains, notamment des frères Pichler et de Berini (1790-1861). Signalons deux très belles intailles de Luigi Pichler (1773-1854), représentant la mort de Laocoon et le Taureau Farnèse. Une trentaine d’intailles en améthyste ou cornaline proviennent de la collection du Prince Poniatowsky (1754-1833). Ce dernier, installé à Rome à partir de 1800, commanda à des artistes des pierres gravées sur des thèmes antiques, qu’il fit signer de noms de graveurs grecs illustres ou inventés.
Gustave Schlumberger (1844-1929)
Bien que né à Guebwiller, berceau de la famille, Gustave Schlumberger passa toute sa jeunesse à Pau, où deux de ses passions s’enracinèrent très tôt : celle de la numismatique, et celle de l’épopée napoléonienne. Parti en 1863 faire sa médecine à Paris, il achèvera cet apprentissage dans l’horreur de la guerre de 1870 comme ambulancier. Il publie, la même année, 1873, sa thèse de médecine — sa dernière contribution à la profession médicale — et sa première publication numismatique, sur les Bractéates d’Allemagne. Il allait consacrer sa vie, dorénavant, à la collection, à l’érudition, au voyage et à la vie mondaine.
Son intérêt de collectionneur s’attache d’abord à l’Orient latin, dont il rassemble — et publie — les monnaies et les sceaux. Sa curiosité pour cette époque et ces lieux le conduit à l’érudition byzantiniste. Sa collection de sceaux de plomb byzantins, qu’il publie sous le titre de Sigillographie de l’Empire byzantin, en 1884, est le socle de son entreprise d’écrire l’histoire de « L’épopée byzantine », d’Un Empereur byzantin au dixième siècle, Nicéphore Phocas (1890) aux trois volumes de L’épopée[…] publiés en 1896, 1900 et 1905, couvrant la période de la fin du Xe siècle jusqu’aux premiers Porphyrogénètes, au milieu du XIe siècle.
Sa passion de la collection et de l’érudition ne s’épuisait pas dans l’Empire byzantin : outre les bractéates, il collectionna également les monnaies du Béarn, des objets égyptiens de l’époque pharaonique, des bronzes romains, des sceaux-cylindres assyriens, etc. Méticuleux jusqu’à l’anxiété, comme le sont souvent les collectionneurs, il prit pour chacune de ses collections des dispositions précises, la plupart testamentaires. « Strasbourg, capitale de l’Alsace redevenue française » — ce sont les propres termes de son testament — et capitale de la région d’origine de sa famille, a hérité de la majeure partie des collections, réparties entre le musée archéologique et le musée des Arts décoratifs. Pau recueille sa collection de monnaies du Béarn, la bibliothèque de l’Institut la plus grande partie de sa propre bibliothèque, ainsi que sa correspondance, le musée Carnavalet hérite des gravures, aquarelles et peintures. Quelques statuettes égyptiennes, des bronzes romains et des bijoux des XIe et XIIe siècles échoient au Louvre. Enfin, le Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, où il passa tant d’heures studieuses avec son ami le conservateur Adrien Blanchet, reçut ses collections de monnaies, de sceaux et matrices de sceaux, de pierres gravées, amulettes et sceaux-cylindres entrées sous le numéro Y.12703, dont l’inventaire sommaire figure sous la cote Inv. 129 SCH.
Outre les très nombreuses publications de Schlumberger lui-même dont la bibliographie exhaustive à la date de 1924 a été établie par Adrien Blanchet dans les Mélanges offerts à M. Gustave Schlumberger à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de sa naissance […], Paris, 1924, voir : Morrisson, Cécile, Catalogue des monnaies byzantines de la Bibliothèque nationale, 2 vol., Paris, 1970. Bordreuil, Pierre, Catalogue des sceaux ouest-sémitiques inscrits de la Bibliothèque nationale, du Musée du Louvre et du Musée biblique de Bible et Terre Sainte, Paris, 1987. [Strasbourg. Musée archéologique.] Antiquités égyptiennes de la collection G. Schlumberger, par Annie Schweitzer […] et Claude Traunecker […], (Inventaire des collections publiques françaises ; 43), Musées de Strasbourg / RMN, 1998.
Inventaire manuscrit : MMA-129 Trois donations byzantines… Paris : BnF, 2001
Élève de Vincent d’Indy à la Schola cantorum, Marie-Olivier-Georges Poulain, Comte de Saint-Foix, fut très tôt encouragé par Théodore de Wyzewa à étudier la musicologie. Ses recherches l’amenèrent à se spécialiser sur la musique instrumentale du XVIIIe siècle, et plus particulièrement sur celle de Mozart à qui il consacra une importante monographie en 5 volumes en partie écrite avec Wyzewa (W. A. Mozart : sa vie musicale et son œuvre. Paris, 1912-1946). Mais il publia également de nombreux articles et ouvrages sur les musiciens de cette époque (J. Schobert, G. B. Sammartini, C. W. von Gluck, J. C. Bach, L. Boccherini, etc.), sur les débuts de la symphonie et sur l’école française de pianoforte. Avec T. de Wyzewa, il fonda la Société Mozart en 1901. Comme membre de l’Académie des arts et sciences d’Aix-en-Provence, il participa à la direction artistique du festival d’art lyrique de cette ville. Il fut aussi l’un des membres fondateurs de la Société française de musicologie, dont il fut le président par deux fois.
L’ensemble de la bibliothèque de G. de Saint-Foix et de ses papiers de travail a été donné en 1967 au département de la Musique de la Bibliothèque nationale par son neveu, Georges de Langalerie, comte de Saint-Foix, et ce à la demande de la veuve du musicologue. L’ensemble de cette importante collection rassemble des documents de natures très diverses : - 230 manuscrits musicaux datant pour la plupart du début du XXe siècle et correspondant à la mise en partition d’oeuvres du XVIIIe siècle n’existant que sous forme de parties séparées (L. Boccherini, G. M. Cambini, J. et M. Haydn, W. A. Mozart, G. B. Sammartini, etc.) ou à leur transcription pour un effectif instrumental différent de celui de l’œuvre originale ; - 130 imprimés musicaux, pour la majorité du XVIIIe ou du début du XIXe siècles, rassemblant des oeuvres de J. C. Bach, L. Boccherini, M. Clementi, J. Haydn, W. A. Mozart, G. B. Pergolesi, I. Pleyel, etc. Certains exemplaires en doubles avec les collections du département de la Musique ont été donnés à l’époque à la bibliothèque municipale de Marseille ; - des livres et périodiques, avant tout sur la musique du XVIIIe et du début du XIXe siècles, mais pas uniquement ; - des portraits de musiciens : C. F. Abel, C. W. von Gluck, J. et M. Haydn, N. Jommelli, W. A. Mozart, … ; - des éditions en fac-similés d’oeuvres musicales du XVIIIe siècle (essentiellement de Mozart) ; - la correspondance entre G. de Saint-Foix et divers compositeurs, musiciens et musicologues (J. Ecorcheville, L. de La Laurencie, W. Landowska, Ch. Malherbe, C. Saint-Saëns, C. Van Den Borren,…). Cette correspondance peut être complétée par la consultation de lettres autographes écrites par Georges de Saint-Foix et entrées au département de la Musique avec d’autres fonds (R. Brüssel, M. Pincherle). - les papiers de travail de Georges de Saint-Foix : brouillons et ébauches d’articles et d’ouvrages, textes de conférences, notes manuscrites, dossiers consacrés à des compositeurs, carnets, agendas, transcriptions musicales, etc.
Pincherle (Marc) - « In Memoriam Georges de Saint-Foix », Revue de musicologie, 1954, décembre 1954, XXXVI, p. 95-98.
Richter (Wolfgang) - « Georges de Saint-Foix », Acta mozartiana, 1954, 1, p. 50-52.
Schenk (Erik) - « Georges de Saint-Foix », Österreichische Musikzeitschrift, 1954, IX, p. 244
Van Den Borren (Charles) - « In Memoriam Georges de Saint-Foix », Revue belge de musicologie, 1954, VIII, 1, p. 3-4
François Lesure, « The Music department of the Bibliothèque nationale », Notes / Music library association, 1978, p. 251-268.
Michel Saint-Denis (1897-1971)
Metteur en scène, directeur de théâtre, professeur d'art dramatique, acteur.
Au lendemain de la Première guerre mondiale, Michel Saint-Denis entre au Théâtre du Vieux-Colombier, dirigé par son oncle Jacques Copeau, comme administrateur, mais aussi comme directeur de scène et acteur. En 1920, il suit Jacques Copeau en Bourgogne et participe aux aventures de la compagnie des Copiaus qui sillonne villes et villages de la région. Au cours de cette même période, il collabore, avec Jean Vilar à l’écriture de deux pièces : La danse de la ville et des champs, et L’araignée et les jeunes gens ou la tragédie imaginaire.
En 1930, il fonde sa propre troupe, la Compagnie des Quinze, qui s’installe au Théâtre du Vieux-Colombier, où il met en scène des textes d’André Obey, Jean Variot, Armand Salacrou, Jean Giono…. Cette compagnie est dissoute en 1934. Michel Saint-Denis s’installe alors à Londres où il fonde, sur les principes de Copeau, le London Theatre Studio, qui est à la fois une compagnie permanente et une école d’art dramatique. Par son enseignement il acquiert une certaine aura et contribue au renouveau du théâtre anglais. Alec Guiness, Laurence Olivier, Peter Ustinov… seront ses élèves ou ses collaborateurs.
Mobilisé en 1939 dans l’infanterie coloniale, il devient officier de liaison pour le quartier général anglais. En 1940, il est chroniqueur à la section française de la BBC. Sous le pseudonyme de Jacques Duquesne, il anime jusqu’en 1944, une émission quotidienne demeurée célèbre : Les Français parlent aux Français.
Au lendemain de la guerre il poursuit ses activités à la BBC et oeuvre, avec Hugh Hunt et George Devine, à la réorganisation de l’Old Vic Theatre et à la création en son sein d’une école d’art dramatique.
En 1952, il prend la direction du Centre dramatique de l’Est, installé à Colmar, l’un des nouveaux centres dramatiques de la décentralisation. En 1953, ce Centre déménage à Strasbourg, avec son école, seule institution de ce type reconnue par l’Etat au sein d’un établissement de la décentralisation.
En 1957, il est appelé comme conseiller artistique au Théâtre National du Canada, à Montréal, puis devient codirecteur de la Julliard Drama Division au Lincoln Center de New York. En 1962, il retourne à Londres, où il assure, avec Peter Brook et Peter Hall, la direction de la Royal Shakespeare Compagny.
Il se retire à Londres en 1969 où il décède deux ans plus tard.
Les archives de Michel Saint-Denis ont été léguées au département des Arts du spectacle par sa fille et sa belle-fille. Les manuscrits, imprimés, notes de mises en scène, plans, partitions, photographies, correspondance, coupures de presse, programmes… permettent de retracer l’ensemble de sa carrière et de son œuvre. Elles comportent aussi divers documents relatifs à Jacques Copeau et au Théâtre du Vieux-Colombier.
L’inventaire de ce fonds, coté 4-COL-83, est disponible dans la salle de lecture du département des Arts du spectacle sous la cote 017 INV THE 55
SAINT-DENIS, Michel. Theatre : the rediscovery of style. Introd. by Sir Laurence Olivier. New York : Theatre Arts Books, 1986. 113 p.
SAINT-DENIS, Michel. Training for the theatre : premises and promises. Ed. by Suria Saint-Denis. New-York : Theatre arts books ; London : Heinemann, 1982. 243 p.-[8] p. de pl.
BALDWIN, Mederos Jane. Michel Saint-Denis and the shaping of the modern actor. Westport (Connecticut) : Praeger. XIX-218 p. (Lives of the theatre) (Contributions in drama and theatre studies; 104).
GOUMEL, Jean-Baptiste. Michel Saint-Denis : un homme de théâtre : 1897-1971. Paris : Université Paris I Panthéon Sorbonne, 2005. 2 vol. (200, 387-XLV p.).
Le 30 août 1897, Nicolas-Joseph-Jules Rouyer léguait sa collection de jetons et de méreaux au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale. Il décéda l’année suivante, le 10 février 1898, et sa collection fut transportée rue de Richelieu le 15 mars. D’origine lorraine, Jules Rouyer était né à Carvin dans le Pas-de-Calais le 17 décembre 1820. Il publia son premier article dans la Revue numismatique en 1844, année où il entra comme surnuméraire dans l’administration des Postes, où il devait faire toute sa carrière. Directeur départemental des postes à Nancy pendant la guerre de 1870-1871, il assura, après la paix, la réorganisation du service dans le nouveau département de Meurthe-et-Moselle, qui réunissait l’ancien département de la Meurthe et la portion de la Moselle laissée à la France par le traité de Francfort. Malade, il prit sa retraite en 1874, quitta Nancy et s’installa à Thiaucourt. Avant comme après sa retraite, Rouyer fut à la fois un grand collectionneur et l’auteur de très nombreux articles dans la Revue numismatique et dans la Revue belge de numismatique, études consacrées notamment à la numismatique belge et lorraine. On peut citer parmi ses derniers grands travaux L’œuvre du médailler Nicolas Briot en ce qui concerne les jetons, Nancy : R. Wiener, 1895. L’ouvrage le plus important de Rouyer est cependant l’Histoire du jeton au Moyen Age, livre pionnier écrit avec Eugène Hucher (Paris : Rollin, 1858), qui fait de lui le véritable fondateur d’une étude scientifique des jetons et reste aujourd’hui un usuel qui n’a pas d’équivalent pour la période moderne. La collection Rouyer compte 5 025 pièces, embrassant l’histoire du jeton depuis le XIIIe siècle jusqu’au commencement du XIXe. Au sein de la série de jetons du département des Monnaies, Médailles et Antiques, cette collection tient une place prépondérante : avant l’entrée de la collection Rouyer, le Cabinet possédait moins de 400 jetons du Moyen Age ; le legs de 1897 y ajouta plus de 1 800 unités. Le catalogue de la collection, établi par Henri de La Tour en 1899, respecte le classement opéré par Jules Rouyer. Depuis plus d’un siècle, ce catalogue constitue un ouvrage de référence pour l’étude des jetons français. Si les jetons Rouyer ont été insérés dans la suite générale des jetons du département, ils bénéficient cependant d’une double cotation, celle du département et celle que leur a attribué le catalogue La Tour. Curieusement, le legs de la collection Rouyer n’est pas signalé dans le registre d’entrées du Cabinet des médailles.
Blanchet (Adrien), Dieudonné (Adolphe), Manuel de numismatique française, Paris : Picard, 1930, t. III, p. 204-510. Engel (Arthur) et Serrure (Raymond), Répertoire des sources imprimées de la numismatique française, Paris, 1887-1889, t.II, p. 278-284, et t. III, p. 37. La Tour (Henri de), Catalogue de la collection Rouyer léguée en 1897 au département des médailles et antiques, Paris : Ernest Leroux, 1899. 2 volumes.