Né aux États-Unis en 1878, Herman Webster, artiste, peintre, graveur, fut élève de Mucha puis de Jean-Paul Laurens et exposa pour la première fois au Salon en 1905. Il servit dans l'armée française durant la guerre de 1914-1918 en tant qu'engagé volontaire et refusa de quitter la France pendant la guerre de 1939-1945, servant autant qu'il le put la cause alliée. Fondateur de la Société des Amis des Vieux Moulins en 1928, association destinée à la sauvegarde des moulins à vent en France, il passa le reste de sa vie à dénombrer, classifier, dessiner, photographier ces édifices. Il a publié de nombreux articles dans l'Illustration, la Revue du Touring Club, la Vie à la campagne, etc.
Par son testament daté de 1963, il lègue à la Bibliothèque Nationale un exemplaire de toute gravure faite de sa main ainsi que sa collection sur les moulins à vent: photographies, estampes, dessins, livres, cartes, notes dactylographiées et manuscrites. Sa collection est enregistrée selon sa volonté sous le nom de "collection H.A. Webster et Germaine Huard Webster". Les liens qui l'unissaient à la Bibliothèque Nationale étaient étroits et anciens. "L'accueil et la confiance que j'ai trouvés de tous temps à la Bibliothèque sont parmi les liens les plus puissants qui -déjà nombreux- me lient pour toujours à la France" écrivait-il à Jean Laran, futur directeur du Département des Estampes, en 1930. Ami de Jean Vallery-Radot, de Jean Laran et de Jean Prinet, il avait déjà, en 1962, offert au Cabinet un bel ensemble de gravures de Mac Laughlan. Sa superbe collection était déjà montée dans des boîtes au format du département. Il mourut en 1970, et sa femme, qui en avait gardé l'usufruit, en 1980. La collection entra à cette date dans nos rayons.
Cote : la 80 b Rés., dessins ; la 81 Rés., 20 boîtes ; la 82 Rés. 30 portefeuilles in-4°.
Ecrivain et homme politique français, Victor Schoelcher est surtout connu du grand public pour son combat contre l’esclavage, aboli par le gouvernement provisoire de 1848, alors qu’il était sous-secrétaire d’Etat aux colonies. On ignore plus souvent que cet autodidacte, issu d'une famille alsacienne de fabricants de porcelaine, fut également critique d’art, collectionneur et musicologue averti. C'est pendant son exil politique à Londres (1851-1870) que Schoelcher découvrit la musique de Georg Friedrich Haendel, et s'attacha à l'étude de la vie et de l'œuvre du grand musicien saxon naturalisé anglais, dont il admirait notamment les "sublimes oratorios (…) bâtis comme les temples d'Egypte". Il réunit au fil de ses dix-neuf années d'exil un matériel très complet autour de l'œuvre de Haendel, dont il dressa un catalogue resté manuscrit. En 1857, paraissait en anglais sa biographie The Life of Haendel, qui marquait une avancée importante dans la connaissance de l'oeuvre du compositeur. De retour à la vie politique en 1870, ce collectionneur éclairé eut à cœur de rendre accessibles au plus grand nombre la vaste bibliothèque politique, littéraire et musicale, ainsi que les diverses collections qu'il avait rassemblées. Il en fit don successivement, de son vivant, à de grandes institutions publiques : la Bibliothèque nationale (1884 et 1893) et la Bibliothèque de Fort-de-France se partagèrent ainsi plusieurs dizaines de milliers de volumes, tandis qu'environ 9000 gravures étaient données dans le même temps à l'Ecole des Beaux-Arts (1879-1885). Dès 1872, sa collection d’instruments exotiques - rassemblée dans sa jeunesse lors de ses voyages aux Antilles ou en Amérique du Sud - était donnée au Musée du Conservatoire, tandis que plusieurs articles parus dans la Revue et Gazette musicale saluaient le don généreux de sa bibliothèque musicale d’Haendeliana à la Bibliothèque du Conservatoire (1872-1873). Cette dernière, conservée aujourd’hui au département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France (ancien fonds du Conservatoire), constitue le "Fonds Schoelcher". Constituée autour de Haendel et des compositeurs anglais contemporains, cette collection est remarquable, tant par son ampleur que par la valeur et l’origine des documents, dont certains ont appartenu à Haendel. Pour chacune des œuvres sont rassemblées des éditions princeps ou originales, des copies manuscrites d'oeuvres inédites conservées au Royaume-Uni (collections royales de Buckingham Palace et du Fitzwilliam Museum), en Allemagne et en Italie, des arrangements et œuvres pastiches contemporaines, ainsi qu'un fonds important de livrets, programmes et coupures de presse. Au total, plus de 3000 documents, "depuis les autographes les plus sérieux jusqu'aux bluettes les plus oubliées", sans oublier les manuscrits de Schoelcher lui-même. Seules y manquent les "conducting scores" annotées par Haendel, vendues par Schoelcher à la ville de Hambourg en 1868. La collection Schoelcher fut enregistrée en deux temps dans les registres du Conservatoire : dès 1873, les éditions précieuses de maîtres étrangers, italiens et surtout anglais des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, absentes des collections du Conservatoire, étaient entrées dans le fonds général et placées à la Réserve. En 1910, les grandes éditions imprimées et manuscrites des œuvres de Haendel (dont 65 éditions du Messie), de même que les livrets, les programmes et les coupures de presses, étaient enregistrées mais laissées en cartons faute de place ; la collection était cependant accessible aux spécialistes, tel Romain Rolland , auteur d'une biographie de Haendel, qui la consulta en 1910. En avaient été cependant soustraites les éditions de musique française des XVIIe et XVIIIe s. (113 vol.), considérées comme des doubles et échangées en 1911 contre une très belle édition de Motets de Petrucci (1503). Ce n’est qu’à partir de 1951 qu'on entreprit de classer le fonds Schoelcher sous la cote « Rés.V.S ». 2152 documents, soit environ les deux tiers de la collection, étaient ainsi catalogués sur fiches en 1985. Le catalogue complet et détaillé de l'ensemble du fonds est en cours.
La riche bibliothèque de ce républicain convaincu, resté dans l’histoire comme ayant activement œuvré à l’abolition de l’esclavage, est aujourd’hui en partie conservée à la Bibliothèque nationale de France, partagée entre le départements des Manuscrits, celui de la Réserve des livres rares et les départements thématiques. En effet, parallèlement au don de plusieurs milliers d’ouvrages qu’il fit en 1883 à la Martinique, qui devaient être conservés à Fort-de-France, à la « Bibliothèque Schoelcher », consacrée à la lecture publique, et dont bien peu subsistent (la plus grande partie y ayant subi un incendie en 1890), il remit en 1884 à la Bibliothèque nationale un ensemble de documents à caractère historique, politique et social. Pour ce qui concerne les documents imprimés (livres, pièces et périodiques), il existe un catalogue de 1776 notices, rédigé dès 1884, décrivant les documents par ordre alphabétique d’auteurs, ou de titres pour les anonymes (y compris un ensemble de périodiques anglo-saxons rares). Ils ont été versés dans les différentes lettres de matières, et sont aujourd’hui partagés entre les départements thématiques et la Réserve des livres rares. Ils concernent principalement l'histoire, surtout politique, de la France des XVIIIe et XIXe siècles, l’histoire de ses colonies antillaises et, plus généralement, de toute la région des Caraïbes. Le thème de l’esclavage est prépondérant. A ce titre, les publications de langue anglaise, tant imprimées à Londres qu’aux Etats-Unis, achetées pendant ses années d’exil à Londres (1852-1870) ou envoyées par ses nombreux correspondants, émanant de groupements abolitionnistes, philanthropiques ou maçonniques, y figurent en abondance malgré leur rareté. En particulier, les fonds Lk12 (histoire des colonies françaises), Nt (histoire des colonies britanniques), Pb (histoire des Etats-Unis), Pu (histoire d’Haïti) doivent une grande partie de leurs accroissements à cette source. Par ailleurs, le deuxième tiers du XIXe siècle y étant particulièrement bien représenté, ce don complète la collection de l’abbé Grégoire (voir ce nom), elle aussi riche en publications anti-esclavagistes, des trois premières décennies du siècle celles-là. Les ouvrages issus de ce don portent tous l’estampille spéciale « Don Schoelcher ». Ils ont été majoritairement transférés à la Réserve des livres rares dans le fonds « Résac ». Enfin, en janvier 1893 entrèrent à la Réserve des livres rares une trentaine d’ouvrages, exemplaires sur grand papier ou sur vélin, ou reliés au chiffre de Victor Schoelcher. Parmi eux figure l’exemplaire de Notre-Dame de Paris de Victor Hugo que Victor Schoelcher fit relier par Capé avec un décor doré par Marius-Michel et qui fut présenté à l’Exposition de 1849.
Fonds Romain Rolland au Département de la musique
Romain Rolland (1866-1944) a été très tôt un mélomane averti et un bon pianiste. C’est sous la pression de ses parents qu’il renonce à l’idée d’entreprendre une carrière musicale, prépare et réussit le concours de l’Ecole Normale. Il n’abandonne cependant pas la musique, puisqu’il consacre une de ses thèses aux Origines du théâtre lyrique moderne : l'histoire de l'opéra avant Lulli et Scarlatti (1895), et devient finalement le premier titulaire de la chaire d’histoire de la musique à la Sorbonne. Moins connue du grand public que son engagement intellectuel et que son œuvre littéraire, son activité musicologique n’a jamais cessé, même après sa retraite en 1911. A partir de 1928, il écrit en effet une vaste étude sur Beethoven, en 7 volumes (publiée de 1929 à 1949), et continue à entretenir une abondante correspondance avec des musicologues et des compositeurs, comme Henry Prunières, Paul Dupin ou Ernest Bloch.
La bibliothèque musicale de Romain Rolland est le reflet de ces liens avec la musique. La plupart des volumes sont des éditions contemporaines datant de la fin du XIXe et du début du XX e siècle, mais Romain Rolland possédait également quelques autographes musicaux (Bach, Berlioz, Mozart), et une quarantaine de partitions du XVIIIe siècle, dont il aimait particulièrement la musique. Bien entendu, les goûts musicaux de Romain Rolland, bien connus par ailleurs au travers de sa production littéraire et musicologique, apparaissent nettement, et l’on ne sera pas surpris de trouver dans cette bibliothèque plus d’œuvres de Beethoven, de Haendel et Richard Strauss, que de Verdi ou de Rossini. De nombreux volumes comportent des ex-libris et des annotations. On trouve dans ce groupe les premières partitions que Romain Rolland a pu posséder, datant de ses années de lycée ou d’Ecole Normale : adolescent et jeune homme, il aimait à y inscrire non seulement son nom, mais aussi des détails sur le moment où il avait entendu l’œuvre en concert, et de brefs commentaires. Certaines sont des étrennes offertes par ses parents, le fait étant alors dûment consigné sur l'une des pages de garde. Cette partie du fonds est la plus détériorée, car elle a probablement été la plus manipulée, lors d’exécutions au piano, ou de lectures suivies en concert. C’est le cas par exemple de la partition des Ruines d’Athènes de Beethoven, œuvre dont la découverte a correspondu, selon les termes mêmes de Romain Rolland dans son journal, à une crise spirituelle. Dans le même ordre, certaines partitions, soigneusement reliées aux initiales RCR, gardent le souvenir de soirées musicales passées en compagnie de sa femme Clotilde Bréal, dont il devait divorcer en 1901. Très souvent également, Romain Rolland écrit dans les marges de ses partitions de courtes analyses musicologiques, et effectue des rapprochements entre œuvres musicales. Ces annotations marginales ne sont pas seulement un élément de la préparation de ses cours de professeur d’histoire de la musique, elles sont présentes dès les partitions de jeunesse et témoignent de son intérêt profond pour les œuvres.
Enfin, le fonds comporte quelques rares partitions portant en timbre sec l’ex-libris du père Romain Rolland, Emile Rolland et celui de sa sœur, Madeleine Rolland. Sa notoriété allant croissant, des compositeurs et des éditeurs adressent spontanément leurs œuvres à Romain Rolland dès leur parution, accompagnées ou non d’une dédicace. Certains grands ensembles de partitions d’auteurs contemporains, témoignent de relations proches, dont on trouve l’écho dans les correspondances : c’est le cas notamment des partitions de Lucien et Mary Haudebert et d’Ernest Bloch. La bibliothèque musicale de Romain Rolland conservée au département de la Musique comprend 1250 volumes de musique imprimée principalement, cotés dans le fonds général et en cours de catalogage dans BN-Opaline. Elle comporte aussi un ensemble de partitions musicales russes, et quatre boîtes de copies manuscrites de partitions anciennes, la plupart effectuées par Romain Rolland ou son épouse Clotilde pour sa thèse sur l’opéra italien. Le département de la musique conserve en outre des exemplaires de livres de Romain Rolland sur la musique, catalogués dans BN-Opale Plus.
(Z. Romain Rolland)
Romain Rolland, écrivain français, né à Clamecy en 1866, décédé à Vézelay en 1944. Prix Nobel de littérature en 1915.
A travers sa bibliothèque constituée de ses œuvres, de celles achetées, reçues, c'est le parcours d'une vie qui nous est livrée. De "l'âme enchantée" d'un Jean-Christophe, de son intérêt pour Beethoven, Michel Ange, Tolstoï, des interrogations mystiques, de la découverte d'une sagesse brahmanique, de l'action sociale, il y a tout au long de ces rangées de livres, la pensée de Romain Rolland, son regard universel resté fidèle à son idéal d'humanité. Il ne s'agit pas d'un fonds bibliophilique, il est même en mauvais état mais demeure remarquable du point de vue intellectuel et historique. Il rassemble de nombreux ouvrages dédicacés de Louis Aragon, Jean-Richard Bloch, Marcelle Capy, Jean Cassou, Paul Claudel, Albert Cohen, Copeau, René Crevel, Georges Duhamel, Sigmund Freud, Gandhi, Paul Ginisty, Gorki, Lugné-Poe, Charles Péguy, Jérôme et Jean Tharaud, René Vallery-Radot, Stefan Zweig, etc. Il présente également des exemplaires sur japon impérial, sur vélin, sur hollande, sur vergé d’arches, sur alpha, certains sont reliés pleine peau, demi-chagrin, d’autres encore possèdent des suites de bois gravés, des dessins originaux, certains sont annotés, beaucoup enfin portent l’ex-libris de Romain Rolland. Ce fonds d’une grande variété, est un dépôt de la Chancellerie des Universités de Paris, seuls 3000 ouvrages sur les 15000 auxquels il faut rajouter de nombreux périodiques, appartiennent en réalité à la Bibliothèque nationale de France.
Petit rappel historique, le 20 juin 1950 et le 18 avril 1951, Mme Romain Rolland, légataire universelle fait donation à l'Université de Paris des livres, manuscrits, droits, créances et titres de rentes françaises. L'Université de Paris s'engage alors à préserver "l'héritage spirituel de Romain Rolland" et à organiser une salle particulière à la Bibliothèque Sainte-Geneviève pour accueillir ce fonds en vue d'une Fondation Romain Rolland. En 1961, Mme Romain Rolland conteste la sécurité des locaux, en 1970, sur l'ordre du Recteur, des travaux complémentaires sont exécutés mais ne lui donnent pas plus satisfaction. En 1977, Mme Romain Rolland envisage alors de donner à la Bibliothèque Nationale tous les documents donnés à l'Université de Paris, sans pour autant intenter une action en révocation de sa donation pour inexécution des charges et conditions. Le Recteur de l'Académie de Paris, Chancelier des universités de Paris propose que le fonds Romain Rolland reste la propriété des Universités de Paris, mais que les documents soient déposés à la Bibliothèque Nationale. Le 5 mars 1979, l'Administrateur général de la Bibliothèque Nationale se déclare disposé à accepter le dépôt envisagé par Mme Romain Rolland et par le Recteur chancelier. L'Administrateur général accepte de recevoir en dépôt les documents énumérés dans les actes de donation du 20 juin 1950 et du 18 avril 1951, sans que ce dépôt implique un quelconque transfert de propriété. Une liste notariale est établie pour l'ensemble des volumes qui ont ainsi transité à la Chancellerie puis à la Bibliothèque nationale de France.
En raison de l’importance en volume du don, un des plus importants avec le fonds Barrès un 1er classement a été effectué séparant d’une part les œuvres de Romain Rolland et d’autre part les volumes de sa bibliothèque. Les volumes de sa bibliothèque ont ensuite été répartis selon deux sections, les ouvrages en caractères non latins et ceux en caractères latins. L'ensemble du don recense un nombre considérable des œuvres de Romain Rolland, traduites dans les langues les plus rares, ce qui n’est pas le moindre intérêt de ce fonds : albanais, macédonien, serbo croate, slovène, langues baltes, polonais, roumain, hongrois, tchèque, slovaque, vietnamien, néerlandais, scandinave, finlandais, turc, grec, russe, japonais, bulgare, chinois, coréen, géorgien, hébreu, yiddish, arménien, langues indiennes, arabe, persan. Concernant les œuvres de Romain Rolland, on recense environ 50 titres en français soit 1200 volumes et 2500 traductions. Un fonds important de brochures, antérieurs ou postérieurs à la mort de Romain Rolland, en provenance d'Allemagne, d'Europe centrale, de Russie, d'Inde et des pays d'Asie du Sud-est, d'Algérie, etc. concernant la guerre, le pacifisme, les minorités opprimées. Des périodiques anciens ou précieux, de nombreuses publications émanant des mêmes organismes ou pays que les brochures citées précédemment, en particulier l'Inde. On peut remarquer aussi un petit fonds de brochures ou périodiques concernant l'histoire locale, notamment concernant Clamecy et sa région, comprenant même quelques documents anciens (factums…).