Bauffremont, Eugène de
Le duc Eugène de Bauffremont, décédé le 30 août 1917, avait souhaité léguer ses papiers de famille et ses archives pour partie aux Archives nationales, et pour partie à la Bibliothèque nationale. Suite à un partage à l’amiable entre les deux établissements, la Bibliothèque nationale a reçu en février 1931 du fils du défunt, le duc Théodore de Bauffremont, 282 volumes in-folio, la plupart reliés en maroquin rouge. Ils ont été inscrits dans les nouvelles acquisitions françaises (Nouv. acq. fr. 23350 à 23631) et forment, selon la volonté du donataire, la collection Bauffremont. La majorité des pièces proviennent des archives de la famille de Loménie, dont les membres ont rempli les plus grandes charges gouvernementales sous Henri IV, Louis XIII, Louis XIV et à la fin de l’Ancien régime. La collection Bauffremont comprend trois groupes bien distincts : • Une copie (incomplète) de la « Collection de Brienne ». Cet exemplaire est disposé dans un ordre méthodique différent de celui de la collection originale, également conservée à la Bibliothèque nationale. L’inventaire de la collection Bauffremont dressé par P.-M. Bondois contient une concordance avec la collection de Brienne. • 21 volumes provenant des archives des Loménie de Brienne (papiers d’Etat réunis par les Loménie durant leurs ministères, documents du cardinal de Brienne, parchemins relatifs aux charges de la famille). Cet ensemble comptait à l’origine 26 volumes, un par lettre de l’alphabet ; il nous reste aujourd’hui les volumes A, D, S, Z, ainsi que des extraits et des inventaires pour les volumes C, F, H, L, M, P, Q, R, T et Y. On y trouve nombre de renseignements sur les affaires intérieures et les rapports avec les puissances étrangères. Citons par exemple les mémoires du comte Charles-François de Broglie sur la politique secrète de Louis XIV (Bauffremont 265-271 = Nouv. acq. fr. 23614-23620). • 11 tomes de dossiers divers, principalement sur l’histoire de France du XVIIe au XIXe siècle (Bauffremont 272-282 = Nouv. acq. fr. 23621-23631). Cet ensemble contient notamment les papiers de Mme de Pompadour et des autographes d’hommes politiques et d’écrivains des XVIIIe et XIXe siècles surtout.
À noter que les volumes doivent être demandés sous leur cote "Nouv. acq. fr.", et non avec leur numéro dans la collection Bauffremont.
Bondois, Paul-Marie. "Inventaire de la collection Bauffremont (Collection de Brienne, papiers de Loménie, etc)", Bibliothèque de l'École des chartes, 1931, t. 92, p. 70-120
Les archives de la Bastille
Le 14 juillet 1789 dans l’enthousiasme de la prise de la bastille les émeutiers précipitèrent dans les fossés de la forteresse ou répandirent dans les salles les archives qui étaient conservées et soigneusement classées dans un bâtiment aménagé depuis 1783 entre la tour de la Bertaudière et la tour de la Bazinière. Outre les dossiers des prisonniers y étaient également rassemblés les papiers particuliers des officiers de la Bastille, les archives de la lieutenance de police, de la chambre de l’Arsenal et du Châtelet Dès le 15 juillet les électeurs siégeant à l’hôtel de ville s’inquiétèrent du pillage , les amateurs de curiosités historiques s’étant précipités pour récupérer les précieux papiers, comme par exemple Doubrowski, attaché de l’ambassade de Russie, ce qui explique la présence d’une petite partie des archives à Saint-Petersbourg, et explique également qu’on retrouve des lambeaux épars des archives dans d’autres institutions ou collections privées et qu’ils réapparaissent lors de ventes ou dans des catalogues de libraires. Ameilhon, alors bibliothécaire et historiographe de la ville de Paris réclame les archives pour sa bibliothèque. Le 24 juillet l’assemblée des électeurs enjoint aux citoyens de rapporter à l’hôtel de ville les pièces dispersées, avec un assez grand succès. Dix charrettes apportent à ce qui va devenir le dépôt littéraire de Saint-Louis La Culture les papiers récupérées. Bailly maire de Paris les confie en 1791 à Ameilhon qui s’emploie à en faire dresser un inventaire. En revanche les livres interdits, obscènes ou séditieux, qui y étaient aussi conservés furent brûlés ou vendus. En 1798 Ameilhon quitte le dépôt littéraire pour devenir administrateur de la bibliothèque de l’Arsenal ; il y emporte avec lui les archives de la Bastille Au milieu du XIXe siècle François Ravaisson, bibliothécaire à l’Arsenal, entreprend un premier classement des archives, alors laissées à l’abandon et en tire une importante publication, Archives de la Bastille, y joignant des documents conservés dans d’autres institutions, publication interrompue par sa mort (1866-1884). Le catalogage du fonds est repris et terminé par Frantz Funck-Brentano qui en publie le catalogue en 1892 , et consacre de nombreux ouvrages, d’érudition ou de vulgarisation, aux plus célèbres dossiers : affaire des poisons, affaire du collier de la reine, Latude etc. Le fonds des archives de la Bastille (Ms 10001-12727) est classé en trois sections : 1. Administration du lieutenant-général de police (Ms10001-10329) 2. Dossiers individuels des prisonniers (Ms 10330-12471) 3. Administration de la Bastille, et quelques autres prisons (Bicêtre, Charenton, la Salpétrière etc)
F.Funck-Brentano. Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal. T.9. Archives de la Bastille. Paris, 1892.
Henri Martin, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France : Bibliothèque de l’Arsenal, 1884-1894, t. 9
Boisgelin, Henri Louis - De Clercq, Louis Henri Louis Boisgelin, St –Cyr-sur-Loire (Indre et Loire) 1897-Paris 1985 Petit neveu et héritier de la riche collection d’archéologie de Louis De Clercq (Oignies, Pad-de-Calais, 1836-Oignies 1901), il offrit en 1967 au Musée du Louvre de faire un choix des pièces les plus importantes - plus de 600 - sous condition qu’elles soient exposées. G. Le Rider, directeur du Cabinet des Médailles, aidé d’Henri Seyrig, fut de son côté autorisé à sélectionner les pierres gravées et les monnaies les plus intéressantes pour la Bibliothèque nationale. Ce don généreux rendait hommage à la volonté de son oncle, Louis De Clercq, d’enrichir les collections publiques françaises, volonté que ce dernier n’avait eu le temps de mettre à exécution. Alexandre de Boisgelin, beau-frère de Louis De Clercq, avait fait partie, en 1854, d’une mission archéologique en Syrie, menée par Melchior de Vogüé. Grâce à ces relations, le jeune Louis De Clercq accompagna en 1859, en tant que photographe, l’archéologue Guillaume Rey pour une étude des châteaux forts des Croisés en Syrie. Les cinq mois de sa mission achevés, il continua son voyage, photographiant les monuments de Jérusalem, de l’Egypte et de l’Espagne musulmane. Deux cent vingt-deux clichés furent publiés par ses soins, à compte d’auteur, à son retour à Paris, dans un Recueil photographique comprenant six tomes en cinq volumes(cf. département des Estampes et de la Photographie). Au cours de ce voyage, De Clercq s’était lié avec le premier interprète du consulat de France à Beyrouth, devenu quelques années plus tard consul de France à Beyrouth, Napoléon-Antoine Péretié, ami et conseiller du duc de Luynes. C’est de lui qu’il acquit ses premiers antiques, qui furent à l’origine de sa vocation d’archéologue et de collectionneur. Il n’aura par la suite de cesse de compléter ses séries : il retourne en Syrie en 1862-1863, puis en 1893, en compagnie de son neveu Georges de Boisgelin. De France, il reste en correspondance avec les principaux antiquaires de Syrie et surtout avec son ami Péretié, auquel il achète des séries entières, leur commanditant des fouilles. La riche collection ainsi réunie est décrite dans sept gros volumes, publiés à Paris entre 1885 et 1911, sous le titre Collection De Clercq. Catalogue méthodique et raisonné. Les deux premiers, consacrés à la glyptique et aux antiquités orientales, sont dûs à Louis De Clercq et Joachim Menant ; les suivants, consacrés aux antiquités gréco-orientales, sont de André de Ridder. Le grand intérêt de la collection provient de sa cohérence scientifique : l’objectif de De Clercq, clairement exprimé dans la préface du premier volume, est de réunir des objets « provenant directement de fouilles dans un pays déterminé selon un plan fixé d’avance », c’est-à-dire de la Phénicie, ayant été « frappé par la variété des richesses archéologiques que contenait la Phénicie ». Son champ d’action, d’abord limité aux objets trouvés sur le sol de Syrie s’étend par la suite à Chypre et à la Mésopotamie. La collection de pierres gravées offre un double intérêt : d’une part, la provenance des objets est très souvent connue ; d’autre part, beaucoup d’intailles et de camées ont conservés leurs montures antiques d’origine. La plupart sont en outre des pièces de grande qualité. La numérotation en usage actuellement reprend celle des publications : - Collection De Clercq. Catalogue t. II, 1ère partie. Cylindres orientaux (n° 1 à 397) . Sont entrés à la Bibliothèque les 180 cachets orientaux décrits p. 3 à 54 sauf 3 numéros. - Ibid, tome VII, 2e partie. Pierres gravées (n° 2401 à 3535). Sont entrés 19 camées, 341 intailles (plus 18 intailles modernes non cataloguées par de Ridder). La liste précise en est donnée dans la Revue Numismatique 1968, p. 32. Il faut y ajouter 14 bijoux catalogués dans le t. VII, 1ère partie - les monnaies ont été publiées pour la première fois par G. Le Rider et H . Seyrig, dans deux volumes de la Revue numismatique : IX, 1967, p. 7-53, pl. I-X : 259 monnaies séleucides, recueillies en Syrie et au Liban ; X, 1968, p. 7-33, pl. I-VIII : 184 monnaies syriennes, phéniciennes et diverses. Issu d'une riche famille du Pas-de-Calais, futur député, Louis de Clercq manifesta un intérêt précoce pour l'archéologie. Il aurait aussi été le jeune courrier de Napoléon III en 1859 pendant la guerre d'Italie, portant les dépêches entre Paris et les résidences impériales de Saint-Cloud, Fontainebleau et Compiègne. Au même moment, son beau-frère Alexandre de Boisgelin apprenait par son ami l'archéologue Melchior de Vogüé qu'Emmanuel-Guillaume Rey (1837-1916) cherchait un assistant pour l'accompagner en Orient dans une mission obtenue auprès du ministère de l'Instruction publique. À la fin de l'année 1859, Louis de Clercq sollicita donc auprès de l'administration des Beaux-Arts une mission pour accompagner Rey. Cette expédition avait pour but d'étudier les châteaux forts des croisés en Syrie, auxquels Guillaume Rey souhaitait consacrer un ouvrage illustré par la photographie. L'archéologue et son photographe quittèrent Paris en août 1859, débarquèrent à Lattaquié et voyagèrent ensemble pendant cinq mois. Ils se quittèrent en janvier 1860 à Jérusalem après avoir réalisé les vues souhaitées par Rey. Celui-ci rédigea alors à l'intention du ministre de l'Instruction publique un rapport décrivant le travail accompli et annonçant la publication des résultats. Mais de Clercq avait pris goût à la photographie de voyage et à l'archéologie. Il continua son périple pour son propre compte, photographiant Jérusalem, l'Égypte et, pour finir, l'Espagne, dont il souhaitait, à des fins de comparaison, voir les monuments mauresques. Sa vision de l'architecture, servie par les beaux formats de ses tirages et sa maîtrise du négatif sur papier ciré sec, est ample et harmonieuse. De retour à Paris, il publia à compte d'auteur, à cinquante exemplaires, un monumental ensemble de six tomes en cinq volumes comprenant deux cent vingt-deux tirages. Il "trahissait" donc Rey en exploitant des photographies faites pour lui, même s'il les incluait dans l'ensemble plus vaste et étranger au projet initial qu'était devenu son propre voyage. Dans un article publié tardivement, en 1881, alors qu'il est devenu un très grand collectionneur d'antiquités, il retrace l'historique de cette expédition, en ne se présentant même plus comme un jeune assistant mais comme un archéologue voyageur indépendant : il ne mentionne même pas la présence de Rey, et c'est à peine s'il concède que "les découvertes que j'ai faites ne sont pas demeurées complètement inédites ; j'ai eu le plaisir de les mettre à la disposition de M. E.-G. Rey, qui en a utilisé une partie pour son ouvrage sur l'architecture militaire des croisés". Les exemplaires qui furent transmis au château de Fontainebleau par la bibliothèque du Louvre étaient sans doute un don du photographe au souverain qu'il avait servi avant son départ. Malheureusement, dès cette époque, le deuxième album, consacré aux châteaux des croisés, manquait. On imagine mal qu'il ne l'ait pas offert alors que sa mission officielle portait justement sur ce point d'histoire. Avait-il été conservé par l'empereur à titre personnel ou prélevé par un amateur indélicat ? Le même cadeau fait à la Société française de photographie en 1861 par de Clercq participant à l'exposition biennale de la Société, est, lui, resté composé des cinq albums au complet.
« La donation L. De Clercq-H. de Boisgelin », La Revue du Louvre, 1968, n° 4-5, p. 299-346. Une biographie de Louis De Clercq a été écrite par E. Babelon dans l’introduction du tome III du Catalogue.
Revue numismatique, 1967, p. 7-53 et 1968, p. 7-40
Notes manuscrites et correspondances de l'acquisition 51267 transférées en 1960 de la Réserve des livres rares vers le département des Manuscrits (N. a. fr. 14287-14304 et 25133-25157).
Werner Paravicini, Die Nationalbibliothek in Paris : ein Führer zu den Beständen aus dem Mittelalter und der frühen Neuzeit, München ; New York ; Paris [etc.] : K.G. Saur, 1981, p. 52
COLLECTION Gaston BATY
Gaston Baty (1885-1952) débute en 1919 comme assistant de Firmin Gémier, alors directeur du Cirque d’hiver. A la Comédie Montaigne, en 1920, il monte Le Simoun de Henri-René Lenormand. Il fonde une troupe qu’il baptise « les Compagnons de la Chimère » et fait construire à St Germain des près, une baraque en bois où il défend des nouveaux auteurs. Il va s’imposer, entre 1924 et 1928, au Studio des Champs-Elysées, par l ingéniosité et la variété de ses mises en scène. Sur ce minuscule plateau il monte Têtes de rechange de Jean-Victor Pellerin, Maya de Simon Gantillon, le Dibbouk de An-ski. C’est à cette époque, en 1926, qu’il publie « Le Masque et l’encensoir », plaidoyer pour une esthétique chrétienne qui fait l’éloge du mystère médiéval, et met en question la littérature dramatique.
Baty adhère en 1927, au Cartel, où il retrouve Jouvet, Dullin, Pitoëff. Après un passage au Théâtre de l’Avenue et au Théâtre Pigalle, il s’installe au Théâtre Montparnasse (1930-1947), qu’il remet en état avec l’aide de l’architecte-scénographe Pierre Sonrel. L’aboutissement de ses mises en scène lui vaut la faveur du public conquis. Il monte des auteurs contemporains (Brecht, Pirandello), et des adaptations de textes célèbres : Crime et Châtiment de Dostoïevski (1933), Madame Bovary d’après Flaubert (1936). Il renouvelle, d’une façon parfois discutée , la présentation des classiques : Les Caprices de Marianne (1935), Faust (1937), Phèdre, Mac beth (1942). Invité par Edouard Bourdet, à la Comédie-Française il met en scène Le Chandelier de Musset (1936) et Un chapeau de paille d’Italie de Labiche (1938). Il abandonne peu à peu son rôle de directeur de troupe pour se consacrer à la recherche d’un répertoire et à la formation de manipulateurs pour ses marionnettes à la française (1944-1949). Tout comme Charles Dullin il prendra part à la réflexion sur la décentralisation théâtrale et créera à la fin de sa vie La Comédie de Provence (1952).
Baty explique son esthétique théâtrale dans un essai « Vie de l’Art théâtral des origines à nos jours » (1932). Il veut rethéâtraliser le théâtre (art de synthèse qui regroupe tous les autres arts) mais en laissant la prééminence au metteur en scène. Souvent provocateur dans ses déclarations théoriques : « Sire le mot » (1919), et ses partis pris scéniques, hostile à une formule unique pour le décor, il multiplie les solutions habiles et séduisantes sans machinerie compliquée, utilise en virtuose les éclairages, contrôle tous les éléments de la représentation. Ayant assez tôt abandonné le métier d’acteur, il rassemble autour de lui une troupe solide et cohérente dominée par deux comédiens talentueux : Marguerite Jamois et Lucien Nat. Considéré à ses débuts comme un novateur s’adressant à une élite, Baty a élaboré un langage scénique influencé par : son goût pour les traditions populaires, les marionnettes, sa défiance face à l’excès de littérature. En apportant au spectateur le rêve et l’évasion, il fait du théâtre un refuge et un lieu de ressourcement.
Le fonds Gaston Baty a été remis en 1953 à la Bibliothèque nationale par sa femme. Il comprenait ses mises en scène autographes, les maquettes originales de décors et costumes, des manuscrits, la correspondance, des programmes affiches, recueils de presse. Ce premier don s’accroît, en 1961 d’un fonds de musique de scène des spectacles montés par Baty, grâce à la générosité du compositeur André Cadou. Puis, en 1965 d’un ensemble de documents demeurés au Théâtre Montparnasse après la mort de Baty : maquettes construites, costumes, disques…Madame Baty poursuit ses dons au cours des années, remettant en particulier des documents relatifs à la création du Centre dramatique d’Aix en Provence. Simone Jouffroy, en 1977, dépose un ensemble éclairant une autre facette de l’activité de Baty : le marionnettiste, à travers une correspondance échangée entre G. Baty et elle-même. Le Département des Arts du spectacle achète en 1980 quelques maquettes exécutées par Charles Sanlaville, décorateur attitré de Baty pendant son activité à la Baraque de la Chimère, pour Le Songe d’une nuit d’été. En 1966, une exposition intitulée « Gaston Baty et le renouvellement du théâtre contemporain » a été organisée à la Bibliothèque de l’Arsenal par l’Association des Amis de Gaston Baty.
En 1985 s’ajoute à cette collection, un dossier de documents concernant Marguerite Jamois (1901-1964), qui après avoir été la collaboratrice de Gaston Baty, lui succède après à la direction du Théâtre Montparnasse. Ce dossier a été remis par Hélène Iscovesco.