Jolivet, André (1905-1974)
Les archives d'André Jolivet, qui sont restées intactes après son décès, constituent un ensemble exceptionnel de manuscrits musicaux du 20e siècle.
Elève de Paul Le Flem et d'Edgar Varèse, André Jolivet fonde en 1936 avec Olivier Messiaen, Daniel-Lesur et Yves Baudrier le groupe "Jeune France", pour une "réincarnation de la musique dans l'homme". Musicien dont l'univers réunissait Beethoven, Debussy, Bartok, Stravinsky, Ravel, Berg, Schönberg et Varèse, il compose une œuvre audacieuse, insolite, parfois violente, où les recherches sur le langage obéissent à une exigence spirituelle, celle de rendre à la musique sa puissance magique et incantatoire. Foncièrement original, indépendant et novateur, il se place en dehors de tout dogmatisme. Marius Constant estimait qu'il est "à classer dans les inclassables".
Petit à petit ses manuscrits autographes entrent au Département de la Musique de la BnF : en 1998, nous avons acheté les manuscrits des œuvres concertantes, entre autres celui du Concerto pour piano, ceux des Concertos pour trompette, en 2001 les manuscrits des œuvres vocales : par exemple Le Cœur de la matière ou celui de l'opéra-bouffe Dolorès, puis en 2002, une dation en paiement des droits de succession permet l'acquisition d'une partie de ses œuvres symphoniques et d'un ensemble de documents autour de Mana. A côté des trois Symphonies (1953, 1959 et 1964), la BnF reçoit les manuscrits de Cosmogonie (1938), de la Suite transocéane (1955), de la Suite française (1957), de Psyché (1946) et de Fanfares pour Britannicus (1946), qui rappellent l'homme passionné de théâtre, et celui des Cinq Danses rituelles (1939). Enfin, le Département de la Musique voit son fonds sur Mana enrichi de plusieurs documents : le brouillon de La Chèvre et de L'Oiseau, deuxième et quatrième parties de cette pièce, un exemplaire de l'édition publiée en 1946, annotée et commentée par l'auteur, des dessins originaux à la plume et des projets de couverture pour cette édition et pour le fac-similé du manuscrit qui servit lors de la première exécution. Cette œuvre majeure dont la création en 1935 provoqua l'admiration enthousiaste d'Olivier Messiaen porte un titre qui peut paraître mystérieux, "le Mana désigne dans les sociétés primitives cette force qui nous prolonge dans nos fétiches familiers". Cette suite pour piano seul a été inspirée par les six objets "fétiches" que Varèse avait offerts à Jolivet au moment de son départ pour les États-Unis en 1933.
Gottmann, Jean (1915-1994)
Au cours de l’année 1995, Madame Bernice Gottmann a fait don d’une volumineuse documentation rassemblée par son mari. Jean Gottmann (1915-1994), professeur émérite de l’Université d’Oxford, fellow of Hertford College de 1968 à 1983, occupe une place à part dans la communauté universitaire. Volontiers décrit comme un visionnaire, cet humaniste moderne et de pensée libérale a laissé une œuvre scientifique d’envergure internationale. Réfugié russe à Paris, apatride jusqu’en 1939 – date à laquelle il acquiert la nationalité française –, chassé de son poste d’assistant à la Sorbonne lors de la promulgation des lois raciales de Vichy, il doit prendre à nouveau le chemin de l’exil pour débarquer à New-York en décembre 1941 et entamer une carrière d’enseignant-chercheur, d’abord à l’Institute for Advanced Study de Princeton, puis à John Hopkins University de 1943 à 1948. En 1942, il se met au service du chef de la France libre en participant, comme “ géographe-conseiller ”, au US Board of Economic warfare à Washington. Remarqué par Pierre Mendes-France, puis par René Pleven, alors ministre de l’Economie nationale, Jean Gottmann est chargé de missions en France et aux États-Unis. En Bretagne, il étudie les potentialités économiques en vue de la reconstruction des ports et des industries ; à Washington, il rédige un rapport sur la politique internationale d’échange des matières premières. Un temps directeur d’études au tout nouveau secrétariat des Nations-Unies, il préfère se consacrer presque exclusivement à la recherche, l’écriture et l’enseignement, tant aux États-Unis qu’en France, où de 1948 à 1956, il dirige un séminaire à l’Institut d'études politiques. En 1960, il est appelé par Fernand Braudel à la VIe section de l'Ecole pratique des hautes études, puis en 1968, il accepte le poste de directeur du département de géographie de l’Université d’Oxford. Régulièrement, il tient un rôle de conseiller auprès des politiques et des urbanistes (France, États-Unis et Japon) comme en témoigne l’échange de lettres sur le thème des conditions de logement, du développement des grandes agglomérations et des flux entre les villes. Membre de nombreuses académies ou sociétés de géographie, il intervient, à différents titres, au sein de leurs commissions ; il pRéserve des livres rareside ainsi la commission de géographie politique de l'Association internationale de Science politique. L'inventaire de ses publications (plus de quatre cents de 1933 à 1994) révèle l’ampleur de ses champs d’étude : urbanisation, relations internationales, rapports politique/espaces, géographie politique, aménagement du territoire, liens ports/villes, économie portuaire, flux d'information, de marchandises, de population. Le fonds Gottmann comprend la partie proprement géographique de sa bibliothèque (ouvrages et revues de géographie urbaine et politique), l’ensemble de sa correspondance de 1933 à 1994 évaluée à 15000 feuillets, tant lettres reçues que copies de lettres expédiées, tous ses agendas et un dossier de papiers personnels. A cela il faut ajouter des cartes, des diapositives et des photos sur les "zones de civilisation", et des notes de travail dont il se servait pour illustrer ses cours ou comme support à une publication. Dans sa correspondance on retrouve les grands géographes de ce demi-siècle écoulé, les maîtres, les collègues et les disciples, mais aussi les éditeurs de Gottmann, les responsables politiques et les directeurs d’université ou de département de géographie français et étrangers, des scientifiques de toute discipline tels Claude Levi-Strauss ou Robert Oppenheimer. La dimension cosmopolite de ses activités se lit tout au long de sa correspondance avec ses héritiers et ses amis, parmi lesquels Laponce, Laugier, Mantoux, Morel, Gay, Claval, Malaurie, Muscarà, Miyakawa, Dov Nir, Psomopoulos, Scargill, Earle, Lowenthal, Paassen, Prevelakis, Doxiadis...
Sanguin, (A.-L.) et Prévélakis (G.), "Jean Gottmann (1915-1994), un pionnier de la géographie politique". Annales de Géographie, janv.-fév. 1996, n° 587, p. 73-78 Dix, G. "Jean Gottmann An appreciation". Town planning Review, juillet 1994, vol. 65, n° 3, p. III-VII Corey, K.E. "In memoriam : Jean Gottmann, 1915-1994". Annals of the Association of American Geographers, 1995, vol. 85, n° 2, p. 356-365
Collection Marcel Griaule
La collection Griaule occupe les cotes 305 à 674 du Fonds éthiopien.
Les manuscrits proviennent de la mission Dakar-Djibouti, organisée par l'Institut d'ethnologie de l'Université de Paris et le Muséum d'histoire naturelle, avec l'aide de nombreuses institutions publiques. Elle partit de Paris le 10 mai 1931 et fut de retour le 18 février 1933. Dirigée par Marcel Griaule (Aisy-sur-Armançon 16 mai 1898-Paris 23 février 1956), alors assistant à l'École pratique des Hautes Etudes, la mission séjourna du 1er juillet au 5 décembre 1932 à Gondar en Éthiopie, où furent acquis, grâce aux soins de Deborah Lifszyc, 333 manuscrits ge'ez et amhariques qui furent ensuite cédés à la Bibliothèque nationale.
Marcel Griaule avait fait précédemment des voyages en Éthiopie. En 1928-1929, il avait rapporté une vingtaine de manuscrits, dont certains copiés par lui-même ou par des écrivains locaux. À sa demande, ces manuscrits furent remis à la Bibliothèque avec d'autres volumes qui lui avaient été donnés à titre personnel. Le catalogue fut rédigé en plusieurs tranches : les trois premières par Sylvain Grébaut, professeur à l'Université catholique, en 1938, 1941 et 1944, et par S. Strelcyn en 1954. Sous la cote Éthiopien 663 se trouvent les carnets d'acquisition des manuscrits rapportés par la Mission Dakar-Djibouti (MDD) : pour chaque manuscrit sont signalés le nom du vendeur, le lieu et la date ; en général, il s'agit de [X], de l'église de [Y]. Certains portent la mention : « Copié par [X] pour la MDD ». En effet, certains textes ont été recueillis tout spécialement à cette occasion et même illustrés, comme en témoignent les carnets rédigés par Abba Jérôme sous la direction de Michel Leiris à qui était confiée l'enquête sur les zars (génies). Un lot de manuscrits provient d'un don de Raphaël di Lauro, consul d'Italie à Gondar, lequel facilita beaucoup le séjour de la mission en ce lieu.
Les Catalogues imprimés de la Bibliothèque nationale : liste, description, contenu, Paris : Bibliothèque nationale, 1943, Mss 28-29