En 1945, le Département de la musique de la Bibliothèque nationale s’est enrichi d’un don exceptionnel fait par Mme Bretton-Chabrier, belle-fille du célèbre compositeur Emmanuel Chabrier (1841-1894).
Ce fonds a été réparti comme suit :
Issu d’un milieu paysan, Patrice Coirault s’est très tôt intéressé au répertoire de la chanson de tradition orale qu’il avait entendu dans sa jeunesse auprès des chanteurs ruraux. Son premier souci a été la collecte de ce répertoire, d’abord en Poitou, puis en Béarn, collecte enrichie ensuite par le dépouillement quasi systématique des recueils de chansons, publiés ou inédits, compilés par les folkloristes du XIXe et du début du XXe siècle, complété par la consultation des recueils, imprimés ou manuscrits, du XVIe au XVIIIe siècle. Les résultatsde cette collecte furent répertoriés et classés dans un fichier ordonné en plusieurs sections (collecte personnelle, répertoire des chansons folkloriques classées par types, répertoire des timbres anciens, etc.) et perpétuellement enrichi. En parallèle, Patrice Coirault a rassemblé pour sa propre documentation une très vaste bibliothèque comprenant tant des instruments de travail que des sources du répertoire des chansons. Il a par ailleurs publié l’essentiel de ses recherches et travaux dans trois ouvrages principaux : Recherches sur notre ancienne chanson populaire traditionnelle, Notre chanson folklorique et Formation de nos chansons folkloriques.
A la mort de Patrice Coirault en 1959, l’ensemble de ce fonds est entré à la Bibliothèque nationale par acquisition (pour la bibliothèque) et par don (pour le fichier). La bibliothèque, riche de 4 000 ouvrages imprimés et manuscrits, rassemble une grande variété de documents : - des instruments de travail (bibliographies, catalogues de bibliothèques, dictionnaires) ; - des études monographiques et des périodiques : Mélusine, Nouvelle revue des traditions populaires, le Pays Poitevin, etc. ; - des textes littéraires, soit folkloriques soit anciens : des textes folkloriques recueillis en France ou dans les pays de langue française aux XIXe et XXe siècles, du folklore étranger de langue romane ou non, des textes du Moyen-âge (dans des rééditions) ainsi que des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles ; - de la musique instrumentale, en grande partie pour flûte (instrument dont jouait Coirault) de compositeurs tels Blavet, Chédeville, Hotteterre, Montéclair, Taillart, etc. ; - des méthodes instrumentales et des traités de musique anciens, de Bérard, Blanchard, Corette, Loulié, Nivers, etc. Il faut y ajouter des traités de vénerie qui contiennent des exemples de fanfares de chasse ; - des airs ou recueils d’airs de vaudevilles ou d’opéras comiques comme le Théâtre de la Foire, les Parodies du nouveau théâtre italien, le Théâtre de société, etc. ainsi que des pièces de théâtre comportant les timbres des airs notés ; - des recueils d’airs de cour, de chansons pour danser, de brunettes ou airs à boire du XVIe au XVIIIe siècle : Bacilly, J. Boyer, D. Macé, A. Boesset, œuvres éditées par la maison Ballard ; - des recueils de chansons sans musique des XVIe-XVIIe siècles, en édition originale ou en fac-similés ; - des recueils de cantiques notés et de noëls, du XVIIe au début du XIXe siècle : La pieuse alouette, Rossignols spirituels, Philomèle séraphique, Cantiques spirituels et noëls de différents auteurs,…
La majorité de ces ouvrages est référencée dans le catalogue manuscrit sur fiches (3 tiroirs) accessible dans la salle de lecture du département de la Musique. Une partie de ces éditions est également référencée dans BN-Opale Plus. Le fichier de travail de P. Coirault est consultable par les chercheurs au département de la Musique uniquement sur rendez-vous. Sa partie répertoire des chansons folkloriques classées par types a été publiée en trois volumes sous le titre : Répertoire des chansons françaises de tradition orale (voir Bibliographie ci-dessous). Enfin, une importante correspondance reçue par P. Coirault (près de 1000 lettres, souvent complétées par le brouillon de la réponse) est conservée au département de la Musique et accessible sur autorisation.
La consultation de ce fonds peut être complétée par celle du fonds Weckerlin qui rassemble de nombreux livres, recueils et manuscrits relatifs au folklore musical français et étranger, du XVIIe au XIXe siècle (pour plus de détails, voir la notice sur le fonds Weckerlin dans ce même dictionnaire).
Coirault (Patrice) - Formation de nos chansons folkloriques / Patrice Coirault ; ouvr. publ. avec le concours du Centre national de la recherche scientifique. Paris : Editions du Scarabée, 1953-1959. 4 vol. - Notre chanson folklorique : Étude d'information générale. L'objet et la méthode. L'inculte et son apport. L'élaboration. La notion / Patrice Coirault. Paris : A. Picard, 1941. 458 p. - Recherches sur notre ancienne chanson populaire traditionnelle [Exposés I-IV] / par M. Patrice Coirault. [S.l.n.d.]. 318 p. (Extrait du Bulletin de l’Institut général psychologique n° 4-6, année 1927 ; 1-3, année 1928 et Publications de l’Institut général psychologique, Mémoire n° 5, 1re partie, 1929). - Recherches sur notre ancienne chanson populaire traditionnelle [Exposé V] / par M. Patrice Coirault. Paris : E. Droz, 1933. Paginé 321-686. - Répertoire des chansons françaises de tradition orale. I, La poésie et l'amour / Patrice Coirault ; ouvrage révisé et complété par Georges Delarue, Yvette Fédoroff et Simone Wallon. Paris : Bibliothèque nationale de France, 1996. 566 p. - Répertoire des chansons françaises de tradition orale. II, Le mariage, la vie sociale et militaire, l'enfance / Patrice Coirault ; ouvrage révisé et complété par Georges Delarue, Yvette Fédoroff et Simone Wallon. Paris : Bibliothèque nationale de France, 2000. 635 p. - Répertoire des chansons françaises de tradition orale. III, Religion, crimes, divertissements / Patrice Coirault ; ouvrage révisé et complété par Georges Delarue, Marlène Belly et Simone Wallon. Paris : Bibliothèque nationale de France, 2007. 342 p.
Wallon (Simone) - « Le fonds Coirault à la Bibliothèque nationale », Revue de Musicologie, XLIX, juillet 1963, p. 108-111. Colloque - Autour de l’œuvre de Patrice Coirault. Actes du colloque / organisé par l’Université de Poitiers Département de Musicologie les 24-25 novembre 1994. Saint-Jouin-de-Milly : FAMDT éd., 1997 : FAMDT éditions, 1997.
François Lesure, « The Music department of the Bibliothèque nationale », Notes / Music library association, 1978, p. 251-268.
Collection Marc-Antoine Charpentier (1643-1704)
Marc-Antoine Charpentier a légué à la postérité une œuvre musicale d’une ampleur exceptionnelle, tant par la diversité des compositions que par leur nombre. Le compositeur, reconnu et apprécié à son époque, tomba dans l’oubli au XVIIIe siècle et ce n’est qu’au début du XXe siècle que ses œuvres furent peu à peu redécouvertes. Charpentier avait travaillé pour plusieurs personnages haut placés : Mademoiselle de Guise, le Dauphin, Philippe d’Orléans, duc de Chartres. Il collabora aussi avec Molière et sa troupe après la rupture de celui-ci avec Lully. Il dirigea la musique de l’église Saint-Louis des Jésuites à Paris, puis de la Sainte-Chapelle du Palais à la fin de sa vie. Cependant, ses affinités avec l’esthétique italianisante et de malheureux concours de circonstances le tinrent à l’écart de l’entourage de Louis XIV, bien que le roi lui accordât une pension et acceptât la dédicace de son opéra Médée, en 1694. Cela eut d’indéniables répercussions sur la diffusion et la publication de sa musique. En effet, du vivant du compositeur, bien peu de ses œuvres furent éditées : un petit recueil d’Airs de la comédie de Circé (1676) et Médée, parurent chez Ballard. Tout au long de sa vie, Charpentier avait méthodiquement et soigneusement copié et classé ses œuvres. A son décès, l’ensemble de ses manuscrits revinrent à son neveu Jacques Edouard. Celui-ci, lui-même éditeur de musique, tenta de commencer l’édition de ce précieux héritage. On lui doit le recueil de Motets melez de symphonie (1709). Mais la tentative tourna court. En juillet 1712, Edouard offrit de vendre ou de céder les vingt-huit volumes de musique manuscrite de son oncle dans le Journal historique de Verdun. Sans résultat. C’est enfin la bibliothèque royale qui acquit la collection intégrale accompagnée d’un catalogue succinct – Memoire des ouvrages de musique latine et françoise de défunt Mr Charpentier – pour le modeste prix de 300 livres, le 20 novembre 1727. Les vingt-huit volumes des Meslanges de Charpentier sont parvenus intacts jusqu’à nous et sont aujourd’hui conservés au département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France sous la cote Réserve des livres rares. Vm1. 259. Réunissant plus de cinq cents œuvres, cette collection comprend la presque totalité des compositions de Marc-Antoine Charpentier. La plupart demeurent des exemplaires uniques sans lesquels nous ne connaîtrions rien des débuts de l’oratorio introduit en France par le compositeur dès les années 1670 (par exemple, Historia Esther) ou nous ignorerions les premiers exemples de cantates françaises (parmi lesquelles Orphée aux enfers). La collection comprend aussi les admirables leçons de Ténèbres (Réserve des livres rares. Vm1. 259 (1) et (4)), d’innombrables motets, des pastorales, des divertissements, des intermèdes et de la musique instrumentale. Elle est aujourd’hui rééditée en fac-similé volume par volume par les éditions Minkoff.
Edouard, Jacques. Memoire des ouvrages de musique latine et françoise de défunt Mr Charpentier, manuscrit, [ca 1727], BnF-Musique, Rés. Vmb. ms. 71 Lesure, François. « The Music Department of the Bibliothèque nationale, Paris », Notes, 35 (1978), p. 251-268. Hitchcock, H. Wiley. Les œuvres de Marc-Antoine Charpentier : catalogue raisonné, Paris, Picard, 1982, 419 p. Hitchcock, H. Wiley. « Marc-Antoine Charpentier : Mémoire and Index », Recherches sur la musique française classique, XXIII (1985), p. 5-44. Cessac, Catherine. Marc-Antoine Charpentier, Paris : Fayard, 1988, chapitre I, p. 11-25. Charpentier, Marc-Antoine. Meslanges autographes, Paris : Minkoff, 1990 - (20 vol. parus)
Charpentier, Gustave (1860-1956)
Gustave Charpentier, né à Dieuze en Moselle en 1860, et mort à Paris en 1956, est le compositeur de Louise, opéra créé à l'Opéra-Comique le 2 février 1900, et qui s'imposera très vite et durablement dans le monde entier. Sa famille quitte la Lorraine pour Tourcoing après 1870. Gustave Charpentier s'installe à Montmartre et entre au Conservatoire à Paris en 1879, admis dans la classe de composition de Massenet en 1884 (il succèdera à son maître à l'Institut en 1912), il remporte le Prix de Rome en 1887 avec sa cantate Didon. C'est à la Villa Médicis qu'il conçoit la suite orchestrale Impressions d'Italie, la symphonie-drame La Vie du Poète et qu'il écrit le premier acte de Louise. L'oeuvre terminée dans les années suivantes est d'abord refusée par Carvalho, directeur de l'Opéra-Comique. Ce n'est qu'en janvier 1898 qu'Albert Carré décide de la créer. D'origine modeste, ayant dû abandonner très tôt ses études pour travailler, Gustave Charpentier est préoccupé par le sort des classes laborieuses et convainc Albert Carré d'offrir des places gratuites pour Louise à de jeunes ouvrières parisiennes. Ce geste aboutira à la création de l'"Oeuvre de Mimi Pinson" en 1902, destinée à promouvoir l'enseignement musical gratuit. Il fonde le premier syndicat de musiciens, et sera constamment préoccupé par le sort des classes populaires, et leur droit imprescriptible à l'art et à la beauté, certainement seul compositeur de cette époque dans ce cas. Le succès de Louise l'amène à voyager partout en Europe pour assister aux représentations et lui apporte l'aisance. Il prévoit un ensemble d'opéras avec les mêmes personnages, mais seul Julien sera édité et représenté en 1913 à Paris, et à New York en février 1914 avec Caruso et Géraldine Farrar. Ses mélodies, écrites entre 1890 et 1896 sur des poèmes de Verlaine, Baudelaire, Camille Mauclair, publiées par Tellier puis Heugel, ont eté enregistrées dans les années 1930. Passionné lui-même par les possibilités de l'enregistrement phonographique, et par le cinéma, il a suivi de très près la réalisation du film Louise d'Abel Gance et préparait très soigneusement les enregistrements et les diffusions radiophoniques de ses oeuvres d'où les nombreuses partitions annotées que l'on trouve dans ce fonds. (Un grand nombre de matrices de l'enregistrement de Louise a été déposé par Claude Charpentier, avec les annotations de Gustave Charpentier). Ce fonds témoigne de son intêrêt pour les diverses exécutions de ses oeuvres. Il a constamment réutilisé des thèmes musicaux et même des fragments d'oeuvres antérieures dans ses compositions,
Ce fonds a été donné en 1997 au département de la Musique par les héritiers de Claude Charpentier (neveu du compositeur, décédé en 1995). Il se compose essentiellement de manuscrits musicaux, de fragments et esquisses, notes personnelles, de partitions et matériels d'orchestre, projets de livrets, (à l'origine 31 boîtes Cauchard, environ cinq mètres linéaires). L'inventaire est en cours et on y relève les ensembles suivants : Impressions d'Italie, La Vie du Poète, Louise, Julien, Le couronnement de la Muse, Sérénade à Watteau, Chant d'apothéose, Munich, l"oeuvre de Mimi Pinson", nombreuses mélodies, dossiers documentaires.
Clément, Nicolas (1647-1712)
Nicolas Clément (Toul, 1647- Paris, 1712) est l'une des grandes figures de l'histoire de la Bibliothèque nationale. Entré dès 1665 à la bibliothèque dans le sillage de Carcavy, bibliothécaire de Colbert, il fut nommé commis à la garde des planches et estampes en 1670 , et chargé plus tard particulièrement de la collection de l’abbé de Marolles. On lui doit par ailleurs les premiers catalogues de la bibliothèque : de 1675 à 1684, il établit sur registres le premier catalogue méthodique des 35 000 ouvrages que possédait alors la bibliothèque, répartis en 23 divisions. Dans le second catalogue, entrepris en 1688, le cadre de classement est amélioré.
Collectionneur passionné de portraits gravés, il en accumula pendant toute sa vie, arrivant ainsi à un total de 18 000 pièces. Il passe d'ailleurs pour avoir prélevé dans les livres imprimés les frontispices ornés de portraits gravés. A sa mort, il légua au roi sa collection, regroupée en 108 portefeuilles. Ce legs entra officiellement à la bibliothèque en 1715, mais transita en fait par Versailles puis par le domicile de Clairambault, qui classait à la même époque les portraits de Roger de Gaignières. Ce fut Bignon qui réclama le retour de la collection Clément à la Bibliothèque royale. Il en fit alors dresser un inventaire sommaire.
La collection Clément ne fut pas conservée à la bibliothèque comme une entité particulière. Bien au contraire, elle servit de base à une plus vaste collection de portraits, qui devait devenir avec l'organisation en séries de 1800 la série N. Cette série, classée alphabétiquement et faisant l'objet d'un catalogue sur fiches, compte aujourd'hui plus de 200 000 pièces parmi lesquelles sont intégrées celles de la collection Clément. On peut les identifier à la marque "Cl" portée à la plume par Nicolas Clément sur ses portraits.
Beaumont-Maillet. Laure. "Les collectionneurs au Cabinet des Estampes". Nouvelles de l'estampe, 1993, n° 132, p. 5-27. Dictionnaire de biographie française, t. 8, 1959 Guibert. Joseph. Le cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale. Histoire des collections suivie d'un guide du chercheur. Paris : M. Le Garrec, 1926. 270 p.-[32] p. de pl.
Laure Beaumont-Maillet, « Les collectionneurs au Cabinet des Estampes », Nouvelles de l’estampe, 1993, n° 132, p. 5-27. N° 2